Dossier PALESTINE
CPS N° 26                                                                                          25 FEVRIER 1989
 

NOUVEAUX COUPS CONTRE LES MASSES PALESTINIENNES

Le 13 septembre 1193, les télévisions du monde entier pouvaient filmer la poignée de mains qualifiée d’“historique” entre Itzhak Rabin, chef du gouvernement israélien et Yasser Arafat, principal dirigeant de l’OLP Cette poignée de mains, l’accord que les deux protagonistes paraphent signifient que l’OLP, organisation de Libération de la Palestine, renonce officiellement à tout combat pour la Libération de la Palestine. Pour les masses palestiniennes, la signature de cet accord constitue un nouveau coup; les points de cet accord, s’ils devaient être appliqués, seraient à leur tour autant de coups supplémentaires.

UN ACCORD DE TRAHISON

Le cadre de cet accord est fixé par le préambule:
“Le gouvernement de l’État d’Israël et l’équipe palestinienne (de la délégation jordano-palestinienne à la conférence de paix sur le Proche-Orient) (“la délégation palestinienne”) représentant les Palestiniens, sont d’accord qu’il est temps de mettre fin à des décennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels, de s’efforcer de vivre dans la coexistence pacifique, la dignité et la sécurité, et d’aboutir à un accord de paix juste, total et durable ainsi qu’à une réconciliation historique dans le cadre de processus politique agrée”.

D’emblée, les délégués palestiniens reconnaissent le droit à l’existence et à la sécurité de l’État d’Israël; celui-ci n’a à reconnaître ni “peuple” palestinien ni droit à un “État” palestinien, ne serait-ce que sous le forme d’un État-croupion de Cisjordanie comme le demandait Arafat.

L’article premier fixe le but des négociations:
“Dans le cadre actuel du processus de paix au Proche-Orient (…) établir une autorité intérimaire palestinienne de l’autonomie, le conseil élu (le “Conseil”) pour les palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans et menant à un arrangement permanent fondé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l’ONU”

Chaque mot a été soigneusement pesé, longuement négocié; Arafat avait, durant une époque, exigé un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza: c’était déjà une capitulation, la renonciation au combat pour libérer “toute la Palestine”. Ici, outre le fort long délai (jusqu’à cinq ans de période transitoire), il ne s’agit même pas d’aller vers un micro-État mais vers “un arrangement permanent”, formule qui en soi ne veut rien dire; les mots suivants en donnent la clef “établir une autorité intérimaire palestinienne de l’autonomie (…) pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza” et non “pour la Cisjordanie et la bande de Gaza”. En clair, il n’y a même pas la promesse d’une autonomie territoriale sur l’ensemble de la Cisjordanie et de Gaza mais simplement, à titre transitoire, la gestion des palestiniens par ses notables, cette gestion ne s’appuyant que sur deux pastilles territoriales: Gaza et Jéricho. Plus tard, ce sera “un arrangement permanent”. De ce point de vue, la référence aux résolutions 242 et 338 de l’ONU, contraignante pour les palestiniens (elles exigent la reconnaissance de l’État d’Israël) n’impliquent pas l’évacuation de tous les territoires occupés en 1967, la lecture constante faite par les gouvernements israéliens du texte étant: “évacuation de territoires occupés”.

Dès lors s’éclaire la lecture de l’accord du 13 septembre 1993:

- L’article III évoque des élections organisées par le Conseil palestinien: “Pour que les palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza puissent se gouverner selon les principes démocratiques”; il ne s’agit donc pas de gouverner la Cisjordanie en tant que territoire. Sont exclus de ces élections les palestiniens intégrés à Israël avant 1967 comme ceux chassés dans d’autres pays.

- L’article IV confirme:
“La juridiction du Conseil s’étendra aux territoires de la Cisjordanie et à la bande de Gaza”, c’est à dire aux agglomérations palestiniennes, et non pas à la Cisjordanie en tant que telle.

- Les articles V et VI définissent une période transitoire des 5 ans durant lesquelles, à Gaza et à Jéricho seulement, une autorité serait transférée aux palestiniens “dans les domaines suivants: éducation et culture, santé, affaires sociales, taxation directe et tourisme. La partie palestinienne commencera à constituer une force de police, ainsi qu’il a été convenu”.

Quant au choix de Gaza et de Jéricho, il est éminemment politique: Gaza est une poudrière de 800.000 palestiniens où l’armée israélienne n’arrive pas à rétablir véritablement l’ordre; l’OLP en sera donc chargé. Mais en même temps, il faut mettre le “Conseil” et la direction de l’OLP à l’abri des masses effervescentes de Gaza: ce sera Jéricho, la ville de Cisjordanie qui fut la moins touchée par l’Intifada.

LA POLICE DE L’OLP AU SERVICE D’ISRAËL

L’article 7 définit clairement la répartition des missions policières et militaires des uns et des autres: la police palestinienne contrôlerait les palestiniens, la police et l’armée israélienne protégeraient les colons et la sécurité d’Israël dans son ensemble: “Le Conseil établira une puissante force de police tandis qu’Israël conservera la responsabilité de la sécurité globale des Israéliens, de manière à sauvegarder leur sécurité intérieure et l’ordre public”.

En clair: Israël n’abandonne aucune de ses prérogatives d’État, et obtient, pour réprimer le peuple palestinien, le concours des supplétifs de l’OLP.

Sur ces bases, l’article 14 stipule: “Israël se retirera de la bande de Gaza et de la zone de Jéricho ainsi qu’il est détaillé dans le protocole de l’annexe II”, laquelle annexe II définit avec une remarquable précision la mise en place d’une police palestinienne sous contrôle d’Israël.

