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À PROPOS DE
«LA MONDIALISATION DU CAPITAL»
(Troisième partie)
 

UN "INTELLECTUEL À LA FONCTION CRITIQUE" AU SERVICE DE "CEUX D’EN BAS"

Dans la deuxième partie du texte préparatoire à la 9ème conférence du comité, intitulé "A propos de "la mondialisation du capital"", de larges extraits du livre de François Chesnais, livre qui porte précisément ce nom, ont été utilisés. Mais il est indiqué :

"François Chesnais a procédé à une analyse de ce que, comme bien d’autres "économistes" distingués, il appelle "la mondialisation du capital". Cet article ("A propos de "la mondialisation du capital"") utilise cette analyse ainsi qu’à l’occasion sont utilisés articles, revues, livres publiés ici ou là. C’est légitime et il est indiscutable que dans le livre de Chesnais il y a à puiser... L’appréciation de ce livre comme tel, de sa place, de son rôle, de nombre de ses développements est une autre chose sur laquelle il faudra revenir." C’est d’autant plus indispensable que Chesnais n’a pas hésité à écrire : "Si le bilan (de la "mondialisation du capital", NDLR) n’est pas engageant il faut cependant décrire la situation comme elle est. Il n’est pas question de l’enjoliver, pour mieux pouvoir la déclarer "irréversible", et ainsi forcer la société à estimer qu’il n’y a rien de mieux à faire que "s’adapter". Au contraire, ce livre s’adresse à ceux dont le réflexe premier n’est pas de se soumettre à l’ordre "tel qu’il est" mais de chercher à comprendre et à en débattre pour esquisser, éventuellement, d’autres voies que celles qui nous sont imposées. Cette fonction critique de l’intellectuel nous semble aujourd’hui plus que jamais nécessaire." Fière déclaration mais pour le moins confusionniste. Chesnais semble considérer "la société" comme un tout, sans différenciations sociales, sans classes. Il y a "la société". Ce langage convient aux idéologues bourgeois ou petit-bourgeois. Le reste de cette citation ne le cède en rien en confusion. Quels sont "ceux dont le réflexe premier n’est pas de se soumettre à l’ordre "tel qu’il est"" ? "L’intellectuel à la fonction critique" ne le dit pas. Pour Marx, pour les marxistes le prolétariat par sa lutte politique, sa lutte de classe exerce la critique pratique du mode de production capitaliste, de la société bourgeoise. Il refuse de "s’y soumettre". C’est parce que le prolétariat exerce cette critique pratique, que la critique théorique peut être faite, que "l’intellectuel" peut exercer "sa fonction". Mais la critique théorique arme politiquement le prolétariat et donne à sa critique pratique son maximum d’efficacité afin qu’il accomplisse sa tâche historique, l’expropriation de la bourgeoisie et la réalisation du socialisme.

Plus précisément : l’analyse théorique doit enrichir l’avant-garde révolutionnaire qui combat pour la construction des partis et de l’internationale révolutionnaires dont le prolétariat a besoin pour vaincre. Au P.O.R., à cette internationale de traduire en termes politiques les acquis théoriques, au cours de son intervention au sein du prolétariat pour en enrichir à son tour celui-ci.

Le livre de Chesnais répond-il à cette exigence ? On y trouve certes d’importants passages utilisables, mais dans son ensemble, dans sa conception, il se situe sur le terrain des "économistes" qui veulent accréditer que le capitalisme passe à un nouveau stade, le stade de sa "mondialisation". Chesnais veut se positionner à la "gauche" des économistes du genre de ceux qui se produisent dans "Le Monde diplomatique", lesquels condamnent, en principe, "la financiarisation de l’économie", mais pas le mode de production capitaliste et qui, bien entendu, rejettent le "socialisme" lequel aurait fait faillite en URSS, dans la partie Est de l’Europe et ailleurs. Il entend toutefois garder sa réputation de "marxiste" qui lui assure une place particulière dans ce cénacle d’"économistes". A ce titre il a pu faire paraître, quelques semaines après novembre-décembre, dans le journal du PCF "L’Humanité", qui fut un des liquidateurs de ce mouvement, un article sur la "mondialisation du capital".

Pour être admis dans ce cénacle d’économistes, il faut payer sa contribution. Chesnais la paie. Il rejette, sans toutefois le dire ouvertement, (c’est tout un style dans lequel Chesnais excelle) la conclusion de l’analyse de l’impérialisme faite par Lénine, à savoir que "L’impérialisme (est le) stade suprême du capitalisme". De facto il estime que "la mondialisation du capital" est un nouveau stade du mode de production capitaliste. En même temps Chesnais veut apparaître comme un "marxiste" de l’eau la plus pure. Aussi se livre-t-il à une curieuse gymnastique.

