BRÉSIL : UN AN DE GOUVERNEMENT LULA,
UN PREMIER BILAN
Il y a maintenant un an, en
janvier 2003, Lula - candidat du parti des travailleurs – accédait au pouvoir
après qu’il ait remporté les élections présidentielles le 27 octobre 2002.
Événement majeur : pour la première fois de son histoire, la classe
ouvrière portait au pouvoir le candidat d’un parti ouvrier, du seul véritable
parti ouvrier existant à ce jour au Brésil ; pour la première fois, vingt
deux ans après la fondation du Parti des travailleurs et vingt ans après la fin
de la dictature militaire brésilienne, la classe ouvrière brésilienne
remportait sur le terrain électoral un incontestable succès, Lula étant élu au
second tour président du Brésil avec près de 63% des suffrages exprimés, contre
37% à Serra, candidat soutenu par l’essentiel de la bourgeoisie brésilienne et
de ses partis.
Compte tenu de la place centrale
qu’occupe le Brésil en Amérique latine, cette victoire électorale constitue un
événement majeur pour tous les prolétariats d’Amérique latine.
Pourtant, quinze mois après cette
victoire électorale, un peu plus d’un an après l’installation –le 1er
janvier 2003- du gouvernement Lula, les travailleurs brésiliens n’ont vu
satisfaites aucune de leurs revendications. Bien au contraire, c’est à une
politique pour l’essentiel conforme aux exigence du
FMI et de la bourgeoisie brésilienne qu’ils se trouvent confrontés. Et c’est
contre la politique du gouvernement Lula qu’ils ont commencé à se
mobiliser : la grève générale des fonctionnaires, en juillet, ainsi que la
reprise des occupations de terres par le Mouvement des sans-terre en sont deux
premières expressions importantes. Inévitablement, la contradiction entre la
politique conduite par le gouvernement Lula et l’aspiration des travailleurs à
voir satisfaites leurs revendications et non celles de la bourgeoisie, la contradiction
entre le prolétariat brésilien et ce gouvernement ne peut que s’aiguiser. D’important combats sont donc à l’ordre du jour, qui auront
d’inévitables répercussions au sein du Parti des travailleurs.
Apprécier ce qui est en jeu
nécessite de revenir sur les évènements récents mais aussi sur un certain
nombre de questions plus générales : les caractéristiques particulières du
capitalisme au Brésil, la question syndicale, la nature du gouvernement Lula,
le rôle des organisation brésiliennes qualifiées de « trotskistes »,
ainsi que les conditions historiques dans lesquelles la classe ouvrière
brésilienne a constitué le Parti des travailleur (PT), conditions
systématiquement occultées par la presse quand elle traite du Brésil. C’est en
relation avec ces questions que peut se poser de manière concrète la question
de la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire au Brésil.
Lors du second tour des élections
présidentielles, le 27 octobre 2002, ce sont 57 millions de suffrages qui se
portèrent sur le candidat du PT. Un résultat sans précédent dont la
signification est claire : pour les travailleurs brésiliens, pour la grande
masse de la population de cet immense pays, il fallait en finir avec la
politique du gouvernement Cardoso, le président sortant, et des partis
bourgeois sur lesquels il s’appuyait ; il fallait un autre gouvernement,
une autre politique qui satisfasse les revendications élémentaires d’une
population frappée par le chômage et la misère, réaliser la réforme agraire et
mettre fin au remboursement de la dette.
Pour José Serra, candidat de la
bourgeoisie désigné par Cardoso pour lui succéder (Cardoso n’ayant pas le droit
de se représenter), la défaite était sans appel : après avoir obtenu 23,2%
seulement au premier tour des élections, le 6 octobre, il n’atteignait pas 38%
lors du second tour, contre plus de 62% à Luiz Inacio Da Silva, dit « Lula », candidat du PT
brésilien.
Le soir du 27 octobre, des
millions de brésiliens déferlaient dans les rues, brandissant des forêts de
drapeaux rouges marqués de l’étoile du PT, pour affirmer : « maintenant,
cela va pouvoir changer ! »
Pourtant dès le lendemain, le président
américain George W. Bush félicitait Lula pour sa victoire, « se
réjouissant de travailler avec lui » et La Tribune du 29
octobre pouvait titrer : « la victoire de Lula n’effraie ni
les milieux économiques ni Washington », mettant en avant les garanties
apportées par Lula avant son élection, en particulier en ce qui concernait sa
volonté de continuer de payer, rubis sur l’ongle, la dette brésilienne.
Faudrait-il alors en conclure que
l’élection de Lula, quant au fond, ne change rien et que la bourgeoisie
brésilienne, avec l’aval des États-Unis, aurait tout simplement confié à Lula
le soin de poursuivre la politique de Cardoso ? Ce serait une lourde
erreur.
Qu’on le veuille ou non, et
quelles que soient les garanties données à la bourgeoisie par Lula, quelle que
soit la politique qu’il a développée depuis son élection, ces résultats
électoraux sont d’abord une défaite électorale pour la bourgeoisie et un
puissant « appel d’air » pour la mobilisation du prolétariat.
Le même quotidien patronal ci-dessus
cité indiquait peu avant les élection que José Serra, candidat mis en avant par
Cardoso, était celui « dont les milieux industriels et financiers
souhaitent ardemment la victoire » avant de citer un dirigeant de
l’organisation patronale brésilienne, la Fsiep :
« Serra est notre candidat, dit-on à la Fsiep.
Il est le plus compétent pour défendre nos intérêts » (La Tribune du
6.9.02). Le patronat soutenait Serra comme il avait soutenu huit ans durant,
Fernando Enrique Cardoso.
Si pendant huit ans Cardoso avait
été lui-même « le plus compétent » pour défendre les intérêts
de la bourgeoisie, s’il avait su mettre un terme, au moins provisoire, à
l’hyper-inflation des années quatre vingt (jusqu’à 4000% par an), c’est d’abord
en s’attaquant à la classe ouvrière, à son pouvoir d’achat, aux maigres acquis
sociaux de la population, en privatisant à tout va et en ouvrant largement le
pays aux capitaux extérieurs, lesquels furent alléchés par les taux d’intérêts
et par l’arrimage au dollar de la monnaie brésilienne, le réal, lors du
lancement du plan réal en 1994.
Durant la plus grande partie du
gouvernement Cardoso, les taux d’intérêts réels au Brésil furent les plus
élevés du monde. Les capitaux ont donc afflué: 43 milliards d’euros en 1999.
L’inflation diminua alors rapidement : 50% pour le seul mois de juin 1994,
et 6% un mois après le début du plan Réal.
Mais avec un réal lié au dollar,
artificiellement élevé pour protéger les intérêts des prêteurs –aussi bien
privés qu’organismes internationaux – l’excédent commercial de 1992 (20
milliards de dollars) s’est transformé en un déficit commercial de 10 milliards
d’euros en 1997 : les importations ont triplé, le Brésil étant alors l’un
des rares pays avec lequel le commerce des Etats-Unis était bénéficiaire. De
même la balance des paiements, excédentaire de 15 milliards d’euros en 1992,
est-elle devenue déficitaire de 8,5 milliards en 1997.
Il en est résulté une explosion de
l’endettement public, de 30% du PIB en 1994 à 62% en juillet 2002, avec qui
plus est des échéances de plus en plus courtes et des taux d’intérêts
croissants.