En outre, ce retrait n’est que très partiel car l’article 13 précise d’abord que sera effectué:

“Un redéploiement des forces militaires israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza(…) hors des zones peuplées”.

Ces territoires resteront donc bien sous contrôle militaire israélien.

Cet accord vaut aussi par ses silences: non seulement il n’est pas question d’évacuer les 120.000 colons installés en Cisjordanie, mais il n’est même pas stipulé que les implantations de nouveaux colons cesseront. Silence également sur les palestiniens chassés de leur pays avant 1967; quant à ceux chassés après 1967:

“ils ne sont pas en mesure de participer au processus électoral à cause de raisons pratiques”.

Le dispositif mis en place constitue la négation même du peuple palestinien, disloqué en groupes radicalement séparés: les palestiniens intégrés antérieurement à 1967 à l’État d’Israël, ceux chassés avant 1967, ceux exilés après cette date et ceux relevant du “Conseil” palestinien. Près de 40 après sa création, l’OLP a donc signé un accord qui est la négation de ce pourquoi, officiellement, elle avait été constituée tandis qu’Israël connaît un nouveau succès.

UN ÉTAT OPPRESSEUR, SPOLIATEUR ET ARTIFICIEL

C’est dans le cadre de la dislocation de l’Empire Ottoman, pour le compte de l’impérialisme anglais, que furent développés les implantations juives en Palestine. En témoigne la déclaration Balfour du 2 novembre 1917:

“Le gouvernement de Sa majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif”.

Après avoir écrasé la grande révolte palestinienne de 1936-39, le gouvernement de Londres qui souhaite ménager ses alliés arabes, freine alors l’implantation des colons juifs. En vain: d’une part, la génocide pratiqué en Europe relance l’immigration (“il n’y a qu’une sauvegarde: une patrie et État” déclare Ben Gourion en 1942, fixant de manière explicite l’objectif d’un État juif); d’autre part, l’impérialisme anglais, confronté à la dislocation de son empire, n’a plus les moyens d’entraver un processus encouragé par les Etats-Unis et Staline. L’ONU prend les choses en main et le 29-11-1947, met fin au mandat britannique en partageant la Palestine entre Juifs et Palestiniens.

Le 14 mai 1948, Israël proclame son indépendance; le lendemain, les États arabes envahissent la Palestine. Après avoir ployé, l’armée israélienne conquiert de nouveaux territoires; un port aérien avec la base Tchèque de Zatec fournit les armes nécessaires. Avec l’appui du Kremlin à l’ONU, Israël voit confirmer ses conquêtes territoriales tandis que ce qui reste de l’État palestinien est dépecé par les États arabes de la région 700.000 palestiniens prennent le chemin de l’exil (369 villages et villes arabes sont vidés de leur population, pour la quasi-totalité- selon l’historien israélien Benny Morris, à la suite des assauts de l’armée israélienne). L’ONU clame en vain le droit au retour des exilés. Il n’en sera jamais question, et les terres seront confisquées.

1967: nouvelle offensive d’Israël, nouvelle victoire militaire, nouvel exode de centaines de milliers de palestiniens. Le Sinaï, la Bande de Gaza, la Cisjordanie avec Jérusalem Est, le Golan sont occupés. La colonisation commence aussitôt.

1973: L’attaque des armées syrienne et égyptienne se traduit par une nouvelle victoire d’Israël. Désormais, les États arabes de la région acceptent, dans les faits, l’existence de l’État d’Israël.

Peu à peu, des relations vont s’établir.

Cette évolution ne peut surprendre; les intérêts des uns et des autres sont complémentaires. Dans un premier temps, les bourgeoisies arabes de la région furent hostiles à la mise en place de l’État d’Israël, dont le rôle était de perpétuer la main mise de l’impérialisme sur le proche et Moyen-Orient. Mais le caractère plus ou moins compradore de ces bourgeoisies, le caractère arriéré de ces États bourgeois aux traits féodaux plus ou moins prononcés, leur interdisaient tout combat victorieux contre Israël; ces régions, par leur nature, dépendent de l’impérialisme.

Certains tentèrent de jouer sur les rivalités entre les impérialismes et la bureaucratie du Kremlin; leurs velléités d’indépendance politique s’appuyaient sur de puissants mouvements de masses que la bourgeoisie locale tentait d’utiliser à son profit; ainsi du nassérisme en Égypte. Mais au fil des décennies, l’impérialisme américain a expulsé ses rivaux de leurs positions quitte à ce que, provisoirement, s’affirment des contradictions brutales entre ces États vassaux du même impérialisme dominant. Ainsi, après la nationalisation du canal de Suez par la région de Nasser. Les impérialismes français et anglais montent une opération militaire coloniales contre l’Égypte avec l’appui d’Israël: Les États Unis et le Kremlin la mirent en échec. La France et la Grande-Bretagne perdirent leur position, le gouvernement de Nasser y gagna une marge de manoeuvre. Celle-ci dura peu: après ses défaites militaires de 1967 et 1973, le gouvernement égyptien dont, le premier, se soumettre à la “Paix” telle que la concevaient les États Unis, et Anouar-al-Sadate se rendit à Jérusalem le 19 novembre 1977.

Depuis, le gouvernement américain n’a eu de cesse que tous les gouvernements arabes de la région reconnaissent l’État d’Israël afin que les intérêts stratégiques des États Unis (le contrôle de la rente pétrolière et musellement des masses du Proche et Moyen-Orient) soient au mieux préservés. Mais il faudra attendre 1989, l’écrasement militaire de l’Irak et la dislocation de la bureaucratie du Kremlin pour que des avancées décisives soient faites sur le plan des rapports entre l’État d’Israël et les États arabes.

