SOMMAIRE
CPS N° 91                                                                                              5 OCTOBRE 2002


S’ORGANISER POUR LE

FRONT UNIQUE CONTRE CHIRAC ET SON GOUVERNEMENT :

Cinq mois les élections présidentielles qui avait été qualifiées de " séisme " politique, quelle est la situation politique en France ? Et dans quelle mesure, le terme de "séisme " était-il approprié ? Répondre à ces questions implique de rappeler que le "séisme " qui s’est produit le 21 avril ne résidait pas tant dans la " menace du FN ", ou " du fascisme "que dans le fait que le candidat du PS était éliminé dès le soir du premier tour des élections présidentielles. Pour la première fois depuis près de trois décennies, la classe ouvrière, en l’absence de tout candidat d’un parti ouvrier pour le deuxième tour, se voyait privée de toute expression politique à l’occasion d’une élection nationale. Alors qu’il n’avait rassemblé que 19% des suffrages exprimés au premier tour des élections présidentielles, Chirac était réélu avec plus de 82% des exprimés et ce, grâce à appel des dirigeants des organisations ouvrières à un vote plébiscitaire. Ce vote plébiscitaire remet sur pied de la Vème République et permet à Chirac d’espérer réaliser les objectifs fondamentaux du régime fondé par de Gaulle : " gouverner au-dessus des partis ", avancer vers la dislocation des organisations ouvrières. Et c’est parce que les élections législatives qui ont suivi ont été cadrées par ce qui s’était passé à l’occasion des présidentielles, que le résultat de ces législatives n’a pu qu’amplifier le caractère de la défaite ouvrière. Depuis, la rapidité et l’efficacité de l’offensive contre les libertés démocratiques, contre le prolétariat et la jeunesse confirme le caractère ultra-réactionnaire de ce régime.
 

CHIRAC CONCENTRE TOUS LES POUVOIRS

Le gouvernement de Chirac a pour mission de recentrer État sur ses missions régaliennes, " libérer les initiatives "

Raffarin applique le programme défini par Chirac au compte du capital : " libérer l’économie de ses entraves " pour reprendre les termes de Balladur, c’est à dire liquider tous les textes qui limitent l’exploitation des salariés (le capital doit jouir d’une totale liberté, y compris celle de licencier et d’embaucher à son grés). En réalité, c’est un gouvernement " musclé " que Chirac a mis en place pour "  remettre la France dans le bon sens ". La composition de ce gouvernement correspond aux exigences du Medef. D’après Libération, Sarkozy est présenté en France et à l’étranger comme " l’homme de force du gouvernement ",voire " Monsieur matraque ", selon un grand quotidien de Londres. En quelques semaines, cet " homme phare du gouvernement ", selon Henry Morin président du groupe UDF à l’Assemblée, s’est imposé, non seulement au ministère de l’intérieur, mais sur des dossiers relevant d’autres ministères (sans papiers, …) Francis Mer, ministre de l’économie a à son actif le licenciement de 70 000 sidérurgistes ; il va aujourd’hui s’attaquer à la diminution des effectifs de la Fonction publique corrélativement à la mise en cause des garanties statutaires des fonctionnaires.

Le caractère godillot de la majorité chiraquienne élue à l’Assemblée nationale s’est parfaitement illustré lors de la session extraordinaire du Parlement cet été. Disposant d’une Assemblée totalement soumise, Chirac a pu, au pas de charge, en moins de 48 heures, faire adopter la loi Perben, comme les autres " engagement" de sa campagne électorale.

RENFORCEMENT DU CARACTÈRE POLICIER DU RÉGIME

L’installation du Conseil de sécurité intérieure, présidé par le chef de État lui-même, est une des premières décision de ce gouvernement. De même, furent mis en place des conseils départementaux et locaux de la sécurité intérieure. Puis, la loi Sarkozy de programmation et d’orientation a été présentée au conseil des ministres le 10 juillet. Cette loi a été applaudie par les syndicats de policiers : 5,6 milliard d’euros ont été débloqués sur cinq ans et 13 500 nouveaux emplois créés (7 000 gendarmes et 6 500 policiers). Cette loi, ainsi que toutes les mesures prises par Sarkozy depuis le 8 mai, met en œuvre le programme annoncé par Chirac : " restaurer l’autorité de État ". La mise en place d’une série de mesures relevant d’un véritable État policier est une offensive en règle contre les libertés démocratiques.