Dans ce cadre, la situation des
masses n’a pu que s’aggraver : en 2002 le chômage progressait tandis que
5% de la population s’arrogeait 34% du revenu brésilien total et 1% de la
population avait le contrôle de 46% des terres cultivables.
A la veille des élections, les
« solutions » et les expédients utilisés par Cardoso pour reporter
les échéances –et qu’entend poursuivre Serra- sont épuisés alors que grondent
la classe ouvrière, la jeunesse, les chômeurs, les paysans sans-terre : « en
bas, ils ne veulent plus de cette misère » tandis qu’en haut, « ils
ne peuvent plus » ou, tout au moins, se déchirent quant à la politique
à mettre en œuvre. Et c’est en catastrophe que, durant l’été, le Fond Monétaire
International (FMI) accorda un prêt
exceptionnel par son ampleur de 30,5 milliards d’euros alors que le réal
perdait 40% par rapport au dollar sur six mois.
La bourgeoisie brésilienne est une
bourgeoisie semi-compradore, particulièrement soumise à l’impérialisme,
américain notamment. Toute la politique conduite des années durant d’ouverture
de frontières et de privatisation, d’emprunts massifs et d’arrimage du réal au
dollar, n’ont fait qu’accroître cette soumission.
Mais outre la misère accrue pour
les masses qui en résulte, cette politique d’ouverture favorisant l’importation
de marchandises et de capitaux entraîne la liquidation de pans entiers de
l’économie : certaines fractions de la bourgeoisie – contrôlant notamment
une industrie et un commerce antérieurement protégés, plus ou moins, par ses
frontières – tentent de résister. Car pour ces secteurs de la bourgeoisie
brésilienne, le maintien d’un réal « fort », conformément aux
exigences du FMI et des États-Unis, devient désastreux. En janvier 1999,
l’accord passé entre le FMI et le gouvernement Cardoso est littéralement saboté
par une fraction de la bourgeoisie brésilienne : le lien avec le dollar
est brisé, le réal est massivement dévalué, et la bourse de Sao Paulo remonte
de 33%, ce qui traduit la satisfaction d’importants secteurs de la bourgeoisie.
Mais les affrontements se poursuivent d’autant plus que la situation financière
s’aggrave et que les États-Unis continuent à agir en défense de leurs intérêts.
Ainsi les États-Unis promeuvent
« l’Alca », une gigantesque zone de libre
échange sous leur contrôle et à leur profit, qui engloberait tous les pays des
Amériques, Cuba excepté. Or, expliquent Les Echos (6.9.03) « une
grande partie des industriels sont hostiles à ce projet, s’estimant incapables
de lutter à armes égales avec la concurrence nord-américaine. Ils sont rejoints
par certaine ONG et organisations syndicales qui recueillent des signatures
dans les rues afin de « faire pression sur le futur gouvernement pour
qu’il abandonne les négociations ».
Sur ce plan, Serra –principal
candidat de la bourgeoisie- est aussi le candidat le plus en faveur de
« l’Alca » : la bourgeoisie est donc
divisée au moment où les masses brésiliennes se regroupent derrière la PT,
parti dont l’histoire est inséparable des puissantes mobilisations du
prolétariat brésilien.
C’est dans le creuset des
mobilisations ouvrières des années 77-80 –mobilisations pour les revendications
économiques, salariales en particulier, et contre la dictature militaire- que
s’est constitué le PT.
La nécessité d’un tel parti
s’était alors exprimée en même temps que, face aux mobilisations ouvrières
croissantes, se fissurait puis se disloquait le syndicat « officiel »
contrôlé par le régime militaire et les « pelagos » (surnom donné aux
bureaucrates). En février 1980 s’était tenu un premier plénum pour la
légalisation du PT. En avril 1982, le régime militaire déliquescent qui
cherchait encore une fois à se prolonger à coup d’élections truquées fut
contraint de renoncer à emprisonner Lula et d’autres syndicalistes inculpés, et
dut accepter que Lula fût candidat dans l’Etat de Sao Paulo.
Dans le même temps, les militants
syndicalistes membres du PT impulsaient le combat pour la création d’un
syndicat indépendant de l’Etat, une Confédération Unitaire des Travailleurs
(C.U.T.). Dès août 1981, une conférence nationale réunissant 5247 délégués
décidait de la tenue, dès l’année suivante d’un congrès fondateur de cette centrale
syndicale. Ce fut un dur combat, non seulement contre l’appareil répressif de
la dictature et contre les « pelagos » qui s’acharnaient à défendre
le syndicat d’Etat, mais aussi contre le Parti Communiste Brésilien (PCB). Ce
parti stalinien organisa notamment un véritable « putsch » au sein de
l’organisation syndicale en cours de constitution pour empêcher la tenue de ce
congrès, attaché qu’il était à préserver le pseudo-syndicat contrôlé par les
généraux. Finalement, la CUT put être constituée en 1983, une année plus tard
que décidé initialement.
C’est ainsi que le PT fut
constitué dans un même processus que la CUT, de manière organiquement liée,
dans le combat contre la bourgeoisie brésilienne, contre la dictature militaire
et contre le parti stalinien. Cette origine marque profondément le PT ainsi que
la CUT.
Il n’en reste pas moins que le PT
n’est pas un parti révolutionnaire. Sa création correspondait aux besoins et
aux aspirations immédiates du prolétariat brésilien, qui s’est regroupé derrière
lui. Mais il a été dès l’origine un enjeu de la lutte de classe. En l’absence
d’un programme et d’une direction révolutionnaire, il a été sous le contrôle
d’anciens « pelagos », de chrétiens plus ou moins sociaux, de
réformistes divers, sans compter différents groupes abusivement qualifiés – par
la presse ou par eux-même – de « trotskistes ».
De ce fait, ce fut – au sens
précis du terme – un parti « ouvrier-bourgeois » dont le programme
fut dès l’origine tout au mieux réformiste.
Son existence, point d’appui pour
les masses, contribua à la fin du régime militaire. Mais son caractère de parti
ouvrier bourgeois interdit aux masses de mettre à profit la crise du régime
militaire pour balayer la bourgeoisie et le capitalisme ; ses dirigeants
–dont Lula – permirent à la bourgeoisie d’organiser, à partir de 1985, la
transition vers un régime de forme plus « démocratique » mieux à même
de perpétuer la domination de la bourgeoisie.
De ce fait, de 1985 à 2002,
différents gouvernements bourgeois purent se succéder – non sans crises et
heurts –mettant en œuvre, contre la population laborieuse, la jeunesse, les
masses paupérisées, la politique exigée par la bourgeoisie brésilienne et
l’impérialisme. Mais avec les résultats des élections de 2002 cette étape s’achevait.
Le prolétariat brésilien, en dépit de la politique conduite par Lula, politique
de plus en plus ouverte en défense des intérêts de la bourgeoisie, lui a imposé
d’aller au pouvoir. Ce ne fut pas sans mal.
Dans les mois qui ont précédé les
élections de l’automne 2002, Lula n’a eu de cesse d’apporter à la bourgeoisie
toutes les garanties demandées.
Rappelons qu’aux élections de
1989, Lula avait obtenu officiellement 47% des suffrages tandis que Collor,
candidat de la bourgeoisie, en obtenait 53% grâce à la fraude. Au lieu
d’organiser la mobilisation des masses pour faire annuler ces résultats
truqués, Lula et la direction du PT se soumirent alors aux exigences de la
bourgeoisie. Et quand, en 1992, les masses imposèrent finalement le départ de
Collor, Lula et la direction du PT acceptèrent
respectueusement qu’Itama Franco succède à Collor.
