SOMMAIRE
CPS N° 91                                                                                              5 OCTOBRE 2002


LA DÉCENTRALISATION ORGANISE LE DÉMANTÈLEMENT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC.
LA PREMIÈRE RESPONSABILITÉDES DIRIGEANTS SYNDICAUX :
RUPTURE IMMÉDIATE DU «DIALOGUE SOCIAL» !

Le gouvernement Chirac est un gouvernement bourgeois. Mais ce n’est pas n’importe quel gouvernement bourgeois. Issu d’une défaite de la classe ouvrière aux élections présidentielles et législatives d’avril, mai, juin dernier, dans une situation où, pour un temps, les dissensions au sein même de la bourgeoisie sont mises en sourdine, ce gouvernement est en situation de frapper fort.

La situation par ailleurs l’exige du point de vue des intérêts du capital financier (voir plus haut dans ce même numéro de CPS). Dans ce contexte, l’école publique, les statuts de ses personnels sont incontestablement parmi les cibles principales du gouvernement.

Certes, les assauts contre l’enseignement public n’ont pas commencé avec le gouvernement Chirac. On aurait pourtant bien tort d’en conclure que ce qui est en projet - et ce que le gouvernement a déjà décidé - n’est que la continuation de la politique antérieure. Comme on va le montrer plus loin, il s’agit de mesures qualitativement différentes. Aujourd’hui, c’est ouvertement que le gouvernement met au programme la déscolarisation de la jeunesse. Ainsi il explique que l’augmentation du nombre de bacheliers est "utopique". A un autre niveau, Ferry déclare qu’au "collège unique" il préfère le "collège pour tous". Il exige que l’enseignement technologique au collège soit plus "concret" et pour ce faire que dès la 4ème toute une partie de la population scolaire des collèges soit envoyée en entreprise sous couvert de "découverte des métiers". Même chose au niveau du supérieur : le gouvernement indique sans ambiguïté que l’objectif est de barrer la voie à l’enseignement supérieur long aux élèves issus des baccalauréat technologiques et de les confiner en sections de Brevet de Techniciens Supérieurs - en même temps qu’est privilégiée pour la préparation des BTS la voie d’alternance au détriment du cadre scolaire. A tous les niveaux, ce qui est à l’ordre du jour, c’est de chasser les jeunes de l’école, de les envoyer en entreprise.

LES PRÉMICES DE L'OFFENSIVE...

Certes, l’essentiel des attaques est devant nous. Mais il faut être aveugle pour ne pas voir qu’elle est déjà engagée.

D’une part, nombre de lois adoptées cet été à l’Assemblée Nationale ont des conséquences d’importance pour les enseignants et l’enseignement public. C’est le cas de la loi Perben qui prévoit des peines d’emprisonnement pour les élèves coupables "d’outrage à enseignant".Faut-il le dire ? La multiplication des actes de violence dans les établissements scolaires n’a pas d’autre cause que l’impasse dans laquelle le système capitaliste en crise précipite des pans entiers de la jeunesse auxquels il n’offre comme perspective que le chômage, les petits boulots, la précarité. A cela il faut ajouter la constante campagne de la bourgeoisie, de ses partis (auxquels se joignent volontiers les dirigeants du mouvement ouvrier) selon laquelle, c’est à l’Ecole et non au système capitaliste qu’il faudrait imputer la responsabilité de cette impasse. Ainsi depuis des années, les enseignants servent de bouc émissaire. Inutile de dire que la loi Perben n’entend à aucun moment modifier cet état de fait. Par contre, en mettant en place une pénalisation particulière lorsque l’"outrage" s’adresse à des enseignants, elle constitue un premier pas dans l’assimilation des enseignants aux membres de l’appareil répressif de la bourgeoisie. En clair, elle assimile les enseignants à des flics ce que note elle-même la direction du SNES sans en tirer d’ailleurs de conséquences.

