Le 4 octobre, les travailleurs des entreprises privées, comme les
travailleurs du public, ont participé massivement aux grèves et aux
manifestations : plus d’un million de manifestants au total. La
signification de cette mobilisation est claire : assez de cette
politique, assez de ce gouvernement ! Cette mobilisation s’inscrit dans
la continuité de la défaite infligée à Chirac la 29 mai par un vote
massif des travailleurs, une nette majorité pour le « non » au traité
constitutionnel et le « non » à Chirac.
Mais à l’inverse de cette exigence élémentaire, les dirigeants
syndicaux ont demandé à Chirac des « négociations » pour « une autre
politique ». Ils ont été soutenus par un appel commun du PS, du PCF,
des Verts et de la LCR sur la même orientation. Or les travailleurs le
savent : ce gouvernement fera la même politique tant qu’il sera en
place. C’est l’enseignement majeur des mobilisations de mai-juin 2003
et de janvier-mars 2005 : on ne peut gagner sur les revendications
qu’en infligeant une défaite à ce gouvernement, pour le battre et le
chasser. Ceci exigeait, en particulier en 2003, que les dirigeants
syndicaux appellent à la grève générale, ce qu’ils refusèrent de faire.
C’est dans la continuité de cette politique que le 4 octobre ils ont
appelé à des « arrêts de travail » et à « des manifestations » pour «
des négociations », refusant tout appel central au combat contre le
gouvernement, toute action pouvant préparer le grève générale. C’est
cette question qui devra être résolue : pour en finir avec cette
politique et ce gouvernement avant 2007, il faut imposer aux dirigeants
syndicaux qu’ils rompent avec ce gouvernement, qu’ils cessent toute
concertation de ses plans, comme première condition politique pour
préparer la grève générale de toute la classe ouvrière.
Ce qui est vrai à l’échelle nationale se concrétise dans les combats
particuliers. Ainsi, à la SNCM, où le combat des travailleurs contre la
privatisation avait une signification nationale. Alors que les
travailleurs de la SNCM se sont mobilisés de manière importante avec
les dockers, contre tout plan social et pour le maintien de
l’entreprise à 100% sous contrôle de l’État, le dirigeants syndicaux,
Thibault en tête n’ont cessé de négocier avec le gouvernement sur la
base d’une privatisation majoritaire et de plusieurs centaines de
suppressions d’emplois. Ils ont ainsi oeuvré à sauver le gouvernement
Chirac et Villepin (voir ci après) d’une rude défaite.
Celle-ci aurait été un point d’appui pour la mobilisation de tout le
prolétariat pour en finir immédiatement avec ce gouvernement, exigence
que les travailleurs ont massivement exprimée le 29 mai en votant « non
» à Chirac et au traité constitutionnel européen.
Par quoi le remplacer ? En votant massivement au printemps 2004 lors
des élections régionales
et cantonales, puis européennes, pour les candidats du PS et du PCF et
pour les listes dirigées par ceux-ci, les travailleurs ont montré qu’il
existait une alternative politique immédiate : celle d’un gouvernement
du PS et du PCF sans Chirac ni ministre de partis bourgeois.
C’est dans
cette voie et sur cette perspective que le mouvement spontané peut
s’engager pour imposer par la grève générale, le départ immédiat de
Chirac, de
son gouvernement et de sa majorité UMP-UDF. Ceci implique de mener le
combat pour la réalistion du Front Unique, le combat pour imposer aux
dirigeants des organisations ouvrières la rupture avec le gouvernement.
Faute de quoi, le gouvernement pourra poursuivre son offensive au
compte du capitalisme
jusqu’en 2007 et créer ainsi, pour les élections de 2007, les
conditions favorables à la victoire d’un candidat de la bourgeoisie.
10 octobre 2005
Le présent numéro a pris était achevé lorsqu'a pris fin
la grève des travailleurs de la SNCM. Nous donnons ci-après une
première appréciation sur cette grève et reproduisons
le tract
distribué à ce sujet dans les manifestations du 4 octobre.