Puis lors de la campagne électorale de 1994, Lula se rallia au « plan Réal ».
Ces élections de 1994 constituèrent une sévère défaite pour Lula battu, avec
27% de voix, par Cardoso qui fut élu dès le premier tour avec 60% des
suffrages.
Dans une interview donnée en mai
2002, Lula résume en quelque mots son programme, en particulier à propos du
paiement de la dette publique : « Le PT a pris une position très
claire, inscrite dans notre programme : nous respecterons les engagements
du Brésil ». Il précisa également : « nous n’avons pas
l’intention de re-nationaliser les entreprises qui ont été privatisées ».
Et, en ce qui concerne les infrastructures nécessaires à l’économie et à la
population (chemin de fer, énergie, électricité) il reprend à son compte la
politique de Tony Blair : « nous défendons l’idée d’un
partenariat entre le secteur privé et le secteur public, afin de ne pas laisser
les décisions d’investissement à la seule spontanéité (sic !) du marché » (L’Express du 16 mai 2002).
Or, Cardoso a entrepris de
privatiser la compagnie de chemin de fer, la RFFSA, sur le mode anglais :
les investissements nécessaires ne sont plus réalisés, seuls des travailleurs
précaires sont embauchés.
En accord avec ce programme
conforme à ce qu’attend la bourgeoisie, Lula passe –au début de la campagne
électorale – un accord avec un homme de la grande bourgeoisie, l’industriel
José Alencar, président d’une petite formation bourgeoise, le Parti Libéral
(PL) ; et Lula fait de ce grand patron son colistier, le candidat à la
vice-présidence, en précisant : « notre intention est d’élaborer
un programme démocratique et populaire qui réponde aux intentions de l’ensemble
de la société brésilienne, et pas seulement à ceux qui s’identifient au parti
des travailleurs » (interview à l’Express) : comme
si les intérêts des travailleurs n’étaient pas antagoniques à ceux de la
bourgeoisie, laquelle fait aussi partie de la « société
brésilienne » !
Une telle alliance provoque de fortes
protestations au sein du PT. Lula – qui fait campagne sous le slogan « paix
et amour » - justifie cette alliance par de prétendues nécessités
électorales : « je sais qu’il existe au sein de mon parti des
gens bien intentionnés qui expriment des doutes sur l’opportunité de cette
alliance. Ils ont tout mon respect, mais ils défendent une vision sentimentale
de la « pureté » du Parti des Travailleurs. Moi, en tant que
candidat, j’ai besoin de la moitié des voix plus une ».
L’argument est fallacieux : cette
alliance est, au contraire, le meilleur moyen de perdre des voix en écœurant
nombre de travailleurs et d’électeurs du PT.
En témoigne ce compte rendu fait
par La Tribune : « lors de la convention nationale du PT en
juillet, qui entérina la candidature de Lula et de son « vice », un
brouhaha monta de la foule » quand José Alencar apparut à la tribune,
et « des coups de poings furent échangés en coulisse ».
L’objectif de Lula et de la
direction du PT n’était pas de gagner les élections mais, en donnant tous les
gages nécessaires à la bourgeoisie, de limiter autant que faire se peut
l’ampleur d’une victoire désormais inévitable.
Les résultats du premier tour des
élections, le 6 octobre 2002, furent d’ailleurs édifiants : non seulement
Lula ne fut pas élu dès le premier tour, à la grande déception de nombre de
militants du PT, mais au Parlement la progression du PT –bien qu’importante et
faisant du PT la première des formations - fut très loin de lui donner une
majorité de députés, même relative : il passa de 58 à 91 députés sur un
total de 513 députés. Les partis bourgeois demeurent alors largement
majoritaires, ce qui est utilisé par Lula pour justifier les alliances et la
politique qu’il entend poursuivre.
Pire, les résultats du PT stagnent
voire régressent dans certaines villes et Etats où il avait été précédemment
victorieux. Pourtant, si l’on en croyait Libération : « si le PT
jouit d’une telle popularité, c’est aussi parce qu’il a fait ses preuves de
gestions régionales ou municipales, de Belen à Sao
Paulo, en passant par Porto Alegre. Dans cette
dernière ville, symbole de la démocratie participative et lieu du Forum Social
Mondial (FSM), que le PT gère depuis 1989, le nombre d’enfants scolarisés a
doublé, la proportion des ménages ayant accès aux réseaux d’assainissement a
fait un bond de 46 à 85% » (7.10.02). Malheureusement pour Libération,
les résultats sont à l’inverse de ces propos élogieux. Car si le PT gagne des
millions de voix partout au Brésil, il en perd dans l’Etat de Rio Grande Do Sul : quatre ans auparavant, le candidat du PT, Olivio Dutra, avait obtenu 46% au premier tour avant d’être
élu au second. En 2002, le candidat du PT était Tarso
Genro, ancien maire de Porto Alegre
et auteur d’un livre sur le « budget participatif » : il
n’obtient que 37,25% des suffrages au premier tour avant d’être battu au
second, avec 47% contre 53% pour un candidat bourgeois.
Et si le PT conserve de justesse
(à 0,4% près des suffrages) la majorité dans la ville de Porto Alegre qu’il administre depuis 14 ans, il y recule
néanmoins de manière très importante, perdant 86 000 voix par rapport à 1998
alors qu’au niveau de l’Etat de Rio Grande Do Sul la
progression de votant est de 16%.Le recul est également manifeste à Caxias do Sul, Gravatai, Alvorada … administrées par le PT depuis quatre ans.
La raison ? Le « budget
participatif » consiste à faire gérer la pénurie par les assemblées de
quartier, à demander aux habitants de définir leurs priorités (l’égout ou
l’école, par exemple). Ainsi, à Porto Alegre,
certains choix retenus par les assemblées … sont en attente depuis dix ans.
Élu le 27 octobre, Lula devait
être investi le 1er janvier 2003. Entre temps se mit en place un
dispositif de transition, de cohabitation : cinquante
« personnalités » choisies par Lula furent associées jusqu’au premier
janvier à l’activité des ministres et directeurs d’administrations du
gouvernement Cardoso qui demeure en exercice jusqu’au 1er janvier.
À la tête de cette équipe de
transition est désigné Antonio Palocci, un
représentant de l’aile dite « modérée » du PT, la plus ouverte à
l’alliance avec les forces bourgeoises. Palocci
annonce que « le changement ne se fera pas en jetant à la poubelle ce
qui a déjà été fait » et pronostique : « je sûr que notre
contrôle budgétaire sera plus austère que celui de la gestion du président
Cardoso ».
Durant le même temps, Lula
organise son futur gouvernement. Différentes « figures » du PT sont à
la tête des ministères dits « sociaux ». Mais l’essentiel de ce
gouvernement est annoncé le 10 décembre 2002, à Washington, où Lula rencontre
pour la première fois Bush et les dirigeants du FMI : c’est le même
Antonio Palocci qui sera ministre des finances du
gouvernement Lula ; or il avait, avant l’élection présidentielle, fait ses
preuves comme maire de Ribeirao Preto,
où il avait entrepris de privatiser certains services publics municipaux.