En deux mois ont été organisées des " équipes mixtes de policiers, gendarmes, agents du fisc et de l’URSAF " et 22 groupes d’intervention régionaux (GIR). Libération fait état d’" arrestations et d’incarcérations à tour de bras ". La loi Sarkozy autorise le ministère de l’intérieur à définir de " nouvelles infractions ". La loi autorise la multiplication des caméras, fichiers, écoutes… Le texte prévoit que l’ouverture d’une enquête judiciaire permet l’accès direct aux fichiers informatiques des administrations, des établissements financiers, des opérateurs téléphoniques et la saisie à distance " des renseignements qui paraîtront nécessaires à la manifestation de la vérité ".

Au nom de la " tolérance zéro ", les opérations coup de poing dans les banlieues, les contrôles policiers dans la rue se sont multipliées. Dans le même temps, Chirac a choisi les membres de la commission qui définira les conditions dans lesquelles le président pourra éventuellement être mis en cause !…

La loi Perben sur la justice est accompagnée d’une manne financière : 3,65 milliards d’euros sur cinq ans pour les dépenses ordinaires et 1,75 milliards d’euros pour les autorisations de programmes. C’est selon Raffarin lui-même est un " projet sans précédent ". Ces crédits doivent servir à la construction de prisons et à l’installation de " juges de proximité ". La loi Maihainerie de 1995 avait créé ces mêmes " juges de proximité " ; selon Libération, ils n’ont pu être mis en place " faute de candidats, en raison des exigences de formation, de contraintes d’audience, de la faible rémunération, de la charge de travail ". La défaite de Chirac en 1997 ne fut pas pour rien dans cet abandon. La manne qui vient d’être votée par la majorité UMP (avec l’abstention du PS) va financer le recrutement de 3 300 " juges ", qualifiés par le syndicat de la magistrature de " sortes de shérifs soumis à la pression des autorités ".

La loi Perben met en cause l’ordonnance de 1945 sur les mineurs. Elle permet le retour à la détention provisoire pour les 13 à 16 ans. En décidant de supprimer les allocations familiales aux parents de mineurs emprisonnés, la loi rend les parents coupables des difficultés sociales de la jeunesse. Or, c’est la crise du capitalisme qui voue la jeunesse à la déchéance en ne lui offrant de plus en plus, comme seul avenir, que le chômage et les " petits boulots ". Le gouvernement Chirac prend modèle sur l’ordre moral et policier de Napoléon III : en 1853, le préfet de police de Paris prenait une ordonnance " concernant la surveillance des enfants par leurs familles ", menaçant de sanctionner les parents négligents qui laissent leurs enfants " courir et se réunir sur la place publique ".

Enfin, au nom de la " simplification de la procédure pénale ", la détention provisoire est prolongée et la procédure de comparution immédiate est étendue aux délits punis de 6 mois à 10 ans de prison. Cela permettra d’infliger jusqu’à 20 ans de prison (en cas de récidive) sur la seule base d’un dossier de police !

Pire, la loi étend de manière très large le recours jusque là exceptionnel aux témoignages anonymes, c’est à dire à la délation, ce qui, pour nombre de juristes, signifie le retour à un usage de l'

C’est ainsi qu’en moins de cent jours ont été mis en place les premiers éléments renforçant des forces répressives de l’État. Celles-ci seront utilisées contre le prolétariat et la jeunesse.

OFFENSIVE CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE ET LA JEUNESSE.

Le programme de Chirac et du Medef, c’est d’avancer à grands pas dans la liquidation des acquis essentiels du prolétariat pour opérer une nouvelle baisse de la valeur de la force de travail et mettre à disposition du patronat une main d’œuvre docile. Vont dans ce sens la non revalorisation du SMIC (au delà des 2,4% réglementaires), l’adoption par le Parlement du " contrat-jeune " permettant au patronat d’embaucher 250 000 jeunes avec une exonération totale des " charges patronales " (500 milliards d’euros).  Ce dispositif a été applaudi par le Medef. Le collectif budgétaire voté au Parlement inclut 5% de baisse d’impôts sur les revenus. La diminution des impôts va de pair avec la volonté de " ramener État à ses fonctions régaliennes " (police, justice, armée ).