Trahison des travailleurs de
la SNCM en grève
La grève a pris fin à la SNCM après
que la direction de la CGT ait fait
entériner par les grévistes le 13 octobre, la reprise du travail, ceci
après vingt-quatre jours de grève. Le gouvernement a gagné :
l’entreprise sera privatisée, 400 emplois seront supprimés, les
conditions de travail seront aggravées. Pour le gouvernement, ce succès
est important, car il constitue un point d’appui pour poursuivre sa
politique, notamment de privatisation. Il doit ce succès à la politique
qu’ont mené les responsables des différents syndicats. La manière dont
a été organisée la reprise du travail est illustrative de la politique
de ces dirigeants : dès avant le 13 octobre, les organisations
minoritaires (FO, CGC, CFDT) avaient appelé à la reprise du travail
ainsi que tous les syndicats d’officiers (dont celui de la CGT). Le 13
octobre, la CGT a organisé un vote à bulletin secret pour faire
accepter a reprise alors que les votes antérieurs étaient à main levée.
Mieux : les bulletins de vote indiquaient : « Oui à la reprise de
l’activité pour éviter le dépôt de bilan » ou bien « Non à la reprise
de l’activité = dépôt de bilan ». Vote truqué s’il en est. Il suffit
d’entendre ce qu’un administrateur membre de la CGT expliquait lui-même
: « Il n’est pas sûr qu’il y aurait eu dépôt de bilan » s’il y avait eu
poursuite de la grève. Et un autre responsable CGT, Salim Chikhoun,
expliquait cyniquement : « Si je n’avais pas été délégué, je votais
«Non» à la reprise, mais faut être responsable.»
En réalité, les travailleurs n’ont eu aucun contrôle réel sur
l’organisation de la grève, et ceci depuis le début. Il n’y eut jamais
de comité de grève élu en Assemblée générale et la reprise votée
elle-même ne le fut pas en Assemblée générale mais en «assemblée des
grévistes de la CGT» (moins de 600 travailleurs sur 2400 salariés).
Puis l’organisation STC («syndicat des travailleurs corses»),
majoritaire chez les marins a appelé à la reprise en fustigeant la
trahison de la CGT. Les différents bureaucrates se sont ainsi partagés
le travail.
La politique suivie par les appareils syndicaux locaux fut en parfait
accord – au-delà de quelques variations sur le «ton» - avec la
politique des appareils nationaux. Comme notamment la CGT et Thibault,
ils ont accepté dès le début de «négocier» dans le cadre fixé par le
gouvernement, acceptant ouvertement 400 suppressions d’emplois et le
principe même de la privatisation. Leur soi-disant désaccord ne portait
que sur le pourcentage de cette privatisation. Ils demandaient quant à
eux le maintien d’une majorité sous contrôle de l’État. C’est sur cette
base que Thibault a négocié directement avec Villepin. Puis dans son
dernier courrier au premier ministre, Thibault enleva même toute
référence à la demande d’un maintien majoritaire de l’Etat dans
l’entreprise privatisée. L'Etat ne gardera donc plus que 25%, pour le
moment.
Dans cette politique, qui enfermait les travailleurs dans une nasse,
les bureaucrates ont reçu l’appui de tous les dirigeants du PS et du
PCF, tous demandant des « négociations », aucun ne demandant le
maintien à 100% de l’entreprise comme propriété de l’État. La tribune
peut ainsi expliquer à propos du gouvernement « le coup n’est pas passé
loin » en votant la reprise du travail «les salariés de la
SNCM
retirent une sacré épine du pied de Dominique de Villepin, exposé en
première ligne dans ce conflit».
Mais la trahison ne se réduit pas au seul fait d’avoir accepté de
discuter dans le cadre fixé par le gouvernement. Car cette acceptation
n’est que la concrétisation d’une politique plus générale : tous les
bureaucrates syndicaux, tous les dirigeants du PS et du PCF, acceptent
le maintien de Chirac au pouvoir, lui laissant ainsi les mains libres,
aucun d’eux n’exige la formation immédiate d’un autre gouvernement,
d’un gouvernement des seuls PS et PCF. Là est la véritable trahison.
Les travailleurs de la SNCM ont subi une défaite. Ils sauront, avec
l’ensemble du prolétariat en tirer les leçons pour en finir avec cette
politique, avec ce gouvernement.
10 octobre 2005
|