En même temps Lula annonce la
nomination du gouverneur de la banque centrale : ce sera Henrique Meirelles, ex-président de la très puissante banque
américaine Bank of Boston et qui vient d’être élu
comme député d’un parti bourgeois, le parti social démocrate brésilien (PSDB),
la parti de Cardoso dont Lula vient de battre le successeur.
Et, outre le magnat du textile
José Alencar qui est vice-président, sont nommés au gouvernement plusieurs
chefs d’entreprises : il y en a davantage que dans le gouvernement
précédent de Cardoso !
Ces nominations sont conformes au
programme de Lula, programme qu’il a brutalement réaffirmé dès le 28 octobre,
au lendemain même de son élection, afin d’éviter le surgissement d’un puissant
mouvement spontané : « Notre gouvernement va honorer les contrats
établis par le gouvernement sortant, ne pas relâcher son attention sur le
contrôle de l’inflation, et maintiendra –comme c’est la règle dans les
administrations du PT- une politique de responsabilité fiscale ».
Ce que confirme Palocci qui se vante qu’en « 2001, 76% des mairies
gouvernées par le PT ont dégagé un excédent budgétaire » tout en
réalisant des investissements sociaux supérieurs de 10% …
Pour les travailleurs qui
attendent que leur parti désormais au pouvoir satisfasse leurs revendications
les plus élémentaires, c’est une douche glacée. Mais le FMI est rassuré :
au vu des engagements pris par Palocci il débloque
fin décembre 2002 une deuxième tranche (3 milliards de dollars) de son
gigantesque crédit de 30 milliards accordés durant l’été.
Afin « d’accompagner »
sa politique anti-ouvrière et d’entraver toute résistance à cette politique,
Lula prend dès novembre deux initiatives que son gouvernement devra mettre en
œuvre en 2003 : le programme « Fome
zéro » (faim zéro) et la réalisation d’un nouveau pacte social.
30 à 50 millions de Brésiliens, sur
170, sont considérés comme vivant en dessous du seuil –brésilien - de pauvreté.
Or, faute de s’attaquer aux racines du chômage et de la misère, donc de
s’attaquer à la propriété privée des moyens de production, Lula est incapable
de créer les emplois nécessaires et de garantir un salaire convenable. C’est
donc une énorme opération d’assistanat qui est annoncée, de distribution de
cartes d’achat aux familles les plus misérables, sur le modèle de ce que fait
déjà la mairie de Sao Paulo dirigé par le PT où 260 000 familles reçoivent 63
dollars par mois, s’engageant alors à mettre leurs enfants à l’école (15% de
foyer de Sao Paulo ont un revenu mensuel inférieur à 80 euros). Le coût du plan
«Fome zéro » est estimé à 6 milliards de
dollars par an.
Début novembre, le président de la
banque interaméricaine de développement (BID) annonce le doublement des fonds
prêtés pour les programmes sociaux de Lula, soit un total de 12 milliards
d’euros sur 4 ans (mais en 2003, la politique de « rigueur » réduira
brutalement les crédits prévus).
Dès 26 novembre 2002 et sans
attendre la formation de son gouvernement, Lula réunit des industriels, des
représentants syndicaux et des représentants de différentes organisations pour
commencer à jeter les bases du « pacte social » qu’il a annoncé dans
son discours tenu au lendemain de son élection.
La CUT a mené campagne pour le PT.
Mais la CUT est un syndicat qui a déjà été confronté à de tels « pactes
sociaux » à l’époque des présidents bourgeois Sarney puis Collor. Le
président de la CUT doit donc déclarer que « le mot pacte n’appartient
pas au vocabulaire de la CUT, pas plus que le mot trêve ». En même
temps, il se prononce pour une « négociation permanente »,
ouvrant la voie à la participation de la CUT aux instances tripartites qui
seront mises en place par le gouvernement Lula. Car de facto, il s’agit pour la
majorité de la direction de la CUT de se préparer à aider le gouvernement Lula.
C’est également le cas du courant Démocratie Socialiste(DS)
au sein du PT, courant pseudo-trotskiste lié à Besancenot
et à Krivine. Un de ses représentant
explique : « Bien sûr, le syndicat doit préserver une
certaine autonomie, mais en même temps il appartient au même camp démocratique
et populaire que le gouvernement ». La confusion est totale et
organisée car si la CUT est une organisation ouvrière, si le PT est un parti
ouvrier, le gouvernement n’est pas un gouvernement ouvrier ; il inclut des
forces bourgeoises, s’appuie à l’Assemblée sur des forces bourgeoises, affiche
un programme bourgeois. Contradictoirement à ce que signifie l’élection de
Lula, candidat d’un parti ouvrier, contradictoirement à la nature même du PT
qui siège au gouvernement, ce gouvernement est un gouvernement bourgeois. Le
syndicat ne peut donc être « dans le même camp » que le
gouvernement. Mais au lieu d’exiger la rupture du PT avec la bourgeoisie, l’ami
de Besancenot et Krivine
explique : « la marge est étroite. La réponse positive à
cette question est donnée par la constitution du Conseil de développement
économique et social proposé par Lula, et qui intègre les syndicats ».
« Intègre » est bien le
mot, car il s’agit d’un dispositif visant à assujettir la CUT aux besoins de la
bourgeoisie et du gouvernement. Palocci explique lui
même que ce Conseil sera un « embryon du pacte social ».
Finalement, la majorité de la CUT décide, tout
en affirmant que ce sera « de manière autonome par rapport au
gouvernement », d’être présente à ces réunions tripartites.
Réunie les 27 et 28 novembre 2002,
la direction nationale de la CUT rejette une motion qui affirme : la CUT « ne
doit participer à aucune réunion tripartite ». (Cette motion, qui
recueille 6 voix, est présentée par le courant PSTU ; une autre motion,
d’alternative syndicale avec O Trabalho, est
rejetée). La motion présentée par le courant majoritaire, et adoptée par une
soixantaine de voix, appelle à « participer à tous les forums nationaux de
négociation ».
Le dispositif de l’appareil syndical,
combiné avec celui initié par la direction du PT, est donc parfaitement en
place lorsque Lula est investi le 1er janvier 2003.
C’est le 1er janvier
2003 que Lula et son gouvernement prenaient officiellement leurs fonctions. Ce
gouvernement, comme prévu, compte nombre de représentants de la
bourgeoisie : aux côtés des 14 ministres du PT siègent plusieurs chefs
d’entreprises ainsi que sept représentants d’autres partis, dont Gilberto Gil, ministre de la culture, pour le parti Vert, ou Ciro Gomes pour le PPS (ex parti stalinien
« rénové »). A cette étape, la négociation avec le PMDB a échoué. Les
patrons choisis pour figurer dans ce gouvernement sont emblématiques : on
y trouve Furlan, dirigeant du groupe industriel Sadia, choix qui suscite « la joie » de la
fédération patronale. Mais ce gouvernement n’est pas un simple gouvernement de
collaboration de classes. Il répond à une situation politique
exceptionnelle : alors qu’ « en haut » la bourgeoisie
se déchire et que la crise financière menace, « en bas » les
travailleurs exigent que soient satisfaites leurs revendications avec d’autant
plus de forces que, pour la première fois, ils ont pu porter un candidat de
leur parti à la présidence. Exprimant cette aspiration, deux cent mille
manifestants se rassemblent à Brasilia le 1er janvier pour assister
à la cérémonie d’investiture. Lula a été porté au pouvoir « par
l’espoir d’une révolution sociale », Selon les termes mêmes d’un
quotidien américain, le Los Angeles Time. Face à cette aspiration, la
fonction politique de ce gouvernement n’est pas simplement de prendre les
mesures nécessaires à la bourgeoisie. Sa fonction principale, c’est de
paralyser politiquement la classe ouvrière, les masses exploitées, d’éviter
toute irruption d’un puissant mouvement de grèves, manifestations et
occupations qui pourrait – par ses revendications et son organisation
indépendante – poser la question du pouvoir ouvrier. Sa fonction principale,
c’est de désorienter la classe ouvrière en essayant de prouver qu’il n’y a pas
d’autre politique possible que la préservation du capitalisme brésilien, c’est
de faire refluer la classe ouvrière avant que le pouvoir ne soit rendu aux
représentants directs de la bourgeoisie, partis bourgeois ou armée.