Le Journal du dimanche du 11 août a rapporté l’appréciation que le premier ministre porte sur le travail des cent premiers jours :

" Il salue la " performance politique " qui a aboutit au vote de textes aussi lourds en si peu de temps. Ce gouvernement est né de l’émergence d’un rempart contre l’extrémisme [...]Conforté par l’accueil plutôt positif " qu’ont reçu les lois Sarkozy et Perben, y compris dans leurs dispositions les plus controversées, comme le confirme le sondage Ifops-JDD, JPR affiche l’assurance détachée des bons élèves ". Raffarin a renchéri: "Je suis né politiquement au mois de mai; je suis un fils du 1er mai et du 5 mai".

Par le vote des lois Sarkozy et Perben, qui vont dans le sens du programme de Le Pen, il s’agit d’affirme le caractère policier et réactionnaire de ce régime ; ces lois concrétisent à l’évidence le tournant politique (par rapport aux vingt dernières années d’existence de la Vème République) que constitue le résultat du 21 avril (élimination du candidat du PS) et l’appel des organisations ouvrières à voter Chirac. La mise en question des libertés ouvrières (liberté de la presse, de réunion, d’organisation, droit de grève…) chèrement conquises par le prolétariat, est au centre de cette offensive. Ainsi, durant l’été, la multiplication des contrôles policiers est allée de pair avec, par exemple, le licenciement de trois agents de France Télécom qui ont osé défendre leur statut de fonctionnaire ou la condamnation à la prison ferme d’un responsable CGT des hôpitaux …

Ce dispositif est d’autant plus nécessaire que, sur fond d’une crise économique et financière qui se développe depuis 18 mois à l’échelle mondiale, la concurrence entre puissances impérialistes s’exacerbe (tant au sein de l’Union Européenne qu’avec le reste du monde) et que se multiplient les plans de licenciements.

POUR CHIRAC : REPRENDRE LES OBJECTIFS DE 1997, MAIS PAS SEULEMENT.

Afin de répondre aux exigences du patronat, Chirac reprend les objectifs qui étaient les siens lorsqu’il a dissout, au printemps 1997, l’Assemblée nationale. Parmi ces objectifs, il y avit la " réforme de l’Etat ". Dans un ouvrage publié en 2000, Balladur reformule le même objectif : " simplifier la carte administrative ". Il s’agit en fait, de réaliser ce que voulait faire de Gaulle en 1969 : transférer aux collectivités locales des compétences réglementaires et législatives, " simplifier le droit ". En réalité : liquider les acquis arrachés par le prolétariat et codifiés dans les lois nationales. Le patronat veut par exemple d’en finir avec la législation sur les accidents du travail. En appliquant aux accidents du travail les règles des accidents privés, le patronat serait totalement libéré de toute responsabilité ; les salariés seraient responsables des accidents dont ils seraient victimes et ils devraient faire appel à des assurances privées.

Mais, le gouvernement garde en mémoire la mobilisation de novembre-décembre 1995 contre le plan Juppé. Pour éviter toute mobilisation contre le gouvernement, Chirac s’appuie sur " le dialogue social " afin d’associer les dirigeants syndicaux à l’élaboration et à la mise en oeuvre des plans de liquidation des acquis ouvriers

Ainsi, durant l’été, le ministre Fillon annonçait qu’il présenterait à l’Assemblée un " plan d’action global " : nouvelle baisse considérable des charges (c’est à dire des cotisations sociales), " assouplissement " des lois Aubry (extension de la flexibilité), nouvelle offensive contre le SMIC (sous couvert d’harmonisation)... Fin août, début septembre, le ministre multipliait les entrevues avec les dirigeants syndicaux. Ces entretiens, selon FO hebdo " ont présidé à l’élaboration du projet de loi " relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi " ; le 6 septembre, un mois avant le début de la session parlementaire, Fillon présentait son projet devant la Commission nationale de la négociation collective.

Le gouvernement a décidé de préserver la loi des " 35 heures ", conformément au souhait du patronat. Sellière a indiqué qu’il " ne revendiquait pas l’abrogation des 35 heures ", car les lois Aubry " ont permis de réels gains de productivité et un quasi gel des salaires "! En effet, la loi Aubry a détruit la définition hebdomadaire du temps de travail : la durée du travail est de 1600 heures annuelles, les " 35 heures " ne sont qu’une " moyenne sur l’année ". La loi fixe à 130 heures le contingent annuel d’heures supplémentaires ; la première heure supplémentaire est donc la 1601ème ( et non plus la 40ème heure de la semaine : en faisant varier l’amplitude hebdomadaire de zéro à 44 heures, un grand nombre d’heures supplémentaires n’ont plus de paiement majoré) ; toute heure supplémentaire donne droit à un paiement majoré et à un repos compensateur. La loi Aubry prévoit de plus que les modalités de paiement ou de récupération des heures supplémentaires (ainsi que les modalités d’organisation du temps de travail) puissent être définies par accord de branche ou d’entreprise.