Une autre loi adoptée au grand galop cet été est également une loi qui porte un coup violent à l’enseignement public - en particulier à l’enseignement professionnel. C’est celle qui concerne les "contrats jeunes". A l’inverse du discours sans cesse réitéré selon lequel l’évolution du système capitaliste exigerait une plus grande qualification des travailleurs, ce système a pour effet permanent de déqualifier, de rendre obsolètes les qualifications antérieures en particulier les qualifications d’ouvriers professionnels. La loi sur les contrats jeunes répond au besoin des capitalistes d’une main d’œuvre déqualifiée, à vil prix puisque les patrons sont exonérés de la totalité des "charges", c’est à dire du salaire différé. Le but recherché est de faire sortir le plus rapidement possible les jeunes du système scolaire et en particulier les jeunes issus des milieux populaires que l’on invite par ce biais à renoncer à acquérir à l’école une qualification. L’effet combinée de la loi sur les Contrats-Jeunes et de la loi sur la validation des acquis de l’expérience (qui permet d’avoir l’équivalent d’un "diplôme", sans aucun examen, sur la bas de trois années en entreprise et) sera de vider les Lycées Professionnels de leurs élèves. La loi sur les "contrats jeunes" prolonge à cet égard la réforme des collèges dont Ferry a expliqué à l’Assemblée Nationale qu’elle vise à orienter directement une bonne partie des collégiens vers l’entreprise : "Le ministre souhaite revoir les enseignements technologiques du collège qui ne sont pas bons parce que trop théoriques et permettre à tous les collégiens de découvrir des métiers, des savoir faire".

LA QUESTION DU BUDGET....

Il s’agit là de mesures déjà prises. Mais tout le monde sait que se prépare contre la Fonction Publique, et dans ce cadre contre l’enseignement et la recherche un véritable budget de guerre. D’ailleurs le gouvernement entend, avant même l’annonce précise des coupes claires du budget 2003 fin septembre, en donner dès la rentrée 2002 un avant goût. D’ores et déjà, les recteurs ont reçu des consignes claires dans le cadre même de l’exécution du budget 2002.

Ainsi, on apprend que dans l’académie de Clermont-Ferrand - et la mesure vaut sans doute pour l’ensemble des académies - le gouvernement a décidé de réduire de moitié les crédits de remplacement des personnels TOS (techniciens et ouvriers de service). Lorsqu’on sait qu’aujourd’hui déjà, plus de la moitié des remplacements ne sont pas assurés, cela donne une idée du délabrement dans lequel le gouvernement entend plonger les établissements. Des milliers d’enfants entre deux et trois ans sont dans l’impossibilité d’être inscrits à l’école maternelle faute de place. Selon Le Monde du 28 juin, il y en aurait 800 dans la seule ville de Paris

Mais le pire est à venir pour les enseignants comme pour les fonctionnaires des finances, de l’équipement.

On ne peut pas accuser le gouvernement et l’UMP de ne pas avoir annoncé la couleur, à commencer par Raffarin lui même dans son discours d’investiture début juillet : "Tous les emplois ne seront pas systématiquement remplacés au fur et au mesure des départs. Selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stabilisés ou réduits." .

Après Raffarin, d’autres ont été plus précis . Ainsi après l’annonce par Lambert, ministre du budget d’"une baisse nette du nombre de fonctionnaires dès 2003", Marini rapporteur général du budget au Sénat précise : "Le départ à la retraite d’un nombre croissant de fonctionnaires offre une occasion unique d’un redimensionnement de l’État et d’une maîtrise des dépenses de fonctionnement.". Or c’est au ministère de l’Education nationale que les départs sont les plus nombreux, ajoute Marini, qui prévoit aussi des suppressions massives de postes aux Finances...

Dans la foulée, les députés de l’UMP entonnaient le refrain de la "gabegie" et du "gaspillage" des fonds publics du fait du nombre excessif de fonctionnaires. Ainsi le député UPM D’Aubert : "On peut faire des économies en ne remplaçant pas tous les fonctionnaires partant à la retraite dans certaines administrations centrales parisiennes" (...)" Le Monde précise que D’Aubert évoquait en particulier l’Education nationale et le citait  : "Il faut porter le fer dans des organismes plus inutiles les uns que les autres, purement bureaucratiques (....) crées par la précédente majorité et qui grèvent de façon inconsidérée le budget."