En cela, il s’agit bien d’un
gouvernement bourgeois de front populaire (des gouvernements de ce type peuvent
avoir entre eux bien des différences, comme c’est le cas du gouvernement de
Front populaire de 1936 en France ou en Espagne, du gouvernement Allende au
Chili en 1970 ou celui de 1981 en France après l’élection de Mitterrand et
d’une majorité de députés PS et PCF à l’Assemblée. Mais ils ont tous la même
fonction. : aider la bourgeoisie dans un moment difficile en se présentant
aux travailleurs comme « leur » gouvernement, en se présentant donc
comme le seul gouvernement possible pour les travailleurs alors qu’il en est la
négation, qu’il est la négation de l’exigence élémentaire d’un gouvernement des
seules organisations ouvrières).
De facto, ce gouvernement Lula se
dresse immédiatement comme un obstacle face à ce qu’ont exprimé les dizaines de
millions de travailleurs et jeunes qui ont voté pour le candidat du PT :
la volonté de porter au pouvoir un gouvernement du PT et non un gouvernement
avec des représentants de la bourgeoisie.
Témoigne de cette fonction la nomination
au gouvernement deux ministres, pour ce qui devrait être un même et unique
poste : Miguel Rossetto comme ministre du développement agraire et Roberto
Rodrigues comme ministre de l’Agriculture. Le premier
est membre du PT et l’un des principaux représentants du courant Démocratie
Socialiste, courant considéré comme un courant
« radical », à « gauche » au sein du PT (il appartient au
même regroupement que la LCR de Krivine et Besancenot). Le second est un grand propriétaire foncier,
président de « l’Association brésilienne d’Agribusiness » :
celui-ci représente au sein du gouvernement les intérêts des latifundistes,
ceux en particulier qui veulent pouvoir exporter davantage de produits
agricoles, tandis que celui-là devra s’affronter au mouvement des paysans sans
terre qui entendent reprendre, s’ils n’obtiennent pas satisfaction, leur
politique d’occupation des grandes propriétés.
On comprend ainsi que Lula, dès
son discours d’investiture, se soit fait le porte parole des grands
propriétaires terriens qui protestent contre les barrières tarifaires et les
subventions des États-Unis et de l’Union européenne, barrières et subventions
limitant leurs exportations (agrumes et jus d’orange, soja, volailles, etc…) : « Le Brésil combattra le
protectionnisme, luttera pour l’élimination des barrières et tentera d’obtenir
des règles plus justes et plus adaptées à notre condition de pays en
développement. Nous allons tenter d’éliminer les scandaleuses subventions
agricoles des pays développés, qui portent préjudice à nos producteurs. »
a-t-il déclaré.
Il n’est donc pas question
d’exproprier ces propriétaires-là qui veulent exporter davantage pour davantage
de profits et, à cette fin, mieux exploiter leurs terres … et leurs ouvriers
agricoles. Il n’est question, dans le meilleur des cas, que de canaliser les
travailleurs sans terre vers quelques latifundias peu
exploitées, plus ou moins en friche, à la manière de ce qu’avait fait le
précédent gouvernement de Cardoso.
On comprend également ainsi le
choix de Rossetto, comme ministre de « développement
agraire » : à lui le soin de freiner les occupations des grandes
propriétés, de promettre pour plus tard ce qui est refusé aujourd’hui. Or la
question est explosive : des centaines de milliers de familles errent à la
recherche de terres, s’affrontant aux grands propriétaires et à leurs tueurs à
gages protégés par la police militaire et les juges. Il y aurait, selon
l’Institut national de colonisation et de réforme agraire créé avant le
gouvernement Lula, trois millions de candidats à une terre, quatre plus
certainement, tandis que 2 % des propriétaires agricoles contrôlent 50 % de la
terre exploitable ; vingt mille d’entre eux en contrôlent un tiers, en
exploitations supérieures à 2000 hectares.
Et surtout : un puissant
Mouvement des sans terre (le MST) s’est constitué depuis 1984, en liaison
étroite avec la centrale unitaire des travailleurs. Il a multiplié les
occupations de latifundias, s’affrontant à la police.
C’est ce mouvement que Rossetto
doit désarmer politiquement, et faire patienter dans l’immédiat.
En janvier 2003, le premier
objectif que s’est fixé le gouvernement Lula c’est de prouver, en actes, aux
impérialismes, à leurs banques et aux institutions internationales, du
« sérieux » des engagements pris à l’égard du FMI, alors que celui-ci
redoute que Lula se montre faible face aux revendications des travailleurs
brésiliens. Il n’est donc pas question de ne pas rembourser la dette, estimée à
255 milliards de dollars, fût-ce sous la forme d’un moratoire (modalités à
laquelle dut se résoudre le gouvernement argentin).
À cette fin, une politique de
rigueur est immédiatement engagée. Dès janvier, l’offensive est annoncée contre
les retraites, en particulier celles des fonctionnaires. Ricardo Berzoine, ministre de la « Prévoyance sociale »
et membre du PT, prévoit un système de retraite commun aux fonctionnaires et
aux travailleurs du privé. Or les retraites privées, généralement misérables
(350 réals en moyenne) sont, de toute façon,
plafonnées à 1560 réals (450 € environs) alors que
les retraites des fonctionnaires sont en moyenne de 2000 réals
(mais sont beaucoup plus élevés pour les officiers et pour les juges). Les
militaires protestent … Aussitôt Berzoine fait savoir
qu’ils ne sont pas concernés, leur régime étant qualifié
« d’exception » !
Une telle réforme ne pouvant avoir
immédiatement son plein effet, d’autres mesures d’urgence sont alors décidées.
Le 11 février, de nouvelles coupes budgétaires sont avancées, pour 3.5
milliards d’euros, afin de dégager un excédent budgétaire dit « excédent
primaire » (c’est cet excédent qui sert à rembourser une partie de la
dette et permet de solliciter de nouveaux emprunts pour faire face à l’ensemble
de la dette, essentiellement à court terme en ce qui concerne le Brésil). Cet
excédent primaire était de zéro en 1988. La dévaluation du réal et de nouvelles
mesures anti-ouvrières avaient permis au gouvernement
Cardoso d’atteindre un excédent équivalent à 3 % du PIB à partir de 1999, et de
4 % en 2002.
En 2003, l’objectif négocié avec
le FMI était de 3.75 % du PIB. Avec les nouvelles coupes décidées en février,
le gouvernement se fixe l’objectif d’un excédent de 4.25 %. Il est vrai qu’une mission
du FMI est alors attendue à Brasilia : son rapport déterminera le
déblocage de 24 milliards de dollars de prêts pour 2003 (solde de l’énorme prêt
de l’été 2002). Les experts du FMI félicitent aussitôt le gouvernement
brésilien.