LA "TRIADE" OU L’IMPÉRIALISME

Dans la première partie du texte "A propos de "la mondialisation du capital"" a déjà été mentionné que Chesnais avait adopté cette autre caractérisation de ses "chers collègues" : "la triade". Il s’en explique ainsi :

"Depuis une quinzaine d’années, la littérature économique abonde en études sur les imperfections et les inefficiences des marchés où les principaux opérateurs sont publics. On nous permettra dans ce livre de changer quelque peu l’éclairage et de braquer les projecteurs sur la concentration à l’échelle de la Triade, ainsi que sur l’oligopole mondial. Cette notion a attiré l’attention des géographes et spécialistes des sciences politiques (socialement et politiquement neutres, sans doute - NDLR) (M.F. Durand D. Retalie, 1992) à qui la carte page 26 est empruntée. D’un point de vue géopolitique, la notion d’oligopole mondial renvoie à ce que K. Ohmac (1985) a nommé la Triade avec le succès qu’on connaît. Il en sera abondamment question à propos de la répartition mondiale de l’IDE (Investissement direct à l’étranger) ainsi que de la structure des échanges commerciaux. La hiérarchie des régions selon le degré d’intérêt qu’elles ont pour les pays et les firmes constitutives de l’oligopole, ainsi que le réseau mondial des sites qui lui sont associés plus étroitement ressortent clairement de cette carte." (page 25). "La triade, la triade... la triade" ... merveilleuse expression qui permet de ne pas utiliser la caractérisation scientifique nécessaire - système impérialiste -, de masquer qu’il s’agit de l’impérialisme. L’économie capitaliste est ordonnée à partir de grandes puissances capitalistes et centrée dans et autour d’elles : les USA, le Japon, l’Allemagne, la France, l’Angleterre, l’Italie. Chesnais emboîte le pas aux économistes bourgeois et les couvre... sur leur "gauche" : plus de système impérialiste, dominé et subordonné aux grandes puissances impérialistes mais... "la triade".

QUELQUES DISCRÈTES ET INDIRECTES ALLUSIONS

Les théorisations de la "mondialisation" la considèrent comme étant un nouveau stade du mode de production capitaliste "un nouvel âge du capital". Chesnais se prétend "marxiste". En tant que tel il est indispensable qu’il situe "la mondialisation du capital" par rapport à l’impérialisme que Lénine considérait comme "le stade suprême du capitalisme". Il est au contraire d’une grande discrétion à cet égard. Dans son livre le mot "impérialisme" est écrit, tout au plus, trois ou quatre fois... page 27. Cette phrase, déjà citée dans la première partie du texte "A propos de "la mondialisation du capital"" :

"Ceux-ci (les pays situés à la périphérie de l’oligopole mondial) ne sont plus seulement des pays subordonnés, réserves de matières premières subissant les effets conjoints de la domination politique et de l’échange inégal, comme à l’époque "classique" de l’impérialisme." A la fin de son chapitre 7 Chesnais écrit : "Pour terminer ce chapitre il faut sans doute préciser que le tableau final n’est pas un "super-impérialisme" stable à la manière de Kautsky, constitué d’oligopoles maîtrisant parfaitement les barrières à l’entrée et organisant leurs rapports dans la coopération paisible." (page 151) Page 185 on trouve la phrase suivante : "A la fin du XIXème siècle, l’expansion impérialiste des Etats-Unis vers l’Amérique latine s’est faite pour des motifs politiques (la doctrine de Monroe) et la recherche de matières premières industrielles vitales mais en aucun cas pour s’assurer des débouchés extérieurs impératifs." Sauf erreur, peu probable, dans ce livre ce sont les seules fois que Chesnais utilise le mot, sans doute maudit d’"impérialisme".

Il explique :