Le 1er Septembre, Darcos faisait la déclaration suivante au Journal du Dimanche :

"On ne peut avoir moins d’élèves et plus de professeurs. A la rentrée 2003, il est prévu une baisse très sensible du nombre d’élèves dans les lycées et collèges : ils seront 21000 en moins. C’est donc là qu’il pourrait y avoir une décélération des effectifs. En revanche, dans le primaire, les élèves seront 41000 en plus. Au lieu des 800 nouveaux postes prévus par Jack Lang, nous en créerons 1000 (...) Il faut raison garder. Il s’agirait de 2000 ou 3000 emplois en moins..." Le lendemain, Ferry intervenait à la télévision : "Il n’y aura pas de suppression de postes d’enseignants, mais seulement d’administratifs.".Et toute la presse de dire qu’il y avait un nouveau "couac" du gouvernement, Ferry disant le contraire de Darcos. Mais en réalité, il n’y a pas plus là que dans d’autres domaines de "couac". Et ce qui sera finalement révélé quelques jours plus tard, c’est un plan de suppression de 5600 suppressions de Maîtres d’Internat et Surveillants d’Externat.

Il convient de s’attarder un instant sur cette décision. L’existence de MI-SE, autrement dit d’étudiants-surveillants est non seulement décisive dans les établissements scolaires, mais elle est une des pièces maîtresse du droit aux études dans ce pays. Pour des centaines de milliers d’enfants de travailleurs, l’accès à un poste de MI-SE était la condition sine qua non de la poursuite d’études supérieures en bénéficiant d’un salaire. Ainsi la liquidation des MI-SE, de leur statut, c’est aussi la liquidation du droit aux études pour un nombre considérable de jeunes d’origine populaire.

Car c’est bien de la liquidation des MI-SE qu’il s’agit. 5600 suppressions de poste (sur 40000) cela signifie à quelques unités près aucun recrutement de surveillant nouveau pour remplacer ceux qui sont en fin de délégation . Le gouvernement combine l’extinction du corps des MI-SE avec la mise en place d’un nouveau type de personnel dans les établissements scolaires : des "emplois d’encadrement et surveillance de proximité" sous la coupe des collectivités territoriales. Il faut remarquer deux choses : d’abord les termes " encadrement et surveillance de proximité" ne sont pas neutres. Le gouvernement parle de "surveillance de proximité" comme il existe une "police de proximité". Il s’agit de substituer une fonction de police à une fonction éducative. Ensuite, ces nouveaux emplois seront mis sous la coupe des collectivités locales (département, région etc.). Les mesures gouvernementales constituent un tout remarquablement cohérent : les suppressions de postes au budget 2003 sont totalement articulées au le projet de loi de décentralisation.

.... ET LE PROGRAMME DE DÉCENTRALISATION-DÉMANTÈLEMENT DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC

Il est impossible de réduire massivement le nombre de fonctionnaires sans "redimensionner" l’Etat comme l’indique Marini. Cela signifie bien sûr la privatisation d’un nombre considérable de services jusque là assurés par les fonctionnaires. Ainsi, dans l’Education Nationale, outre les fonctions dévolues jusque là aux MI-SE, sont menacées comme dans d’autres secteurs par la privatisation les tâches d’entretien, de restauration, de blanchisserie etc. Mais cela signifie aussi la régionalisation de tout le système d’enseignement.