Autre mesure : pour endiguer
une inflation dont le rythme est remonté à 16 % l’an, les taux d’intérêt déjà
très élevés sont alourdis à deux reprises, à 26.5 % le 20 février. La hausse
totale est de 8.5 % en quatre mois.
Enfin, un projet de loi
garantissant l’autonomie de la banque centrale, mesure exigée par le FMI, est
soumis au Parlement. Les détenteurs de capitaux apprécient cette politique,
comme en témoigne la remontée du réal : il ne valait plus qu’un quart de
dollar en décembre, il en vaut un tiers en mars 2003. Et le FMI libère une
tranche de 41 milliards de dollars de crédits. Pourtant ces taux élevés
divisent la bourgeoisie brésilienne : le patronat et la Fsiep protestent, et le vice-président lui-même parle de
« hold-up ». L’économie est en récession et en trois mois le taux
officiel du chômage passe de 10.5 à 11.6 %.
Quant aux mesures dites
« sociales » qu’évoquent Lula, elles sont dérisoires. Le 24 mars,
Lula promet aux métallurgistes de Sao Bernardo do Campeau, berceau historique du PT, que le pouvoir d’achat
du salaire minimum sera doublé en quatre ans. Ce salaire minimum, que nombre de
travailleurs ne perçoivent même pas, est alors réajusté : il passe de 200
à 240 réals soit 75 euros! Cette hausse ne couvre
qu’à peine l’inflation depuis un an.
Le plus remarquable est la
patience dont font preuve les travailleurs, prêts à laisser un répit à Lula
après avoir attendu si longtemps. Mais le gouvernement, qui prépare l’offensive
contre les retraites, sait que ce n’est qu’ un répit.
Afin d’entraver toute mobilisation
à venir, le gouvernement institutionnalise le débat tripartite : il s’agit
d’élaborer un nouveau « pacte social ». Le 13 février 2003, Lula préside
la première réunion de l’instance nécessaire à l’élaboration de ce pacte :
le Conseil du développement économique et social, formé de 82 membres et
directement rattaché à la présidence de la République. Ce conseil réunit, aux
côtés d’une dizaine de ministres, treize représentants syndicaux et des
représentants de mouvements sociaux tels que le MST, ainsi que quarante et un
représentants patronaux. S’y ajoutent quelques représentants « d’entités
religieuses ». La présidence de ce conseil est confiée au ministre Tarso Genzo, ancien maire PT très
« modéré » de Porto Allegre et battu à
l’occasion des élections de l’Etat de Rio Grande do Sul
à l’autonome 2002. Sa mission est de promouvoir un vaste dialogue social afin
de parvenir à un consensus sur les réformes que Lula s’apprête à mener. Que cet
objectif aboutisse ou non, la participation des dirigeants syndicaux à ce
Conseil constitue déjà un appui pour la politique gouvernementale.
Cette offensive porte
essentiellement contre les retraites des fonctionnaires : le projet
prévoit d’abord que celles-ci ne seront plus calculées sur le dernier salaire
intégral mais sur une moyenne de salaires. Le plafond, désormais commun au
public et au privé, serait fixé à 2400 réals (720
€ ; il était jusqu’alors de 450 € dans le privé). En outre, à partir de
1058 réals (317 €), les retraites sont amputées d’une
contribution de 11 %. Enfin, pour les fonctionnaires déjà en retraite, le
plafond est immédiatement fixé à 5145 €. Cette mesure vise les juges (qui partent en retraite à 55
ans) et quelques hauts fonctionnaires liés aux corps répressifs et
prévaricateurs. Mais sous couvert de s’attaquer à des situations jugées
exorbitantes, liées au cœur de l’appareil d’Etat, ce sont tous les
fonctionnaires qui sont visés, ceux de l’enseignement en particulier.
Au delà, sous couvert d’équité
entre privé et public, tous les travailleurs sont visés: l’âge du départ à la
retraite passera de 48 à 53 ans pour les femmes, et de 53 à 60 ans pour les
hommes. Pour la plupart des travailleurs, ces retraites ne permettent pas de
vivre.
Pour compléter ce dispositif, il
est prévu la création de fonds de pension pour chaque branche professionnelle.
Ce projet provoque des résistances
au sein du PT ; un tiers des 92 députés déclarent s’y opposer. Les
syndicats de fonctionnaires, affiliés à la CUT, en demandent le retrait alors
que les dirigeants de la CUT en défendent la négociation. Le 11 juin, une
manifestation appelée par les syndicats réunit 40 000 fonctionnaires contre
cette « trahison ». Dans le même temps, les occupations de terres
organisées par le MST se développent : 113 grandes propriétés sont
occupées depuis janvier. Treize travailleurs ont été tués par les milices des
propriétaires.
Au vu de la politique conduite par
Lula, mais aussi des difficultés qu’il doit affronter, la direction nationale
du Parti Mouvement démocratique brésilien (PMDB, parti bourgeois) décide le 27
mai, d’adhérer officiellement à la coalition gouvernementale. Fort de ses 19
sénateurs et 71 députés, ce parti va conforter la politique bourgeoise du
gouvernement et, si nécessaire, pallier à une défection prévisible d’une partie
des députés PT au moment du vote de la loi sur les retraites.
Cet appui est d’autant plus utile
que la situation économique se dégrade : sur quatre mois, la production
industrielle est inférieure de 4.2 % à celle mesurée de janvier à avril 2002.
Officiellement, six cent mille chômeurs supplémentaires sont enregistrés. Dans
l’agglomération de Sao Paulo, deux millions de chômeurs – un taux de 20 % -
cherchent du travail. 80 000 candidats se sont ainsi présentés pour des postes
d’éboueurs rétribués 200 € par mois. Or le gouvernement, avec le FMI, refuse de
desserrer l’étau des taux élevés tant que l’inflation dépasse 8.5 %. Cette
situation conduit la direction du PT à s’attaquer aux députés récalcitrants,
les traduisant devant une instance disciplinaire du Parti. C’est le cas de Lucianon Genro et de João Batista Oliveira de Araùjo
(députés), de João Fontes ainsi que d’Heloisa Helena (sénatrice)
Pour la première fois, le
gouvernement Lula est alors confronté à une importante grève, celle des
fonctionnaires qui avaient massivement voté pour Lula et le PT. Dès le 8
juillet, ce sont 400 000 fonctionnaires fédéraux qui sont en grève (sur 880
000). La grève va se poursuivre durant le mois de juillet.
Les juges eux-mêmes, avec le
Tribunal Suprême fédéral, mettent à profit cette mobilisation et se montrent
menaçants si l’on attaquait leurs exceptionnelles retraites.
A la mi-juillet, le gouvernement
décide alors de manœuvrer, convoque une réunion de crise avec les gouverneurs
des principaux États et propose de nouvelles négociations. Il se déclare prêt à
revoir l’une des dispositions les plus contestées – la remise en cause du
niveau de la retraite calculée sur le dernier salaire – cette mesure n’étant
appliquée qu’à ceux qui seront embauchés après la promulgation de la réforme.
Bien que la grève se poursuive, une telle manœuvre est rendue possible par le
fait qu’au sein de la CUT quasiment tous se situent sur le terrain de la
négociation, de la « bonne réforme ».