UNE ORGANISATION NATIONALISTE PETITE-BOURGEOISE

L’OLP est créée en 1964 à l’initiative des États arabes, étroitement contrôlés par l’Égypte. A la même époque se constituent différentes organisations radicales issues des opérations des mouvements nationalistes. L’une d’entre elles, le Fatah, impulse des opérations armées contre Israël à partir de 1965 et regroupe en 1970 10.000 combattants recrutés principalement dans les camps de réfugiés hors d’Israël. En 1968, le Fatah et d’autres organisations se regroupent au sein de l’OLP dont la charte se radicalise sans pour autant modifier son caractère d’organisation nationaliste petite bourgeoise:

“La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien” (article 1) et

“constitue une unité territoriale indivisible”(article 2).

La charte rejette la déclaration Balfour établissant un “foyer national juif”: “le judaïsme étant une religion ne saurait constituer une nationalité indépendante” (article 20).

L’objectif est “l’élimination de la présence sioniste et impérialiste” (articles 15 et 22); la destruction de l’État d’Israël n’est pas spécifiquement mentionnée.

Reflétant la radicalisation des masses, l’OLP va se développer comme représentation du peuple palestinien, et devenir un enjeu qu’il faut briser par la répression et soumettre par la corruption. La répression est conduite par l’État d’Israël, pourchassant les palestiniens jusqu’à Beyrouth, mais aussi par des États arabes: en 1970, le roi de Jordanie envoie son armée contre les combattants palestiniens; des dizaines de milliers de palestiniens seront victimes du “septembre noir”.

L’Arabie Saoudite et les États du Golfe alimentent la corruption sous couvert d’aide aux palestiniens: l’OLP reçoit l’argent, sa direction en use à sa guise, alimentent par le biais des “oeuvres” (assistance médicale, aide aux familles des martyres…) une nombreuse "clientèle”. Réfugiée au Liban où elle encadre les réfugiés palestinienne des camps, l’OLP s'institutionnalise Les milices chrétiennes libanaise, l'armée syrienne et finalement l'armée israélienne envahissant le Liban 1982 condamneront la direction de l’OLP à se réfugier à Tunis, les réfugiés dans les camps subissant répression et désarroi politique.

L'éclatement d'une insurrection palestinienne à Gaza en 1987 fait basculer "à l'intérieur" le combat contre l’État d'Israël: après avoir été d'abord confisqué (avec les défaites que l'on sait) par les États arabes, puis contrôlé par l'OLP et conduit de l'extérieur sous la forme d'opérations militaires inefficaces, le combat contre l’État d'Israël devient celui des masses palestiniennes elles mêmes.

L'Intifada, mouvements spontané, jailli des territoires occupés cette "guerre des pierres" constitue, à terme, une grave menace pour l'ordre colonial: militairement, ce harcèlement ne présente aucun risque pour l'armée d’Israël, politiquement, il soude jour après jour les masses contre les forces d'occupation, il s'accompagne d'une chasse aux "collaborateurs", rendant les plus en plus difficile la collaboration entre la petite bourgeoisie palestinienne et l’État d'Israël; en quelques mois, des milliers de fonctionnaires palestiniens (utilisé par l'administration israélienne) démissionnent, C'est le refus de payer les impôts, le boycott des marchandises israéliennes; Une "direction unifiée" se constitue, l'OLP n'a pas le contrôle exclusif; Commencée le 9 décembre 1987 quand la foule à Gaza, s'attaque à une patrouille militaire, l’Intifada met la direction de l'OLP en difficulté; contrainte de s'y rallier, l'OLP est concurrencés, à Gaza, par différents mouvements islamistes formellement plus radicaux, en particulier le mouvement Hamas. Les pressions s'accentuent sur l’OLP;P;P;celle des États Unis et celle, conjointe, de Gorbatchev engagé dans la politique dite de 'règlement des conflits régionaux, c'est à dire de soumission sans fond à l'impérialisme américain; Finalement en novembre 1988, le conseil national de l’OLP approuve la résolution 242 de l'ONU, laquelle exige "le respect de la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriales et de l'indépendance politique de chaque, l’État de ma région et de leur droit de vivre en paix à l'intérieur des frontières sures et reconnues C'est là reconnaître Israël; Mais la poursuite le l'Intifada interdit à l’OLP de concrétiser cette reconnaissance;; Il faudra la guerre du golfe pour brise l'Intifada et amener l’OLP à s'engager plus avant.

De la guerre du golfe à la conférence de Madrid Face à l'intervention américaine contre l'Irak, la déroute irakienne inévitable a constitué une défaite pour les peuples de la région, pour le peuple palestinien en particulier; En imposant à ses vieux rivaux ma Moyen Orient, la France et la Grande Bretagne, comme à presque tous les gouvernements arabes, qu'ils le soutiennent dans cette expédition militaire, les États Unis ont atteint leur objectif: une situation est créée qui doit permettre d'imposer à tout le Proche et Moyen Orient la Pax Americana; L'Intifada reflue massivement, réduite essentiellement à des actions désespérées; la bureaucratie du Kremlin, sur le point de se disloquer, a apporté une soutien inconditionnel à cette opération. Il s'agit désormais que la sécurité d’Israël soit définitivement assurée: les U;S;A; exigent que les États Arabes de la région reconnaissent Israël et que l’OLP se soumette; Cet objectif est d'autant plus important que, depuis la chute du Shah d’Iran, Israël est le seul gendarme fiable dans la région;

La conférence de Madrid s'ouvre le 3O octobre 1991 sous le contrôle de Bush, avec la caution de Gorbatchev quai mort politiquement, et avec les représentants d’Israël et de la plupart de États arabes de la région; De ce seul point de vue, c'est un succès plus important pour les États Unis que les précédentes conférences de Genève en 1973 (où étaient absentes la Syrie et l’OLP) et de Camp David en 1978 d'où était résultée la paix séparée entre l’Égypte et Israël; Cette conférence de Madrid est conçue comme la première phase d'un long processus: différentes négociations multilatérales d'une part, bilatérales d'autre part, doivent permettre de lever les obstacles sérieux qui ont bloqué jusqu'à ce jour une accord d'ensemble (la question du Golan est l'un des plus importants). Israël ayant refusé la présence de l’OLP, celle ci a accepté d'être dans les coulisses de la délégation jordano-palestienne. Il reste à transformer cette conférence en accords précis et signés; ce n'est pas la moindre difficulté.