La pièce essentielle de l’offensive gouvernementale est la loi constitutionnelle de décentralisation à l’ordre du jour de la session d’automne de l’Assemblée Nationale. Raffarin dès juillet en avait précisé l’objectif :

"Cet ample mouvement de décentralisation permettra : un nouveau transfert de compétences au profit des collectivités qui sera accompagné de transfert des ressources correspondantes(....)une nouvelle distribution des rôles en repensant de manière innovante la relation Etat - région pour plus de cohérence et plus d’efficacité (...) un encouragement aux initiatives, à la démocratie locale, qui passe également par l’ouverture d’un droit à l’expérimentation." Depuis, les choses se sont précisées comme l’indique Le Monde du 8 septembre : "Le ministre a indiqué que chacun des membres du gouvernement avait déjà été invité à déterminer quels secteurs de son ministère étaient susceptibles d’être décentralisés. Le projet de loi constitutionnelle qui inscrira dans la loi fondamentale (...) ce droit à l’expérimentation(...) devrait être approuvé au conseil des ministres le 16 Octobre (...)La loi organique qui encadrera ces nouvelles dispositions constitutionnelles devrait être "prête vers le mois de Janvier".Les lois ordinaires qui organiseront les transferts de compétence, sont programmées pour le deuxième trimestre 2003." L’adoption d’une telle loi est bien loin de ne concerner que la Fonction Publique. Elle porte en germe la destruction de toutes les garanties nationales en matière de code du travail, de conventions collectives nationales, d’égalité en matière de droit à la Santé etc. Mais s’agissant de la Fonction Publique, elle ne signifie rien moins que la pulvérisation du statut national de la Fonction Publique au nom du "droit à l’expérimentation".

Les conséquences peuvent en être déclinées à tous les niveaux de l’enseignement public. Citons en quelques unes.

Depuis des mois les directeurs d’école défendent des revendications concernant le régime indemnitaire et les décharges liées aux tâches de plus en plus écrasantes liées à leur fonction. Darcos explique à l’Assemblée :

Le ministère "a de quoi verser les indemnités" mais "il souhaite par ailleurs entamer une réflexion sur le statut de directeurs d’école, doublée d’une réflexion sur le statut des écoles. "Nous voulons réfléchir à cette question à partir de la rentrée... Nous voulons associer l’AMF (association des Maires de France) à cette réflexion" De quoi s’agit-il ? Et pourquoi donc vouloir associer l’AMF ? L’objectif du gouvernement est limpide. Depuis des décennies, la bourgeoisie n’arrive pas à régler la question du statut des directeurs d’école, son dernier échec étant celui du projet des maîtres directeurs de Monory. Transformer le directeur d’école en fonctionnaire d’autorité - et non en simple collègue chargé de tâches d’administration et de fonctionnement -, mettre l’école sous la coupe du maire avec ce que cela implique de liquidation de l’indépendance des instituteurs dans l’exercice de leur fonction : voilà le but.

A propos du secondaire, Darcos déclare à l’Assemblée Nationale :

"Le transfert de compétences pour les collèges et les lycées vers les départements et les régions a été bénéfique au vu du parc actuel des établissements scolaires, elles peuvent être tentées d’assurer l’entretien. D’où leur idée de se voir confier la gestion des personnels qui assurent cet entretien." Et il ajoute : "Pour l’instant, cette idée n’est pas la nôtre". Pour l’instant.... Il est vrai que c’est la un très gros morceau qui implique purement et simplement la sortie de la fonction publique d’Etat des personnels TOS (techniciens et ouvriers de service). Darcos ne peut avancer dans cette voie qu’en s’étant assuré du soutien total des directions syndicales et en ayant d’abord liquidé les étudiants surveillants. Lui et le gouvernement y travaillent (voir plus loin). Enfin après les MI-SE et les TOS il sera temps de s’attaquer au statut des professeurs comme le dit Darcos dans son interview au Monde du 3 Septembre : "Les principaux textes qui régissent leur statut datent de 1950. Peut on citer un autre domaine d’activité qui ait eu autant à évoluer en cinquante ans ? Ce serait bien que nous osions ouvrir le dossier de la fonction enseignante."