La voie a été ouverte en
particulier par le congrès de la CUT qui s’était tenu du 3 au 6 juin : la
motion présentée par l’Articulation (courant majoritaire) demandait des
amendements au projet gouvernemental. Elle obtint 502 de voix. Une motion
présentée par les courants CSD-CSC, proches de la LCR, recueillit 25 % des voix
en demandant quelques amendements de plus. Une autre motion (25 % des voix) fut
présentée par le courant « Renforcer la CUT » (lié à O Trabalho et, en France, au « PT » de Pierre
Lambert et Glückstein) que les intéressés présentent
aux-mêmes comme une « motion de compromis » qui exigeait « l’abandon
des trois principaux points » de la réforme.
De facto, ces trois motions sont
toutes une application de la politique mise en œuvre depuis l’élection de
Lula : la participation au Conseil tripartite, dans l’objectif de réaliser
un pacte social.
Corrélativement, alors que la
grève piétine, aucune direction n’appelle à la Grève générale. Certains (tels Informations
ouvrières du 30 juillet) peuvent bien expliquer que « ces derniers
jours, la grève s’est étendue à Brasilia et parmi les travailleurs de al Santé
à Sao Paulo, ainsi que dans l’autres régions du pays ». Ils peuvent
bien évoquer une réunion de « 500 délégués » le 24 juillet instituant
un « commandement national unifié de la grève (CMUG) », la
tâche centrale de ce CMUG est de fixer « un calendrier d’activité pour généraliser
la grève et la convocation d’une marche nationale à Brasilia pour le 6
août ». Comme en France quelques semaines auparavant, il aurait donc
fallu « généraliser » à la base, au lieu de combattre pour que les
directions syndicales nationales exigent le retrait pur et simple de la loi,
rompent toute concertation et appellent à la grève générale. Très cyniquement,
le président de la CUT, Luiz Marinho,
après avoir évoqué les « distorsions criantes » (sic) du projet
gouvernemental, peut déclarer le 25 juillet : « la CUT réaffirme
toute solidarité avec la grève et les mobilisations des fonctionnaires qui
veulent négocier (sic) maintenir et élargir leurs droits (re-sic).
Nous sommes entrain de discuter avec les fonctionnaires sur les mobilisations
que la CUT convoquera lors des prochaines semaines et notamment le jour du
vote… »
Sur cette orientation, la grève ne
peut que s’épuiser. Le gouvernement va pouvoir passer en force.
Le 23 juillet, Lula, répondant aux
demandes insistantes du patronat, infléchit sa politique monétaire. En toute
« indépendance », la banque centrale réduit ses taux, de 26.5 % à
24.5 %. Puis, la veille du 6 août, sans attendre la manifestation prévue à
Brasilia, et alors que la grève des fonctionnaires fédéraux se poursuit,
rejoints par des fonctionnaires territoriaux, le gouvernement soumet son projet
de loi au gouvernement.
La grande majorité des députés du
PT vote en faveur de ce texte, avec l’appui de nombreux députés bourgeois, dont
ceux du PSDB de Cardoso (358 députés au total ont voté cette loi qui, compte
tenu de son caractère constitutionnel, exigeait au moins 308 voix sur 513, soit
les trois-cinquième). Seuls trois députés du PT votent contre, et neuf
s’abstiennent (issus du courant majoritaire ou, pour deux d’entre eux, de D.S).
Tous les députés du courant D.S, lié à la LCR, ont donc – sauf deux qui se sont
abstenus – voté cette réforme : « la lutte sociale et l’action
parlementaire ont produit des avancées importantes dans le texte »
justifiaient-ils « mais la proposition est encore
insuffisante » ; c’est donc « pour impératif de discipline
du parti » que ces soi-disant « trotskystes » ont voté ce texte
car l’enjeu était l’existence même du gouvernement. C’est ce qu’indique le
Figaro du 8 août 2003 : « la formidable bataille menaçait
d’emporter le ministre des finances Antonio Palocci ».
Compte tenu de son rôle, c’était tout l’édifice gouvernemental qui se
serait effondré.
La mobilisation des travailleurs
brésiliens a réaffirmé avec force la question: quel autre gouvernement est
aujourd’hui possible au Brésil, dont les travailleurs pourraient exiger la
satisfaction de leurs revendications ? Quel autre gouvernement si ce n’est
un gouvernement du seul PT, dont le candidat a été élu président, dont le
groupe parlementaire est le premier du pays, gouvernement qui serait
l’émanation d’un parti qui représente l’ensemble de la population laborieuse de
ce pays ?
Force est de constater que les
principaux courants brésiliens qualifiés de « radicaux » voire de
« trotskystes » ont refusé d’ouvrir cette perspective immédiate. Au
contraire, ils ont conforté l’idée que ce gouvernement serait celui des
travailleurs et le seul possible. C’est le cas de Démocratie Socialiste (DS)
qui est partie constitutive du gouvernement et qui déclare après le vote de la
loi sur les retraites : « nous estimons que la discussion sur le
cours suivi par notre gouvernement n’est pas close ». C’est donc que
« notre » gouvernement pourrait avoir une autre politique,
qu’il s’agirait donc de faire pression sur ce gouvernement… C’est aussi le cas
de « O Trabalho » (lié au groupe français
de Lambert). Ce courant a d’abord esquissé l’idée que trois représentants du
patronat soient rejetés du gouvernement, trois parmi d’autres. Ainsi formulé,
il ne s’agissait pas de combattre pour un autre gouvernement, un gouvernement
du seul PT, mais d’en « gauchir » un peu la composition. Puis il a
mené campagne en direction de Lula pour que son gouvernement « s’appuie
sur les travailleurs ». C’est donc que ce gouvernement pourrait faire
une autre politique. C’est ce que laisse entendre Julio Turra,
représentant de O Trabalho au sein de la CUT, quand
il évoque « un gouvernement Lula que nous avons aidé élire »,
gouvernement « que la CUT voit avec de bons yeux ».
Or, les travailleurs n’ont pas
« aidé à élire » un gouvernement composé de représentants de partis
bourgeois et du patronat. Ils ont voté pour les candidats du PT. Ce n’est pas
pareil. Aujourd’hui ce même courant impulse, à l’intérieur du PT, un manifeste
pour « se réapproprier le PT » et contre les mesures
disciplinaires qui frappent les élus, députés ou sénateurs, qui refusent de
voter des textes anti-ouvriers. En soi, ce n’est pas faux. Mais comment peut-on
« se réapproprier le parti » si l’on ne commence pas par
ouvrir une issue politique au niveau gouvernemental, si l’on ne combat pas au
sein du PT, en direction de tous ses militants, pour que le PT rompe avec la
défense du capital, ce qui implique aujourd’hui de constituer son gouvernement
sans représentant de la bourgeoisie ? C’est à cette impasse que sont
aujourd’hui confrontés les travailleurs brésiliens.