"Plus haut nous avons situé ce travail dans le prolongement des travaux sur l’internationalisation du capital des années 1970, en indiquant que C.A. Michelet et M. Beaud paraissaient être les seuls à se réclamer encore, chacun à sa façon, d’un courant qui réunissait à une époque de nombreux enseignants, chercheurs et militants politiques. Les deux se déclarent débiteurs envers Boukharine, premier auteur selon eux à définir l’économie mondiale comme une totalité, un "système de production et de rapports d’échanges correspondant embrassant la totalité du monde". Beaud reconnaissait ensuite une dette à l’égard de Rosa Luxembourg et Michelet à l’égard de Lénine dont il a fait très certainement une des meilleures exégèses universitaires jamais effectuées." (pages 34 et 35). Vers la fin de son livre il déclare : "Puisque la société mondiale ne touche pas à "la fin de l’histoire" la configuration de l’économie mondiale va nécessairement évoluer. Mais dans le sens où Michelet utilisait l’expression en 1985, notre réponse est que l’économie mondiale est constituée non pas selon "le schéma de référence du Livre II", si prestigieux qu’il soit, mais selon les modalités qui sont plus proches du contenu méthodologique des discussions sur le capital financier des trente premières années du XXème siècle." (page264). C’est aussi vague, flou, vaseux que possible. Chesnais ajoute en note : "Les principaux théoriciens marxistes de la IIème et IIIème Internationales qui se sont intéressés dans la période 1910-1930 au capital financier et aux traits "parasitaires" du capitalisme comprennent notamment Hilferding, Rosa Luxembourg, Boukharine, Lénine, Trotsky." Merci professeur Chesnais de cette information. Précédemment, après avoir fait une rapide allusion à Marx, il y était allé d’une petite phrase sur Hilferding : "Trente ans plus tard Hilferding a pu élargir la problématique (de Marx - NDLR) dans le sens d’une interpénétration entre le capital bancaire et le capital industriel dont les grands groupes sont les formes contemporaines." (page 211). Page 235 il fait une nouvelle allusion à Hilferding : "La première analyse de Hilferding (1910) avait conclu que l’interpénétration (il parlait de fusion) se ferait sous la férule des banques. Bien que le constat et l’intuition plus larges fussent justes, cette appréciation précise a donné lieu à beaucoup de confusion. Elle se fondait tout à la fois, sur une généralisation de la structure allemande, une sous-estimation de la force des groupes industriels en tant que foyer d’accumulation du capital et des erreurs dans la théorie de la monnaie, dont S. De Brunhoff a fait la critique." Il était nécessaire de montrer que le terme "triade" est utilisé pour masquer qu’il s’agit purement et simplement de l’impérialisme. Il fallait le mettre en lumière. Chesnais, au contraire, adopte cette formulation et la soutient lorsque dans un court membre de phrase il évoque "l’époque "classique" de l’impérialisme". Il indique ainsi que pour le moins cette "époque" est révolue. Or cette "époque" est celle que Lénine a analysée et qu’il a qualifiée de "stade suprême du capitalisme".

Il faut également apprécier toute l’ambiguïté de cette formule : "notre réponse (celle de Chesnais) est que l’économie mondiale est constituée non pas selon "le schéma de référence du Livre II", si prestigieux qu’il soit, mais selon les modalités qui sont plus proches du contenu méthodologique des discussions sur le capital financier des trente premières années du XXème siècle.". Chesnais escamote une fois de plus la caractérisation "impérialisme". Que veut dire "l’économie mondiale" est "plus proche du contenu méthodologique (sic !) des discussions sur le capital financier des trente premières années du XXème siècle.". Quel baragouin ! Chesnais nage, comme très souvent, en eau trouble parmi ses "collègues" économistes.

L’"ÉTAT PROVIDENCE", LE "WELFARE STATE"

Dans le chapitre XII de son livre, "La mondialisation du capital", chapitre de conclusion, Chesnais adopte nombre des "concepts" des économistes bourgeois ou petits-bourgeois : "l’Etat providence", "le"Welfare State", les "théories" du régulationnisme, "le fordisme", etc... Il fait même siennes les thèses des écologistes. Les premières phrases de ce chapitre sont :

"Le constat auquel nous aboutissons est d’une situation où pour utiliser les termes de R. Petrella (1994) "la mondialisation de l’économie de marché privatisée, déréglementée et libéralisée", est en train de "libérer" le capitalisme des règles, procédures et institutions qui permirent, à l’échelle nationale, de bâtir le "contrat social" - Etat providence ou Welfare State." (page 250). "L’Etat providence" ? Dans le jargon "social" bourgeois ces termes ont une fonction précise : accréditer que les gouvernements bourgeois ont pratiqué une politique délibérée d’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs, d’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, de multiplication de leurs droits sociaux. La Sécurité sociale, par exemple, ne serait pas une conquête arrachée de haute lutte par le prolétariat mais une sorte de don que la bourgeoisie et ses gouvernement lui ont accordé. Ses prestations ne seraient pas du salaire différé. "Un contrat social" aurait été passé, en quelque sorte de gré à gré, entre la bourgeoisie, son Etat, ses gouvernements, et les classes exploitées, pour assurer le bon fonctionnement de "la société".

Faire référence au "Welfare State" c’est faire référence à la politique que Roosevelt a menée vis-à-vis de la classe ouvrière. Le fait suivant permet d’apprécier l’ouverture pour la classe ouvrière que fut la politique de Roosevelt : dès son accès au pouvoir, en 1933 : il décrète une baisse de 15 % des salaires des fonctionnaires ("Aperçu d’histoire économique 1890-1947", Louis Pommery, page 242). Dans la mesure où l’administration Roosevelt a, au cours des années suivantes, accordé quelques droits et garanties au prolétariat, ce fut parce qu’elle a été confrontée à ses puissants mouvements.