Dans le secondaire, le démantèlement - décentralisation s’accompagne d’une offensive contre la gratuité de l’enseignement. Raffarin lui même - et pas seulement Ferry - a reçu les associations de parents d’élèves : la FCPE et la PEEP. La FCPE originellement liée à la FEN et au SNI et par là au mouvement ouvrier est aujourd’hui largement colonisée par la direction de la CFDT. S’agissant de la PEEP, elle n’est rien d’autre que la projection de l’UMP chez les parents d’élèves. Sur le perron de Matignon, la PEEP a tonné contre le scandale que représente selon elle... la gratuité des études secondaires ... "cette logique de la gratuité qui interdit de demander le moindre euro pour financer une activité pédagogique, quand certains parents dépensent des fortunes pour acheter des objets de marque.".

En même temps, la PEEP propose la généralisation du financement par les régions. C’est une transition vers la liquidation de l’obligation d’Etat de financer l’enseignement public.

Il n’en va pas autrement de l’université. L’entretien, la construction des universités sont aujourd’hui encore assurés par l’Etat. Raffarin propose d’en finir progressivement avec cette situation via l’"expérimentation locale". En même temps la Conférence des présidents d’université - d’ailleurs largement soutenue par la direction du SNESup - réclame pour les présidents d’université l’entière responsabilité de la gestion des personnels (nomination, choix du type d’emploi dans le cadre de l’autonomie de gestion).

Il ne fait aucun doute que l’adoption de la loi constitutionnelle de décentralisation prévue par le gouvernement Chirac signifierait une avancée décisive dans le démantèlement de l’Enseignement Public. Sur cette question comme sur celle du budget qui lui est liée, la responsabilité des directions syndicales est engagée.

UNE DÉCLARATION DE GUERRE AUX FONCTIONNAIRES

C’est une évidence. Dans une telle situation, la première responsabilité d’une organisation syndicale est d’abord de qualifier cette politique pour ce qu’elle est. C’est exactement l’inverse de ce que font les dirigeants syndicaux. Prenons un seul exemple, celui de la principale fédération de l’enseignement à savoir la FSU.

Le 12 Juillet Delavoye parlait au Conseil Supérieur de la Fonction Publique. Citons quelques extraits : "La réforme de l’Etat ne se résume pas au nombre de ses fonctionnaires, à son coût de fonctionnement ou à ses dépenses." Autrement dit, on ne peut réduire massivement les budgets qu’en régionalisant, liquidant les statuts, et privatiser un certain nombre de tâches. Ce qui est dit explicitement plus loin : "La réforme de l’Etat implique qu’il doit assumer pleinement les missions qui sont les siennes et abandonner celles pour lesquelles il est moins efficace et utile."

Delavoye donnait quelques précisions sur la dite réforme :

"L’interministérialité est une nécessité absolue : la diminution du nombre de corps, l’harmonisation du déroulement de carrières par famille de métiers, le décloisonnement de la gestion déconcentrée par une plus grande implication des préfets vont dans ce sens.". Delavoye sera d’ailleurs plus précis quelques jours plus tard en prônant une "déconcentration pour que les préfets aient la liberté et les moyens y compris financiers, de diriger et de gérer les effectifs de tous les agents de l’Etat dans les départements, et une délégation de pouvoirs par contrats au profit des organismes les plus à même de prouver leur efficacité." Privatisation, régionalisation, liquidation des statuts par la polyvalence y compris la polyvalence interministérielle (avec possibilité de redéploiement au plan départemental y compris d’un ministère à un autre) : c’est une déclaration de guerre aux fonctionnaires.

"LA VOLONTÉ DE DIALOGUE AFFICHÉ PAR LE MINISTRE
DE LA FONCTION PUBLIQUE PEUT RENCONTRER CELLE DES AGENTS"

Telle est la réponse que fait la direction de la FSU dans un communiqué daté du 28 août (c’est d’ailleurs, avec quelques variations la réponse de tous les dirigeants).

"Nous avons pu nous féliciter de la réaffirmation par le ministre de sa volonté de dialogue social sans a priori y compris sur les questions difficiles ; de son attachement aux services publics et à leur rôle." .... "La FSU a également pris acte de l’affirmation que la question de la décentralisation serait traitée sans a priori et à travers la concertation." et de conclure "La volonté de dialogue affichée par le ministre de la Fonction Publique peut rencontrer celle des agents des services publics à condition que soient faits les gestes indispensables et que soient écartée dans les faits toute tentation de décisions unilatérales a priori." On ne pouvait guère aller plus loin dans la servilité à l’égard du gouvernement.