LE GOUVERNEMENT SHAMIR JOUE LA MONTRE

Le Gouvernement d'Israël ayant obtenu sa reconnaissance par les États arabes ne manifeste plus aucun zèle à négocier. Shamir sait que si Israël ne peut survivre qu'avec l'appui constant des USA, ces derniers ne peuvent se passer d'Israël pour asseoir leur contrôle sur la région; il a donc une marge de manoeuvre et se refuse à toute concession territoriale: c'est pour Israël une question de survie. Le gouvernement Shamir va donc, avec un rare talent, saboter les négociations jusqu'en janvier 1992, multipliant les provocations et les obstacles de procédure. En janvier, les partis ultra-nationalistes membres du gouvernement Shamir (et qui prônent l'expulsion pure et simple de tous les palestiniens) prennent le relais: ils démissionnent du gouvernement en arguant des concessions excessives qu'auraient faites Shamir. Le but clairement affirmé est qu'avec de nouvelles élections législatives convoquées pour le 23 juin, Shamir ayant dissout la Knesset, et avec les élections présidentielles américaines, tout soit renvoyé à 1993:

"d'ici là, la situation internationale aura peut être évolué"

explique l'un des ministres démissionnaires.

Cette situation a déjà évolué: depuis qu'a été prise la décision de convoquer à Moscou la troisième phase de la conférence à Moscou, Gorbatchev a perdu tout pouvoir et l'URSS comme telle a cessé d'exister. Cette conférence de Moscou apporte à Israël de nouvelles reconnaissances: l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes entre autres ont rejoint la table des négociations. Mais la Syrie, et à sa suite les délégués palestiniens, est absente, la Syrie ne pouvant accepter de ne pas récupérer le Golan. Cette troisième phase ne débouche sur rien.

Lors de nouvelles discussions à Washington, en Février-Mars 1992, la délégation israélienne rejette un projet palestinien portant sur

"tous les territoires occupés depuis 1967"

et lui oppose un "document de travail" qui vise à donner aux "habitants Arabes palestiniens" dans les territoires "une occasion de gérer leurs propres affaires, dans la majorité des domaines (…). Les Israéliens continueront (…) de vivre et de s'installer dans les territoires. La responsabilité unique pour la sécurité dans tous ces aspects extérieurs, internes et pour l'ordre public, sera du ressort d'Israël".

Ce projet, inacceptable pour l’OLP, s'inspire de toute évidence du mode d'asservissement dont usait l'Empire Ottoman à l'égard de ses minorités: le Millet.

Le système des Millets assurait la domination turque sur les peuples et minorités de l'Empire Ottoman; il donnait aux chefs religieux des pouvoirs de juridiction et de police sur leurs fidèles, qui devaient en outre lever des impôts pour le Sultan; l'avantage de ce type d'organisation non territoriale était d'éviter une coûteuse politique de répression. Il y eut ainsi un Millet pour les juifs de l'Empire Ottoman. De manière analogue, le projet de Shamir précise, pour la période intérimaire: "il ne devra porter que sur les habitants et non sur le statut des territoires". Une différence: le projet de Shamir ne délègue aucun pouvoir de polices.

Mais pour l'instant, les négociations sont belles et bien closes. Il faudra bien attendre 1993.

CAMPAGNE ELECTORALE EN ISRAËL

La campagne électorale est dominée par la question des négociations. Le Likoud réaffirme son intransigeance: le plan qu'il propose "ne portera préjudice ni au développement des colonies ni à la sécurité des habitants juifs des territoires".

La répression s'accroît: le 5 février, le gouvernement décide que l'armée pourra, dans les territoires occupés, "tirer pour tuer" tout palestinien porteur d'une arme quelle qu'elle soit. Officiellement 850 palestiniens ont déjà été tués depuis le début de l'Intifada.

Le candidat du parti travailliste, Rabin, qui fut ministre de la défense en début de l'Intifada et à qui on doit le mot d'ordre: "il faut leur biser les os", n'est pas moins intransigeant. Lors d'un face à face avec Shamir, le 16 juin, il précise:

"Je suis contre la création d'un État palestinien entre nous et la Jordanie, contre le retour aux frontières d'avant 1967, contre un retrait de Jérusalem. Mais je suis également opposé à l'extension de la citoyenneté israélienne aux deux millions de Palestiniens des territoires (…) Je ne veux pas voir sept cent cinquante mille habitants de Gaza participer à nos élections, marcher tranquillement dans nos rues".

La différence essentielle entre Shamir et Rabin est d'ordre tactique: Rabin cherche à associer les notables palestiniens, par la négociation, à sa politique ou bien de ne compter que sur la répression: "J'ai conclu que sans une négociation politique, il n'y avait pas d'issue à l'Intifada. Aujourd'hui, je crois qu'il est possible d'allier la force à un processus politique"

Le Monde du 18/06/1986.

Quant aux USA, puissance tutélaire, ils encouragent ouvertement le candidat travailliste, n'ayant pu obtenir de Shamir la souplesse nécessaire au projet politique d'ensemble qui est le leur.

LE PARTI TRAVAILLISTE GAGNE LES ELECTIONS

“Large victoire des travaillistes en Israël” titre Le Monde en intitulant son éditorial “Une chance pour la paix”.