"Il y eut trois fois plus de grèves en 1933 qu’en 1932 - grèves des chauffeurs de taxis new-yorkais, des chantiers navals de New-York, des usines d’aluminium de Pennsylvanie, des mines du Montana, grèves dans les épiceries et dans les scieries, grèves dans l’Est et dans l’Ouest. Et il y en eut plus encore en 1934. Mais alors que jusque là, les grèves avaient surtout comme objectifs des augmentations de salaire et la réduction des heures de travail, la revendication clé portait maintenant sur le droit de s’organiser." (Arthur Schlessinger Jr : "L’ère de Roosevelt - l’avènement du New deal", page 461). En 1934 la grève des camionneurs de Minneapolis, la grève générale de San Francisco ont été les mouvement les plus marquants. Au cours de ces années s’est engagée l’action pour le syndicalisme d’industrie qui a bousculé le syndicalisme de métier de l’AFL.

En 1936-37 une nouvelle vague gréviste a déferlé, incluant la fameuse grève de la "General Motors" (grève avec occupation d’usine). En 1935 s’est constitué le "Comitee for Industrial Organisation". En 1938 il s’est transformé en "Congress of Industrial Organisation".

"La vague sans précédent des grèves avec occupation des usines et la croissance prodigieusement rapide des syndicats industriels (CIO) aux Etats-Unis sont l’expression la plus incontestable de l’aspiration instinctive des ouvriers américains à s’élever au niveau des tâches que l’histoire leur a assignées. Cependant aussi les organisations dirigeantes, y compris le CIO nouvellement créé, font ce qu’elles peuvent pour contenir et paralyser l’offensive révolutionnaire des masses." ("Programme de transition").
CHESNAIS "RÉGULATIONNISTE"

Chesnais, lui adopte les thèses des régulationnistes : Louis Gill écrit :

"Dans les théories de la régulation, les salaires des catégories de travailleurs, la consommation de masse, la mise sur pied de systèmes de sécurité sociale, santé, éducation, régimes de pensions ne sont pas vus comme des conquêtes sociales, fruits des luttes revendicatives des travailleurs, qui sont avec le développement de la crise de plus en plus menacées par la bourgeoisie au pouvoir, celle-ci s’efforçant par tous les moyens de sabrer dans les dépenses sociales. Les conquêtes sociales sont plutôt vues comme des concessions." ("Économie mondiale et impérialisme", page 31). Chesnais confirme, lui, son adhésion aux thèses régulationnistes : "Dans sa synthèse éclairante des travaux de la théorie de la régulation R. Boyer (1986) a présenté une typologie des "niveaux et types de crise". En mettant à part les explications en termes de "perturbation externe", Boyer estime que dans la perspective de la régulation il conviendrait de distinguer, par ordre de gravité croissant 1) "les crises cycliques au sein d’un mode de développement (mode de développement ?) stabilisé" ; 2) "les crises du système de régulation lui-même" ; 3) "les crise du mode de développement" ; 4) au moins en tant qu’hypothèse relevant de la "théorie stricte" la crise du mode de production dominant.

"Les trois premiers niveaux de crise paraissent tous pertinents pour caractériser les étapes parcourues par le mode de régulation fordiste depuis son apogée jusqu’à la phase actuelle, où la crise paraît bien concerner le mode de développement sous-jacent en tant que tel. L’exercice consistant à placer les trois niveaux de crise en vis-à-vis des formes que le processus d’internationalisation a revêtu successivement depuis la fin des années 1950 permet de proposer un éclairage de la crise du mode de régulation issu de la crise de 1929 et des convulsions de la guerre et de l’après-guerre qui serait complémentaire aux interprEtations avancées le plus souvent."

L’ÉCONOMIE PERMANENTE D’ARMEMENT

Chesnais fait donc sienne la "synthèse éclairante de la régulation fordiste" de R. Boyer et sa "typologie des crises". Toutefois il entend intégrer aux causes de ces crises les différentes formes d’internationalisation du capital :

"La phase de bon fonctionnement, finalement très brève, de la régulation fordiste, se situe grosso modo depuis la fin de la reconstruction qui a suivi la seconde guerre mondiale jusqu’à la mort du système de Bretton Woods. Elle correspond à la phase très courte pendant laquelle l’internationalisation multidomestique prédomine. La période est caractérisée par un régime international relativement stable, dont les pivots sont le système des parités fixes entre les monnaies et la diffusion du modèle fordien de production et de consommation de masse à partir des Etats-Unis.". Quelques lignes plus bas il est question du légendaire "rapport salarial "fordiste"". Mais l’internationalisation telle qu’elle s’est développée ultérieurement aurait selon Chesnais mis à mal "l’Etat-nation" et par là même détruit la possibilité de la "régulation fordiste". Il oublie que la crise des années 30 qui a disloqué le marché mondial et la division internationale de ce temps là a éclaté dans une économie capitaliste cadrée par les "Etats-nations" et qu’elle a provoquée le repli des différents capitalismes nationaux sur leurs bases nationales. Quelle que soit la forme d’internationalisation, l’économie capitaliste génère des crises économiques. Ni le "New Deal", ni aucune politique de "relance", n’a pu surmonter la crise des années 30. Seule l’économie d’armement et l’économie de guerre y sont parvenues. Quant à l’essor économique d’après la deuxième guerre mondiale, il fut possible parce que :