Et cette situation d’impasse est
confortée par la politique des soi-disant trotskystes brésiliens. Le 14
décembre, la majorité du directoire national du PT a exclu les quatre
parlementaires qui avaient refusé de voter la loi sur les retraites. C’est un
tournant dans l’histoire du PT, un coup sévère porté contre les militants. La
contradiction entre les aspirations des travailleurs et la politique du PT est
si forte que la direction doit désormais briser toute résistance dans le PT. Le
même jour, la direction du PT vote une résolution qui dit : « Le
PT ne peut vaciller dans son soutien au gouvernement ». Que fait le
courant DS et les amis de Besancenot ? Ils
présentent un amendement pour que le soutien au gouvernement concerne les « actions
positives du gouvernement » ! Et ils se gardent bien de remettre
en cause la présence du ministre Rossetto, membre de
DS au gouvernement. Ainsi peuvent être exclus quatre parlementaires, dont la sénatrice Heloisa Helena, membre,
comme Rossetto du courant DS… Par cette politique, Rossetto et ses amis apparaissent pour ce qu’ils sont: des
lieutenants de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier, au même titre que
Lula. Mais pour les travailleurs, cette politique d’une aile
soit-disant « gauche » du PT contribue à renforcer l’impasse
dans laquelle ils sont.
Le vote de la loi sur les
retraites, après des semaines de mobilisations, constitue une victoire pour le
gouvernement bourgeois de Lula. Aussitôt, la
représentation bourgeoise au sein même du gouvernement est renforcée par
l’introduction de deux ministres membres du PMDB, pour préparer d’autres
mesures en défense du capitalisme brésilien.
Pourtant, la situation
exceptionnelle ouverte à l’automne 2002 n’est pas refermée. L’ensemble du
prolétariat n’est pas entré en mouvement. La question de la terre devient
chaque jour plus explosive. Des mobilisations se
développent à l’initiative de travailleurs pour exproprier les centaines de
milliers de logements laissé vacants. Des grèves
éclatent contre les plans de licenciement, à Volkswagen notamment. D’amples
combats sont prévisibles. Mais fondamentalement, aucun de ces combats ne pourra
déboucher sans que soit clairement formulée la question du combat pour la
rupture du PT, et sous une autre forme de la direction de la CUT, avec le
gouvernement bourgeois, avec la bourgeoisie. S’avancer sur cette voie impose à
la classe ouvrière brésilienne, dont l’expérience politique est très grande, de
commencer à résoudre la question décisive :
celle d’un parti révolutionnaire aujourd’hui inexistant.
.
Car la constitution du PT, seul
parti ouvrier du Brésil, mais parti ouvrier bourgeois dès l’origine- ne peut
émanciper la classe ouvrière de construire son Parti ouvrier révolutionnaire .
Du fait de l’absence d’un tel POR, il était inévitable que le PT affirme de
plus en plus nettement ses traits de parti ouvrier bourgeois. Seule une
avant-garde des travailleurs et de la jeunesse organisée sur le programme de la
révolution, pouvait et peut permettre qu’une fraction significative de
militants du PT s’organise pour combattre la politique suivie par la direction
de celui-ci. Un tel combat ne peut modifier la nature du PT, le transformer dans
sa totalité, mais ce combat est décisif pour regrouper avec et autour d’une
première avant-garde ces couches de militants en rupture avec le PT, pour la
construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire à même de jouer un rôle de
direction pour l’ensemble du prolétariat.
Toute organisation révolutionnaire
se devait donc de participer à la constitution du PT, nécessité tactique sur
une ligne stratégique qui ne peut être que celle de la construction du Parti
ouvrier révolutionnaire. Dès lors, la forme de l’intervention au sein du PT
(travail de fraction ou « entrisme ») est une question pratique.
Jusqu’à cette année, de très nombreux courants sont publiquement et assez
librement organisés au sein du PT. Mais les premières sanctions frappant quatre
élus montrent ce qu’il en est dès lors qu’est refusé la politique de soutien à
la bourgeoisie.
Rappelons qu’existait au Brésil
une organisation trotskyste, l’OSI, qui participa ouvertement à la construction
du PT et regroupa jusqu’à 2000 militants. L’OSI était membre de IVème Internationale–CIR(Centre
international de reconstruction), impulsé par l’organisation française PCI. La
liquidation, en tant qu’organisation trotskyste, du PCI transformé en PT par sa
direction, a entraîné la dégénérescence de l’OSI.
En tout état de cause,
l’organisation révolutionnaire doit disposer de ses propres organes
d’expression afin de pouvoir développer une politique conforme aux besoins de
le classe ouvrière, ceci, on l’a vu n’est le cas d’aucun des courants
brésiliens du PT que la presse qualifie de trotskyste. Sur ce plan, tout reste
à reconstruire : un Parti ouvrier révolutionnaire, une Internationale
ouvrière révolutionnaire.
Aujourd'hui, avancer vers la
construction d’un tel Parti ouvrier révolutionnaire implique de mener campagne
-
pour
le gouvernement du seul PT (comme mot
d’ordre transitoire vers le Gouvernement ouvrier).
Et
sur le plan syndical : rupture du « pacte
social ».
C’est
sur cette perspective que doivent être avancées les revendications immédiates,
en particulier :
-
à bas
la dette : « zéro dollar » pour le paiement de la dette !
-
la
terre aux paysans ; expropriation des latifundiaires !
-
droit
au logement ; expropriation des propriétaires immobiliers !
-
droit
au travail ; aucun licenciement !
On nous communique :
Motion présentée par le courant Front Unique au congrès
du Rhône de la FSU ( votée par 65%
des délégués) puis au congrès national de Perpignan (Pour
12,52% ; Contre 65,2% ; Abstention 21,97%, NPPV : 116).
Internationalisme : motion « Amérique latine »
Le pillage
de l’Amérique latine par les banques et trusts des pays impérialistes, dont
ceux protégés par l’impérialisme français, entraîne
une misère croissante pour les peuples de ces pays. Pour tenter d’en finir avec
cette misère, avec ce pillage, de puissantes insurrections révolutionnaires ont
chassé deux gouvernements successifs en Argentine (hiver 2001-2002) et un
président en Bolivie (octobre 2003). De même le vote massif en faveur du
candidat du PT brésilien traduisait la recherche d’un gouvernement qui mette
fin à cette situation.
Les
trusts, les gouvernements impérialistes – dont le gouvernement Chirac - le FMI
maintiennent toutes leurs exigences. Ils ont obtenu du gouvernement Lula le
paiement rubis sur l’ongle d’une dette écrasante. Ils exigent du gouvernement
bolivien qu’il préserve les contrats bradant le gaz bolivien et les services
publics de l’eau au profit des trusts impérialistes dont des groupes français.
Le FMI
vient de réaffirmer ses exigences à l’égard du gouvernement Kirchner en
Argentine ; paiement de la dette, et hausse massive des tarifs des
services publics argentins afin que les monopoles américains et européens – qui
ont fait main basse sur les services publics argentins- puissent engranger de
nouveaux profits. Les groupes français (EDF, Suez…) sont en première ligne de
cette offensive avec le plein soutien de Chirac.
Contre
les exigences et les menaces impérialistes, nous devons apporter notre plein
soutien aux peuples de ces pays dominés. Ceci implique – sauf à formuler des
vœux pieux pour se donner bonne conscience – de se prononcer, en particulier,
contre les exigences des grands groupes français que soutient le gouvernement
français et d’organiser la mobilisation pour imposer à ce gouvernement et à ces
monopoles français qu’ils renoncent à leurs prétentions.
Annulation
de la dette ! Arrêt des menaces et des procédures visant à imposer
l’augmentation de tarifs des services publics en Argentine !
C’est le droit élémentaire des
peuples d’Amérique latine d’exiger et d’imposer l’expropriation des monopoles
impérialistes, français inclus !