En réalité le “bloc des gauches” a juste les 61 sièges nécessaires pour constituer une majorité. Il progresse de 6 sièges, tout comme sa principale composante, le parti travailliste (44 sièges). L’élection étant à la proportionnelle, le glissement des voix est du même ordre (10%). Le “bloc des droites” et les partis religieux reculent en proportion équivalente, avec une radicalisation partielle au profit de groupes ultra-nationalistes qui bénéficient en particulier des voix des militaires (ces groupes ont 15% des voix).

Ce vote majoritaire pour le “bloc des gauches” n’exprime pas un vote “dans l’intérêt de la paix” comme le déclare Arafat: la seule “paix” que toutes les classes de l’État d’Israël veulent, c’est la paix coloniale et le maintien de la spoliation des palestiniens et le parti travailliste a affiché sur ce plan les mêmes garanties que le Likoud. Mais le parti travailliste a bénéficié de l’appui américain (déterminant dans ce type d’État) et d’un vote de “sanction” à l’égard du Likoud de la part de certaines couches touchées par la crise économique: le chômage atteint 11,6% de la population, surtout les récents immigrés russes (350.000 depuis 1989); imperméables à l’idéologie sioniste et religieuse, ils ne sont là que pour des raisons économiques et ont largement contribué au recul du Likoud et des partis religieux.

LE PARTI TRAVAILLISTE A L’OEUVRE

Dès le 7 juillet est annoncé un accord de gouvernement entre le parti travailliste et deux des formations ultra-orthodoxes qui avaient participé à l’ancien gouvernement: confirmation, si nécessaire (pour ceux qui avaient oublié que l’histoire de l’État d’Israël est inséparable de celle du parti travailliste qui le dirigea jusqu’en 1977) que la continuité politique avec Shamir est maintenue sur l’essentiel.

Le 24 juin Rabbin a réaffirmé son programme: “nous allons relancer les négociations en vue de l’instauration d’un régime d’autonomie pour les palestiniens des territoires” (et non “pour les territoires”). Son discours d’investiture n’apporte rien de nouveau, à part “ le ton convainquant” pour parler de réconciliation; Le Monde du 17 juillet titre néanmoins: “Dans un discours d’investiture bien accueilli à Washington, M. Itzhak Rabin a relancé le processus de paix au Proche Orient”. Rabin fait un “geste”: il gèle (provisoirement) les nouvelles implantations de colons autorisées antérieurement. Ce gel était une vieille demande du gouvernement américain soucieux de permettre à ses alliés arabes de sauver la face.

Pour obtenir gain de cause, Bush avait refusé de garantir un emprunt israélien de 10 milliards de dollars (mais n’avait pas touché aux 4 milliards versés officiellement chaque année à l’État d’Israël); Shamir n’avait pas cédé. Mais cet emprunt est indispensable pour permettre l’accueil de nouveaux colons; en outre la crise économique touche Israël et ralentit déjà l’afflux des immigrés russes. Cet emprunt est donc la première question que Rabin doit régler; le gel des implantations a cette fonction. Rabin n’a cessé de le répéter:

“il faut profiter de formidables opportunités qui s’offrent”

(avec la défaite de l’Irak et la dislocation de l’URSS) pour accueillir 1 million d’immigrants supplémentaires. Coût estimé: de 25 à 50 milliards de dollars.

Le gel des implantations vise donc à permettre.un saut en avant de la colonisation. D’ailleurs, Rabin prend soin de distinguer entre “colonies politiques” (qui n’auront plus d’aide de l’État) et colonies “stratégiques”: les environs de Jérusalem, la vallée du Jourdain, etc. bref 50 à 70% de la Cisjordanie. Mais Bush n’a plus qu’un souci: les élections. Et le soutien à l’État d’Israël est une question fondamentale: comme tout le monde s’y attendait, Bush débloque la garantie bancaire pour 10 milliards de dollars (aux quels s’ajoutent 10 milliards prêtés par les pays alliés): la colonisation peut reprendre.

NEGOCIATION-BIDON ET REPRESSION

Le 24 août 1992, la sixième session de négociations s’ouvre à Washington. Les délégués palestiniens s’inscrivent dans le cadre fixé par Israël, acceptent la proposition d’élire, au printemps 1993, ceux d’entre eux qui administreront, dans pouvoir législatif, les cinq années d’autonomie, celles-là même qu’ils avaient refusées lors des accords de Camp David.

La direction de l’OLP étudie déjà un projet de police palestinienne (20.000 hommes, en particulier les palestiniens embauchés comme policiers par l’État d’Israël et que l’Intifada avait contraints à la démission).

Shimon Pérès, ministre des affaires étrangères, ne s’embarrasse pas de précautions oratoires:

“L’autonomie que nous leur proposons est la même que celle proposée par le précédent gouvernement, agrémentée d’une série de différences: un arrêt de la construction dans les colonies juives, des gestes de bonne volonté à l’égard des palestiniens, des élections générales et non plus municipales, et un calendrier pour la mise en place du régime d’autonomie”.

Quant aux négociations avec la Syrie, elles n’avancent pas: Israël annonce que si retrait il y a du Golan, la Syrie ne pourra pas tout récupérer:

“Nous ne descendrons pas du Golan, mais il est inutile de s’accrocher à chaque centimètre”

explique Rabin début septembre. Les colons israéliens crient à la “capitulation” mais une telle concession présente peu de risque: le gouvernement Syrien ne peut pas accepter un tel compromis et le gouvernement américain ne peut aujourd’hui contraindre la Syrie à la capitulation; la veille même, Hafez El Assad avait déclaré:

“capitulation n’appartient pas à notre vocabulaire. Nous voulons récupérer chaque centimètre de notre territoire”.