• la guerre a liquidé une masse énorme de capital qui ne l’avait pas été par la crise

• la valeur de la force de travail était au plus bas dans tous les pays (en Allemagne, au Japon elle n’était pas loin du point zéro)

• la formidable puissance du prolétariat était contenue, entravée par la politique de reconstruction des Etats bourgeois et de l’économie capitaliste qu’ont pratiquée, à l’ouest de l’Europe notamment, les partis socialistes et social-démocrates, les PC, les appareils syndicaux.

Encore a-t-il fallu que l’impérialisme US soit hégémonique et en mesure de discipliner politiquement, économiquement, financièrement l’ensemble des puissances impérialistes "vainqueurs" et vaincues.

Très rapidement une crise s’est annoncée. La guerre froide, le réarmement, la guerre de Corée ont donné une nouvelle impulsion à l’économie capitaliste. L’impérialisme américain a supporté la plus grande charge de l’économie d’armement, tandis que les autres puissances impérialistes, l’Allemagne et le Japon surtout, en ont bénéficié.

En 1948-49 l’économie d’armement devient permanente aux USA. C’est elle qui a été le volant d’entraînement de l’économie capitaliste dans son ensemble et non "la régulation fordiste" et le "rapport salarial fordiste".

MARX ET LES HAUTS SALAIRES

Parler de "modèle de production fordiste" (encore qu’il s’agit plutôt de taylorisme) et l’opposer relativement au "toyotisme" peut être à la rigueur acceptable. Parler de "consommation de masse" et du "rapport salarial fordiste" comme régulateur de l’économie capitaliste, comme le fait Chesnais, est une mystification. Le "marxiste" Chesnais ne devrait pas oublier, ne fût-ce qu’un instant ce que Marx écrit :

"C’est une tautologie que de dire que les crises proviennent de ce que la consommation solvable ou que les consommateurs capables de payer font défaut. Le système capitaliste ne connaît d’autre mode de consommation que payant à l’exception de ceux de l’indigent ou du "filou". Dire que les marchandises sont invendables ne signifie rien d’autre qu’il ne s’est pas trouvé pour elles d’acheteurs capables de payer donc de consommateurs. (que les marchandises soient achetées en dernière analyse pour la consommation productive ou individuelle). Mais si, pour donner une apparence de justification plus profonde à cette tautologie on dit que la classe ouvrière reçoit une trop faible part de son propre produit et que cet inconvénient serait pallié dès qu’elle recevrait une plus grande part, dès que s’accroîtrait en conséquence son salaire, il suffit de faire remarquer que les crises sont chaque fois préparées justement par une période de hausse générale des salaires où la classe ouvrière obtient effectivement une plus grande part de la fraction du produit annuel destiné à la consommation. Du point de vue de ces chevaliers qui rompent des lances en faveur du "simple" (!) bon sens, cette période devrait au contraire éloigner la crise. Il semble donc que la production capitaliste implique des conditions qui n’ont rien à voir avec la bonne ou la mauvaise volonté, qui ne tolèrent cette prospérité de la classe ouvrière que passagèrement et toujours comme signe annonciateur d’une crise." ("Le Capital", Éditions sociales, Livre II, pages 63 et 64).


POUR ARRACHER QUOI QUE CE SOIT LE PROLÉTARIAT A TOUJOURS DU COMBATTRE

La "consommation de masse", les "hauts salaires" aux USA, ont résulté des conditions historiques particulières du développement du capitalisme dans ce pays (besoin considérable, pendant des décennies, de main-d’oeuvre) et de la lutte de classe du prolétariat américain.

Ford, en dépit de ses écrits préconisant la formation d’un large marché par de hauts salaires, n’a jamais lâché un cent aux travailleurs exploités dans ses entreprises que contraint et forcé. Il a poussé au maximum la productivité, comme tous les patrons il a tout fait pour briser les grèves, intensifier autant qu’il l’a pu l’exploitation.

Si à partir du milieu des années cinquante les prolétariats des puissances impérialistes retrouvent et dépassent leur niveau de vie d’avant-guerre, arrachant de nouveaux acquis, c’est en raison de leur puissance, de leur capacité de combat, de la crainte qu’en ont les différentes bourgeoisies et leurs gouvernements. La productivité du travail croissant considérablement, le capital a pu faire des "concessions" en même temps que diminuait la valeur de la force de travail et que la plus-value relative s’accroissait. La haute conjoncture se maintenant le taux de profit restait élevé. Pourtant dès les années soixante la tendance à la baisse du taux de profit s’est manifestée à nouveau.