En la matière l’orientation suivie avait été donnée par L’Humanité. Dans son édition du 10 Juillet, on y lisait un article sous la plume d’Alain Hayot, responsable PCF pour l’enseignement supérieur, qui se présentait comme une "interpellation" à Ferry dont le titre est tout un programme : "Vous manquez d’ambition monsieur Ferry !". Voilà ce qu’on peut notamment y lire :

"Vous considérez que la professionnalisation est une grande affaire : vous avez raison mais cela ne saurait se limiter comme vous semblez le penser aux BTS..". "Sur le statut des établissements supérieurs, vous prônez à juste titre plus d’autonomie dans le cadre du service public, mais les universités sont aujourd’hui sous-administrées et souffrent également d’une insuffisance criante de démocratie qui écarte aujourd’hui les les étudiants et les personnels de leur gestion. Vous évoquez à ce propos la déconcentration des moyens de l’Etat en ne faisant référence à la décentralisation qu’en terme de "guichet". C’est pourtant d’un véritable partenariat entre l’Etat et les régions dont les universités ont besoin..." Les annonces du gouvernement en matière budgétaire devaient contraindre les directions syndicales à changer de ton. Changer de ton, certes, mais pas d’orientation.

Certes, on peut trouver, au détour du communiqué de presse du 2 septembre de la direction du SNES, l’idée que les "orientations du gouvernement sont catastrophiques", mais c’est pour demander immédiatement après qu’"elles soient revues avant les décisions définitives du 25 septembre". Or, laisser croire que le gouvernement Raffarin pourrait "revoir sa copie" et adopter une orientation conforme aux intérêts des jeunes et respectant les garanties du corps enseignant, c’est tromper les personnels. C’est surtout justifier la politique du "dialogue social" qui vise plus que jamais à obtenir la collaboration des directions syndicales pour les mesures gouvernementales.

C’est ce que confirme la déclaration commune FSU, UNSA, CFDT, CGT du 11 Septembre qu’il faut citer en entier :

"Monsieur le Premier Ministre,

Vous vous êtes engagé fortement à ce que votre gouvernement pratique le dialogue social. Force est de constater que ce dialogue n’existe pas dans l’Education et la Recherche.

Les arbitrages budgétaires ont été rendus a priori sans qu’il y ait pu avoir la moindre discussion sur les missions et les besoins du système éducatif et de la recherche publique.

Les engagements de l’Etat ont été abandonnés, qu’il s’agisse des plans pluriannuels de création d’emplois ou de la résorption de la précarité.

Les choix budgétaires actuellement connus consacrent l’abandon de la priorité à l’éducation. Ils empêchent toute amélioration durable du système éducatif et sont contradictoires avec le besoin largement exprimé d’une consolidation du lien social et d’un meilleur encadrement des jeunes par l’ensemble des personnels (MI-SE, personnels d’éducation, IATOSS, Aides Educateurs…). Ils sont de nature à compromettre les recrutements nécessaires pour faire face aux départs en retraite prévisibles.

La baisse annoncée du budget de la recherche publique va à l’encontre même des engagements du Président de la République.

Le processus de décentralisation que vous avez annoncé nous semble avancer sans que soit fait un bilan de l’existant ni mené le débat sur ses conséquences pour le service public d’éducation, ses missions et ses personnels. Un processus d’une telle importance ne peut se mener ni en catimini ni à marche forcée.

Les fédérations soussignées en appellent solennellement à vous pour que d’autres choix budgétaires soient faits dans l’intérêt des jeunes et pour qu’enfin un véritable débat dans la transparence soit engagé pour améliorer, transformer et démocratiser le système éducatif.

Nous espérons que le Conseil des Ministres du 25 septembre permettra d’apporter des premières réponses positives en matière budgétaire. Les fédérations se réuniront le jour même pour apprécier vos décisions et prendront leurs responsabilités en conséquence.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux."