Tandis qu’en Palestine, la répression se poursuit, à Washington les négociations s’enlisent: l’heure est aux élections présidentielles. Dans une interview au Monde (21 octobre 1992), Rabin réaffirme son refus de toute discussion directe avec l’OLP et de toute concession territoriale.

Quelques réponses sont éclairantes:

Question: “Les palestiniens ont-ils des droits nationaux?

Rabin: “Je ne sais pas ce que c’est (…)”

Question: “Ils vous reprochent de poursuivre la colonisation des territoires occupés”

Rabin: “Nous avons annulé les contrats de sept mille nouveaux logements.”

Question “et permis la construction de onze mille autres”

Rabin: “on ne peut pas tout arrêter d’un coup”

Question: “Pourquoi détenez-vous treize mille prisonniers?”

Rabin: “D’abord ce ne sont pas treize mille mais dix mille (…)”

Négociations et répression vont de pair (“il faut un peu des deux” explique Rabin). Mais la répression va croissant, en particulier contre des manifestations de solidarité avec des milliers de prisonniers en grève de la faim. Le 16 décembre, à la suite d’un attentat, Rabin fait expulser 418 palestiniens, déportation la plus massive depuis 1967. Sont expulsés en particulier des membres présumés de Hamas et du Djhihad islamique. Les négociations sont suspendues. De toute façon, Georges Bush n’est plus qu’un président par intérim, car Bill Clinton a gagné les élections.

NEGOCIATIONS INTERROMPUES, NEGOCIATIONS SECRETES

Durant les quatre premiers mois de 1993, les négociations sont rompues: L’OLP et les délégués palestiniens ne peuvent accepter l’expulsion des 418 palestiniens qui, refusés par le Liban, restent dans un no man’s land. Cette expulsion “nous a placé dans une situation impossible” explique l’un des principaux négociateurs. Selon Le Monde du 12/03/93:

“Les Palestiniens demeurent d’autant plus inflexible que, dans les territoires occupés, l’OLP semble prendre chaque jour un peu plus d’influence.

De plus en plus critiqués et contestés par une opinion publique habilement “travaillée” par les fondamentalistes islamiques, tandis que les violences se multiplient et que la répression se durcit tout autour d’elle, les négociateurs modérés sentent confusément que le contrôle du terrain leur échappe”.


C’est à ce moment là, mais on ne le saura que huit mois plus tard, que des négociations très secrètes s’engagent, à Oslo, directement entre Shimon Pérès et quelques représentants personnels d’Arafat conduites à partir de janvier, ces négociations secrètes permettent à l’OLP d’afficher une intransigeance de façade.au moins un certain temps, car il faudra bien annoncer, un jour, un accord public.

Le 15 mars, Rabin rencontre le nouveau Président Bill Clinton. Ce dernier réaffirme les liens privilégiés avec Israël:

“Le lien qui nous unit est unique(…) l’approfondissement des relations avec Israël est de l’intérêt des Américains”

et il appelle à renforcer un “partenariat stratégique”. L’objectif de Clinton est qu’Israël conserve son “avantage qualitatif” au plan militaire, sur les États de la région. Demeure pour les USA l’objectif d’un accord avec la Syrie et avec l’OLP. Mais Rabin ainsi confronté a les mains libres, cherchant en particulier à mettre l’OLP et la Syrie en concurrence. Or, si les négociations secrètes se poursuivent, l’OLP est en difficulté face à une situation explosive dans les territoires occupés.

MODIFICATION TACTIQUE

En dépit de tous les coups reçus, une nouvelle radicalisation des masses se dessine, à Gaza en particulier. Attentats et manifestations se multiplient, Gaza devient de plus en plus ingouvernable. La répression se déchaîne: 70 palestiniens sont tués en 4 mois; le gouvernement fait appel à la “garde civile”, structure para-militaire de 40.000 volontaires (outre l’armée, près de 300.000 israéliens sont officiellement armés). Des groupes de colons ultra nationalistes organisent des opérations punitives contre les palestiniens.

Le 29 mars, la bande de Gaza est “fermée”, et la Cisjordanie le lendemain: aucun palestinien ne peut plus en sortir. L’armée a désormais le droit de tirer sans sommation.

Les négociations secrètes se poursuivent, mais c’est l’impasse. C’est certainement cette situation, interdisant que l’OLP joue le rôle que le gouvernement d’Israël lui assigne, qui amène Rabin non à une concession, mais à une modification tactique pour aider l’OLP à s’engager plus avant.

Rabin accepte que Fayçal Husseini, membre de la direction de l’OLP, puisse participer aux négociations officielles.

Peu après, Shimon Pérès évoque la possibilité d’un retrait unilatéral de Gaza; l’objectif est de faire gérer, sans attendre la fin de la période transitoire, Gaza (ou une partie de Gaza) par l’OLP à laquelle une légitimité serait donnée. Dans une interview au Figaro (21/04/1993), Pérès explique: “Face à une minorité armée, il est important d’avoir une majorité élue. Les urnes pourront ainsi répondre aux armes (…) C’est moi qui ait proposé la solution dite “Gaza d’abord” (…) Nous voudrions nous retirer dans le cadre d’un accord, pas dans la confrontation ou en créant une situation chaotique”.

De mai à juillet 1993, les négociations officielles, vaines, dissimulent les tractations secrètes. Gaza et la Cisjordanie demeurent “bouclées” ce qui asphyxie économiquement les Palestiniens. En juillet, une offensive militaire est conduite au Liban, en représailles des attaques lancées par les groupes que contrôle la Syrie. En 4 jours, 360.000 civils fuient les villages bombardés. Rabin explique froidement:

“Nous avons voulu frapper durement le Hezbollah. Pour cela, nous allons passer à l’exode vers le Nord la population du Liban Sud afin de pouvoir attaquer les terroristes sans toucher les civils(sic)”. Libération du 29/07/93.