Chesnais poursuit :

"La période est marquée par des fluctuations cycliques faibles correspondant à l’apuration des déséquilibres assez bénins nés de l’accumulation et la demande, auxquels la thérapeutique keynésienne peut aisément porter remède." Là encore il oublie le fantastique parasitisme, dont l’économie permanente d’armement américaine, qui "nourrit" (si l’on peut dire) l’économie capitaliste dans son ensemble. Les USA l’ont financée en utilisant leur position privilégiée dans le système monétaire et des paiements international mis sur pied à Bretton Woods, que Nixon a exécuté par son discours du 15 Août 1971, en déclarant officiellement que désormais le dollar ne serait plus convertible en or. (voir "A propos de "la mondialisation du capital"" Ière partie).

"RÉGULATIONNISTE" MAIS "NON ORTHODOXE"

Chesnais s’efforce d’insérer ses analyses dans les analyses "régulationnistes" :

Alors "pour l’essentiel (le mouvement de l’internationalisation) aide à diffuser les normes fordiennes, tout en confortant de façon passagère une accumulation du capital dont le cadre essentiel reste l’économie de l’Etat-nation. L’IDE prend la forme de "filiales-relais" dont l’offre est destinée prioritairement au marché intérieur des pays d’accueil, avec un complément d’exportation dans l’aire de commerce extérieure traditionnelle des mêmes pays." (page 251).

Pour Chesnais "les régulationnistes ont encore porté peu d’attention aux effets de l’internationalisation du capital sur la crise du mode de régulation fordiste." (page 251).

Pages 253 et 254 il écrit : "Selon la compréhension que nous (nous égale Chesnais - NDLR) avons de l’accumulation fordiste (qui n’est pas celle d’un régulationnisme "orthodoxe") trois séries de formes institutionnelles paraissent avoir été particulièrement "essentielles"." (Donc il y aurait, selon Chesnais, "une accumulation fordiste" !) Chesnais nous apprend à l’occasion qu’il n’est pas un régulationniste "orthodoxe" (pas "orthodoxe" mais "régulationniste" quand même). "Les premières sont celles qui ont permis de gérer, dans le sens de la croissance, l’une des conséquences les plus centrales de l’accumulation capitaliste à savoir d’avoir fait du travail salarié la forme absolument prédominante d’insertion sociale et d’accès à un revenu. Jusqu’au début des années 1970 le système a su générer, au moyen des éléments constitutifs du rapport salarial fordiste, un niveau d’emploi salarié suffisamment élevé et suffisamment bien payé, à la fois pour remplir les conditions de la stabilité sociale et se créer les débouchés nécessaires à la production de masse (c’est-à-dire pour assurer le "bouclage macroéconomique")." "Un niveau d’emploi salarié suffisamment élevé" c’est-à-dire en l’occurrence le "plein emploi". N’en déplaise à Chesnais le "plein emploi" n’est pas dans la logique et de l’intérêt du mode de production capitaliste. En tout cas c’est l’avis de Marx :

MARX ET LA "SURPOPULATION RELATIVE"

"La loi de la décroissance proportionnelle du capital variable, et de la diminution correspondante dans la demande de travail relative, a donc pour corollaire l’accroissement absolu du capital variable et l’augmentation absolue de la demande de travail suivant une proportion décroissante, et enfin, pour complément, la production d’une surpopulation relative. Nous l’appelons "relative", parce qu’elle provient non d’un accroissement positif de la population ouvrière qui dépasserait les limites de la richesse en voie d’accumulation, mais au contraire, d’un accroissement accéléré du capital social qui lui permet de se passer d’une partie plus ou moins considérable de se manouvriers. Comme cette surpopulation n’existe que par rapport aux besoins momentanés de l’exploitation capitaliste, elle peut s’enfler et se resserrer d’une manière subite." (Karl Marx, Oeuvres I, Bibliothèque de La Pléiade, page 1146).

"Si l’accumulation, le progrès de la richesse sur la base capitaliste, produit donc nécessairement une surpopulation ouvrière, celle-ci devient à son tour le levier le plus puissant de l’accumulation, une condition d’existence de la production capitaliste dans son Etat intégral. Elle forme une armée de réserve industrielle qui appartient au capital d’une manière aussi absolue que s’il l’avait élevée et disciplinée à ses propres frais. Elle fournit à ses besoins de valorisation flottants, et, indépendamment de l’accroissement naturel de la population, la matière humaine toujours exploitable et toujours disponible." (ibidem, page 1148).

Et encore : "La réserve industrielle est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail sont plus considérables. Les mêmes causes qui développent la force expansive du capital amenant la mise en disponibilité de la force de travail, la réserve industrielle doit augmenter avec les ressorts de la richesse... Voilà la loi générale, absolue, de l’accumulation capitaliste. L’action de cette loi, comme de toute autre, est naturellement modifiée par des circonstances particulières." (ibidem, page 1162). Bien entendu "l’armée de réserve industrielle" est aussi nécessaire au capital pour peser sur la valeur de la force de travail, aggraver les conditions de travail, accroître la mobilité et l’exploitation des travailleurs.