Ainsi, les dirigeants syndicaux commencent par se réclamer des engagements gouvernementaux au "dialogue social". Mieux même, c’est au nom des "engagements du président de la République" que les dirigeants se prononcent pour"d’autres choix budgétaires" pour lesquels ils s’en remettent totalement au Conseil des ministres . Mieux même, les dirigeants n’ont rien à redire à la loi sur la décentralisation sinon qu’il faut qu’elle soit précédée d’un bilan de l’existant et qu’elle ne soit pas engagée "à marche forcée" . C’est un euphémisme de dire que cette lettre à Raffarin n’est pas une déclaration de guerre.

Bien entendu, une telle politique de soumission n’est nullement contradictoire avec les journées d’action disloquées, les "actions" catégorie par catégorie etc. Ainsi le Conseil National du SNES a décidé d’appeler le 24 septembre à la grève... des MI-SE. Comme si l’offensive du gouvernement pour liquider les étudiants surveillants n’était pas le premier acte de l’offensive contre tous les statuts. Comme si la défense des MI-SE n’était pas un enjeu décisif pour toute la profession !

FRONT UNIQUE CONTRE LE BUDGET 2003, CONTRE LA LOI DE DÉCENTRALISATION!

L’intérêt du corps enseignant, la défense de l’enseignement public exige que soient définis les mots d’ordre sur lesquels doit d’organiser la résistance face au gouvernement Chirac.

Contre les milliers de suppressions de poste programmés par le gouvernement, le mot d’ordre qui unifie tous les enseignants et par delà tous les fonctionnaires est simple : aucune suppression de poste, maintien de la totalité des postes d’étudiants surveillants ! Remplacement poste par poste de tous les départs à la retraite. Mais bien entendu, ce mot d’ordre en contient immédiatement un autre : à bas le budget 2003 !

Face à la loi de décentralisation qui vise à passer à la moulinette les statuts, à organiser la polyvalence et la déqualification des fonctionnaires : maintien de tous les fonctionnaires d’Etat et en particulier de tous les corps de l’Education Nationale dans la Fonction Publique d’Etat !Défense inconditionnelle du statut de MI-SE et de tous les statuts ! Défense des corps de fonctionnaire ! Rejet de toute mobilité interministérielle ! Cela signifie immédiatement : à bas la loi de décentralisation !

Il faut le constater : les dirigeants syndicaux tournent le dos à ces exigences. Ils demandent non pas le remplacement poste par poste de tous les départs en retraite mais le maintien du "plan pluriannuel"de Lang. Ils demandent non pas le rejet de la "décentralisation – démantèlement" mais sa négociation.

Ils s’apprêtent non pas à combattre le gouvernement Chirac, mais à continuer le "dialogue social" pour la mise en œuvre de sa politique. De ce point de vue la première exigence à leur adresser est la suivante : rompez le dialogue social ! Aucune négociation de la mise en œuvre de la politique du gouvernement !

Voilà ce que les enseignants et personnels devront imposer aux dirigeants. A partir de là se posera inévitablement, la question de l’appel des fédérations syndicales à la manifestation centrale de l’ensemble des fonctionnaires à l’Assemblée Nationale, contre le budget, contre la loi d décentralisation !

Une telle orientation devra être imposée aux dirigeants des fédérations et syndicats de l’enseignement par les personnels. Ce combat permet de surmonter le désarroi issu de la défaite du printemps dernier, défaite dont la responsabilité appartient entièrement aux dirigeants du PS, du PCF, des syndicats qui ont appelé à voter Chirac. Il ne fait pourtant aucun doute que par les méthodes de la lutte des classes les enseignants, comme l’ensemble du prolétariat cherchera les voies du combat. Définir aujourd’hui les mots d’ordre sur lesquels ce combat doit s’ordonner, c’est préparer l’avènement d’une situation où pourra être infligée à ce gouvernement une défaite politique majeure.

Le 13 septembre 2002


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