Tout autant que la Syrie trop peu conciliante sont visées les populations palestiniennes et libanaises.

En août, la crise éclate à la direction de l’OLP: les négociateurs officiels, se sachant “doublés”, dénoncent les reculades et les négociations “dans notre dos”. Des dirigeants importants de l’OLP, en particulier du Liban et de Cisjordanie, démissionnent. Ce ne sont plus seulement les opposants traditionnels à Arafat comme Hawatmeh (FDLP) ou Habache (FPLP), mais des dirigeants “historiques” souvent liés à Arafat.

UN ACCORD NON VIABLE

La signature de l’accord, le 13 septembre, à Washington, fait l’objet d’une grande mise en scène destinée à “assommer” un peu plus les masses palestiniennes: (les caméras s’attardent sur la poignée de mains d’Arafat à Rabin et sur celle, très symbolique, d’Arafat à Colin Powell, le chef d’état major américain lors de la guerre du golfe. Le Monde ne boude pas son plaisir: “chaque seconde se dégustait comme un loukoum” écrit le 15/09, ce défenseur de la “paix impérialiste”.) Aussitôt l’accord signé, les USA, qui s’était assurés le contrôle des opérations politiques (en les expulsant, en particulier la France et la Grande Bretagne), convoquent à Washington une conférence internationale le 1er octobre: les 47 pays invités sont priés de fournir sans trop attendre un milliard de dollars pour Gaza et la Cisjordanie.

Sur le terrain, “la chasse à l’homme continue” titre Le Figaro du 4 octobre.

“L’attention des troupes sera désormais concentrée “en priorité” sur ceux qui sont opposés au processus de paix en cours”

déclare le chef des forces armées israéliennes à Gaza. (Le Monde du 5/10).

Pour les États unis comme pour Israël, il s’agit de profiter de ce succès politique et du désarroi des masses palestiniennes: l’ambiguïté fondamentale de l’accord qui laisse en suspend les questions décisives pour l’OLP ne pourra être indéfiniment masqués; il est rédigé de manière à ce que l’OLP puisse laisser croire qu’elle a obtenu une première concession territoriale (Gaza et Jéricho) comme “acompte” sur une autonomie de toute la Cisjordanie; la perspective serait celle du protectorat, qui en tant que telle est une capitulation totale de l’OLP. Il s’agirait de faire:

“De la Cisjordanie et de Gaza un protectorat d’Israël, dont, de plus, les deux parties seraient coupées l’une de l’autre ce qui accroîtrait encore leur dépendance et leur incapacité à vivre en dehors de la domination israélienne”

ainsi que l’explique la déclaration de Comité pour la construction du POR en date du 8 septembre.

Mais pour Israël, même cette perspective d’un protectorat est encore de trop, et sous le couvert des formules ambiguës on voit réapparaître les propositions antérieures de Shamir et du Likoud, celle d’un “Millet” transformant l’OLP en police palestinienne sans même la base territoriale d’une autonomie de la Cisjordanie.

Simplement, pour sauver la face de l’OLP et décharger les forces de l’ordre israéliennes d’une partie des tâches de répression, le Millet palestinien se voit attribuer deux confettis territoriaux: Gaza (à 90% et Jéricho, auxquels pourraient s’ajouter, plus tard, quelques villes arabes de Cisjordanie. Or cette option du Millet (il est aujourd’hui significatif que le mot soit aujourd’hui tabou) est tout aussi inapplicable, et elle est pour l’OLP inacceptable: la fiction d’une autonomie de la Cisjordanie ne peut subsister très longtemps, et le projet israélien d’une autonomie des palestiniens dans un Cisjordanie israélienne, d’une autonomie des hommes sans terres mais encadrés par la police de l’OLP, est intenable. Les quatre mois qui suivent l’accord du 13 septembre le montrent à l’évidence.

LES NEGOCIATEURS EN DIFFICULTE

Durant le mois d’octobre 1993, les négociateurs entre l’OLP et le gouvernement israélien se poursuivent sans que le contenu en soit rendu public. La première échéance est fixée au 13 décembre, date à laquelle l’armée israélienne doit commencer à se redéployer, laissant la place à la police de l’OLP. Mais très vite, les difficultés s’accumulent, la crise se développe au sein de l’OLP. Des dirigeants de l’OLP qui avaient soutenu l’accord dénoncent les “méthodes” d’Arafat (qui s’assure le contrôle des fonds envoyés pour Gaza), traduisant indirectement la résistance qui se développe à l’accord lui-même; D’autres sont assassinés. En dépit des engagements pris en septembre, Arafat ne peut empêcher l’assassinat de colons israéliens. A la demande du gouvernement américain, Arafat dénonce publiquement ces attaques; en vain. Un front se constitue, dans et hors l’OLP, contre l’accord signé.

Dès fin octobre, les colons israéliens multiplient les expéditions punitives contre les palestiniens; officiellement, entre le 13 septembre et le 1er décembre, 10 israéliens et 29 palestiniens sont tués. Une cinquantaine d’officiers supérieurs de réserve signent un “appel aux soldats “ israéliens les incitant à refuser toute éventuelle évacuation par la force de colons à Gaza ou ailleurs.

La marge de manoeuvre de Rabin et Pérès se réduit: avec le départ des députés ultra-religieux, le gouvernement n’a plus qu’une voix de majorité au parlement.

Le 3 novembre, les résultats des élections municipales constituent un échec politique pour le parti travailliste; bien que “Le Monde” reprenne à son compte le titre d’un journal israélien pro-gouvernemental: “Les négociations n’ont aucun rapport avec les négociations de paix”.