Non "le système" n’a pas "su générer" le plein emploi. Ce dernier fut du à des circonstances particulières : les gigantesques dépenses parasitaires des Etats qui ont créé un marché artificiel et la revendication ouvrière du "plein emploi" qui s’est exprimée dès la fin de la deuxième guerre mondiale.

A la page suivante (254) Chesnais écrit :

"Aujourd’hui, en premier lieu, le mode de production dominant (on suppose qu’il s’agit du mode de production capitaliste, NDLR) étale au grand jour, de façon quotidienne, son incapacité à gérer l’existence du travail salarié en tant que forme prédominante d’insertion sociale et d’accès à un revenu. Après avoir détruit la paysannerie et une large partie de l’artisanat urbain, désertifié des régions entières, fait appel à l’armée industrielle de réserve des travailleurs immigrés, créé des concentrations urbaines inhumaines et ingérables, il condamne des millions de salariés et de jeunes au chômage structurel, c’est-à-dire à la marginalisation sociale qui débouche aisément sur la déchéance. Dans le même mouvement il accentue à l’intérieur de chaque pays les différenciations professionnelles et sociales au point d’inviter les couches les plus favorisées (ceux que R. Reich appelle "les manipulateurs de symboles") à "faire sécession", comme le même auteur le note fort bien (R. Reich, 1993)." Le contraire est vrai. Du point de vue du capital la "gestion" du travail salarié est bonne lorsqu’il y a une vaste "armée de réserve industrielle". Or que l’on sache, le "mode de production dominant" est le mode de production capitaliste. Il n’y a rien de fortuit à ce que l’offensive capitaliste contre la valeur de la force de travail, les conquêtes et les acquis de la classe ouvrière s’engage pleinement à partir du début des années 80 : en Angleterre le chômage est passé de 5,2 % de la population active au début 1980 à plus de 12 % fin 1982, aux USA il est passé de 5,5 % au début 1980 à plus de 10 % fin 1982. "Aux Etats-Unis, le taux de chômage a dépassé, pour la première fois depuis la grande crise la barre des 10 %." ("Bilan économique et social 1982").

Ce haut niveau de chômage a été une des conditions du succès des attaques des gouvernements Thatcher et Reagan contre les prolétariats de leurs pays, attaques qui ont réduit drastiquement la valeur de la force de travail, liquidé nombre de garanties, acquis, conquêtes de la classe ouvrière. A leur tour, la réduction drastique de la valeur de la force de travail, la destruction de nombre de garanties, acquis, conquêtes des prolétariats des Etats-Unis et d’Angleterre ont donné un avantage considérable aux capitalismes américain et anglais par rapport à leurs rivaux impérialistes.

"Le système (aurait) su générer, au moyen des éléments constitutifs du rapport salarial fordiste, un niveau d’emploi salarié suffisamment élevé et suffisamment bien payé, à la fois pour remplir les conditions de la stabilité sociale et se créer les débouchés nécessaires à la production de masse (c’est-à-dire pour assurer le "bouclage macroéconomique").", au-dessus il en a déjà traité. "Le rapport salarial fordiste" est une mystification. "Les débouchés à la production de masse" ont été grandement conditionnés par l’économie permanente d’armement, les marchés artificiels créés par les Etats bourgeois.

MARX ET LA "RÉALISATION"

Il faut rappeler à Chesnais ce que Marx a écrit à propos du "marché" ou plutôt comment Lénine a synthétisé ce que Marx a écrit à ce sujet :

"La conclusion principale de la théorie de la réalisation de Marx est la suivante : l’accroissement de la production capitaliste, et, par voie de conséquence, celle du marché intérieur, ne se fait pas tant au compte des objets de consommation que des moyens de production... La section de la production sociale qui fabrique les moyens de production doit donc grandir plus vite que celle qui fabrique les objets de consommation. Ainsi l’accroissement du marché intérieur est jusqu’à un certain point, "indépendant" de l’accroissement de la consommation individuelle, s’effectuant plutôt au compte de la consommation productive. Mais il serait erroné de comprendre cette indépendance dans le sens d’une séparation totale de la consommation productive et de la consommation individuelle : la première peut et doit augmenter plus vite que la seconde (c’est à cela que se limite son "indépendance") mais il va de soi que, finalement, la consommation productive reste liée à la consommation individuelle." (Lénine "Le développement du capitalisme en Russie", cité dans "Le Capital", Livre II, Tome II, Editions sociales 1960, page 261). Plus loin : "Le développement de la production (et par suite du marché intérieur lui-aussi) essentiellement au compte des moyens de production semble paradoxal et présente en soi-même, sans aucun doute, une contradiction. C’est une véritable "production pour la production", c’est un élargissement de la production sans élargissement de la consommation. Mais ce n’est pas là une contradiction dans la doctrine, mais dans la vie elle-même : c’est précisément une contradiction qui correspond à la nature même du mode de production capitaliste, autres contradictions de ce système d’économie sociale. Cet élargissement de la production sans élargissement correspondant de la consommation correspond justement à la mission historique du capitalisme et à sa structure sociale spécifique : la première consiste dans le développement des forces productives de la société ; la seconde exclut l’utilisation de ces conquêtes techniques par la masse de la population. Entre la tendance illimitée à l’élargissement de la production propre au capitalisme et la consommation limitée des masses populaires (limitée en raison de leur situation de prolétaires), il existe une contradiction indéniable." (ibidem, page 203). Et encore : "L’analyse de la réalisation chez Marx a montré qu’"en dernière analyse la circulation entre capital constant et capital constant trouve sa limite dans la consommation individuelle", mais la même analyse a montré le véritable caractère de cette "limitation" ; elle a montré que les objets de consommation jouent un rôle mineur dans la formation du marché intérieur comparativement aux moyens de production." (ibidem, page 204). L’affirmation que le prétendu "rapport salarial fordiste" a "assuré le bouclage macroéconomique" s’apparente à la conception de la solution des crise du régime capitaliste par la consommation.

DES ÉTATS BOURGEOIS INSTRUMENTS DU CAPITAL FINANCIER

Selon Chesnais :

"Les secondes (séries de formes institutionnelles qui ont permis "l’accumulation fordiste") sont celles qui ont créé au niveau monétaire un environnement monétaire stable. Celui-ci était fondé sur les taux de change fixes entre des monnaies souveraines sur leur marché intérieur, mais il était marqué aussi par des institutions et mécanismes, créant un degré significatif de subordination de la finance aux besoins de l’industrie. (G. Ferne 1993)." Il faut le dire vite qu’il existait un "environnement monétaire stable" et "des taux de change fixes". Les années 60 sont marquées par une crise récurrente du dollar, de multiples manipulations monétaires, des dévaluations du franc, de la livre sterling, des réévaluations du mark, le "pool de l’or", etc. Ce qui annonçait la liquidation du système monétaire et de paiements internationaux de Bretton Woods. Quant à la prétendue "subordination de la finance à l’industrie" elle n’a pas empêché les spéculations financières, la constitution et la croissance gigantesque de l’"eurodollar". La différence réside surtout en ce que les Etats bourgeois ont financé leurs déficits surtout de façon inflationniste.

Pour Chesnais,

"le plus important tenait à l’existence d’institutions suffisamment fortes pour que celles-ci puissent servir à imposer au capital privé des dispositions de toute sorte et à discipliner son fonctionnement et disposant de ressources qui leur permettaient aussi bien de colmater les défaillances sectorielles de l’investissement privé que de relancer la demande." Il est vrai qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Etats bourgeois ont du jouer un rôle d’impulsion et d’organisation économique qui fut décisif pour la reconstruction de l’économie capitaliste, et qui a prolongé dans une certaine mesure le rôle qu’ils assumèrent à la fin des années trente et pendant la guerre en impulsant et en organisant l’économie d’armement et l’économie de guerre. En lisant Chesnais on a l’impression que les Etats ont agi de cette façon au détriment du "capital privé".

Chesnais s’éloigne tellement du marxisme qu’il oublie que l’" Etat " en général cela n’existe pas. C’est toujours l’Etat de la classe sociale dominante, en l’occurrence la bourgeoisie. Mais c’est encore là une généralité insuffisante : c’est l’Etat bourgeois au service du capital financier au sens où l’entendait Lénine, "concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles ; fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie" ("L’impérialisme stade suprême du capitalisme").

Chesnais continue :

"Le système a, pour la première fois dans toute son histoire, confié le sort de la monnaie et de la finance complètement aux marchés, dans les conditions et avec les conséquences que nous avons analysées aux chapitres 10 et 11. Les gouvernements et les élites qui gouvernent les principaux pays capitalistes avancés ont laissé le capital-argent devenir une force aujourd’hui à peu près incontrôlable qui se dresse "face à la croissance mondiale" en toute impunité. Enfin les Etats ont vu leur capacité d’intervention réduite à peu de chose par la crise fiscale, et les fondements de leurs institutions sapées au point de les rendre à peu près incapables d’imposer quoi que ce soit au capital privé." (page 254). Pèse et freine sur "la croissance mondiale" non seulement le capital-argent, mais le capital dans son ensemble (taux de profit trop faible dans l’industrie). Le "frein à la croissance" ce sont les rapports de production capitalistes et pas seulement telle ou telle espèce de capital.

Chesnais semble oublier encore une fois que ces Etats sont des Etats bourgeois, instruments du capital. C’est encore trop général : ce sont des instruments du capitalisme à son stade impé