Il n’en reste pas moins que le parti travailliste perd le contrôle de Jérusalem (qu’il dirigeait depuis 1948) et que la participation tombe à 36% (contre 60% cinq ans auparavant).

Le 12 Novembre, Clinton reçoit Rabin:

“je renouvelle l’engagement inébranlable de l’Amérique à maintenir et à renforcer l’avantage qualitatif d’Israël en matière de sécurité”.

Mais fin novembre, l’Intafada semble renaître de ses cendres: l’assassinat par l’armée d’ un chef militaire du Hamas est suivi par trois jours de grève générale à Gaza et des émeutes une semaine durant. Une liste d’opposants à l’accord de septembre remporte les élections au conseil étudiant de l’Université de Bir Zeeit, en Cisjordanie. Le chef de la police d’Israël déclare aussitôt:

“Si un groupe ne soutenant pas l’accord remporte les élections générales dans les territoires, prévu en juillet prochain, l’accord avec l’OLP sera caduc”.

Finalement, le 12 décembre, la rencontre entre Rabin et Arafat se traduit par un constat d’échec: la date-butoir du 13 décembre ne sera pas respectée; au fond, rien n’est réglé: ni la question des prisonniers, ni celle de l’armée israélienne dans les territoires, ni celle des “frontières” de Jéricho avec la Cisjordanie, ni la question des colons israéliens.; “La police palestinienne n’est pas prête pour une relève toute symbolique” explique Le Monde du 12 décembre, tandis que plus de 15.000 soldats israéliens contrôlent les “territoires”.

Au lendemain du 13 décembre, les affrontements reprennent dans Gaza et Libération du 28 décembre indique que c’est:

“à une véritable révolte ouverte des jeunes cadres du Fatah, principalement dans la bande de Gaza, que doit faire face Arafat”.

Le 16 janvier, Bill Clinton rencontre le Président Syrien afin de tenter de débloquer les relations entre Israël et la Syrie.

A la même date, les négociations entre l’OLP et Israël piétinent toujours, et la mise en oeuvre de l’accord signé le 13 septembre à Washington est reporté de semaine en semaine.

Le Monde du 14 décembre devrait lui-même le reconnaître:

“Toute l’ambiguïté constructive” qui a permis de signer la Déclaration de principe éclate au grand jour”.

LE PROLETARIAT PALESTINIEN NE PEUT FAIRE L’ECONOMIE DE CONSTRUIRE SON PARTI

L’acharnement des masses palestiniennes peut mettre en difficulté la politique de l’OLP et les projets du gouvernement israélien; mais sans parti ouvrier révolutionnaire aucune victoire n’est possible. L’accord de trahison signé par l’OLP, dans la logique des trahisons antérieures, montre clairement la nature d’une organisation qui entend représenter le “peuple” palestinien tout entier, toutes classes confondues. Ainsi que l’indiquait la déclaration du Comité pour la construction du POR du 8 septembre:

“Une fois encore, l’union de toutes les classes d’un pays opprimé, contre l’impérialisme, se révèle une duperie pour les classes exploitées et la jeunesse en lutte contre celui-ci et ses agences (en l’occurrence l’État d’Israël). Ni l’Union nationale, ni les Fronts populaires, ni le “Front Unique Anti-impérialiste”, ne peuvent diriger victorieusement le combat pour les droits nationaux, les libertés démocratiques, la réforme agraire, etc. “ la nature de la bourgeoisie nationale des pays arriérés, classe exploitées et semi-opprimée, détermine en de nombreuses occasions la nécessité d’accords temporaires avec les organisations nationalistes bourgeoises, de masse, dans le cadre du Front Unique Anti-impérialiste. Un tel front ne peut être que circonstanciel et limité dans le temps, sa prolongation au-delà des circonstances qui ont justifié sa réalisation implique une adaptation au nationalisme bourgeois et la subordination du prolétariat à la bourgeoisie. En aucun cas un tel front ne peut avoir un objectif gouvernementale commun (entre organisations bourgeoises et ouvrières, NDLR).”

D’autres organisations (telle Hamas) profitent aujourd’hui de la trahison de l’OLP: organisations inféodées aux gouvernements arabes les plus réactionnaires et à l’islam, ces organisations dévoient le combat des travailleurs et de la jeunesse et l’étrangleront. Pour les masses palestiniennes, il n’y a pas d’autre issue que par et dans la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire Palestinien qui lie la lutte contre l’État d’Israël à la lutte du prolétariat palestinien contre le capitalisme pour le gouvernement et le pouvoir ouvrier. Parallèlement et comme tous les prolétariats, celui de Palestine doit construire sa centrale syndicale pour défendre ses intérêts face à toutes les bourgeoisies (israélienne, impérialistes.mais aussi arabes et palestinienne), face à tous les patrons, palestiniens inclus. Un tel parti révolutionnaire devra combattre pour une Constituante palestinienne, les masses palestiniennes ayant récupéré leur pays. Mais ce mot d’ordre ne prend tout son sens que s’il est situé sur la ligne de la constitution d’un Gouvernement ouvrier et paysan de Palestine, seul gouvernement capable de résoudre la question nationale parce que résolvant la question sociale. La victoire des masses palestiniennes est inséparable de celle de la révolution prolétarienne au Proche et au Moyen-Orient contre l’impérialisme, les États bourgeois-féodaux et les cliques militaro-bureaucratiques bourgeoises. L’indépendance nationale, les libertés démocratiques, l’Assemblée Constituante, le Gouvernement Ouvrier et Paysan, l’expropriation des classes dominantes et exploiteuses, la prise en main par le prolétariat des principaux moyens de production, la réforme agraire, les Etats Unis Socialistes du Proche et du Moyen-Orient exigent un même combat.

Le 17 janvier 1994

 



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