Le gouvernement décide donc d’agraver la loi Aubry. Il relève pour 18 mois, par décret le contingent des heures supplémentaires de 130 à 180 heures par an et par salarié. Ce décret " provisoire " sera revu " au vu d’un bilan des négociations de branche et compte-tenu des besoins de chaque secteur " Le projet de loi Fillon renvoie aux négociations de branches le soin de fixer le taux de majoration des heures supplémentaires " (qui ne pourra être inférieure à 10%). Il s’agit donc d’aller plus loin dans la liquidation de tout cadre national pour définir le temps de travail. De plus, Fillon propose que les entreprises de moins de 20 salariés soient exonérées d’accorder des repos compensateurs. Il entend enfin supprimer la référence à la moyenne des 35 heures sur l’année, conservant les seules 1600 heures annuelles (les négociations de branche " pourront fixer des plafonds inférieurs "). Le projet de loi prévoit l’extension pour les cadres du recours au forfait journalier, la possibilité de " monétarisation " et d’extension de l’utilisation du compte-épargne-temps. Cet " assouplissement " étend  la flexibilité du travail, augmente le nombre d’heures supplémentaires tout en diminuant leur coût.

VERS LA LIQUIDATION DU SMIC

Cette " grande loi sociétale " qui sera présentée à l’Assemblée doit aussi, sous couvert de " réunification ", poser de nouveaux jalons pour la liquidation du SMIC. La mise en place de la loi Aubry a conduit a la création de six SMIC ( de 1 100 à 1 154 euros mensuel, plus un SMIC horaire). L’augmentation différenciée (de 1,6% à 0%) et étalée jusqu’en 2005 non seulement avalise la diminution antérieure, mais selon Le Peuple, elle " gèle le SMIC à son niveau de 2002 " et conduit en fait à une nouvelle baisse du pouvoir d’achat. Le plus important est que le projet de loi prévoit de supprimer la référence au salaire de base de l’ouvrier, ce qui représente actuellement près de 40% du taux d’augmentation du SMIC. " Rien ne garantit que le nouveau système ne pèsera pas sur les fondements du SMIC " indique FO hebdo, ce qui est une manière de présenter de façon très adoucie la marche à la disparition du SMIC réclamée par le MEDEF. En effet, ce qui empêche aujourd’hui une vraie politique des bas salaires, c’est, qu’en dépit des mises en causes du SMIC la référence au salaire moyen est maintenue. Dans la métallurgie (comme dans nombre de branches, y compris la Fonction publique) les plus bas indices des grilles indiciaires correspondent à un salaire inférieur au SMIC. L’existence du SMIC (sur la base actuelle) contraint les patrons à payer ces salariés au SMIC ; cette modification de la définition du SMIC conduit à la demande du Medef : le transformer en une simple  " référence ". Ce chapitre du projet de loi Fillon a lui aussi été préparé par " le dialogue social " : les dirigeants confédéraux ont activement participé à l’élaboration du rapport du Conseil économique et social sur la " réforme " du SMIC.

Quant au titre III de la loi, il amplifie l’allègement des " charges sociales " (de 15 milliards d’euros en 2002 à 21 milliards en 2005) : autant de milliards de " salaire différé " transformés en plus-value pour les patrons.

Cette loi répond aux revendications du Medef de " remettre le " dialogue social " à sa vraie place, c’est à dire au sein de l’établissement, dans l’entreprise " ; elle permet d’avancer dans l’atomisation la classe ouvrière, par la liquidation de ses conquêtes sociales (sécurité sociale, conventions et statuts nationaux, salaire minimum...) et la mise en cause des fédérations et syndicats nationaux, des Unions départementales au profit des " syndicats de site ", des " syndicats maison ". En mai 2000, le journal de l’IUMM Actualités formulait ainsi les revendications du patronat de la métallurgie :

" L’ordre social public a reposé jusqu’ici sur une combinaison de la loi et de la négociation. Ces deux composantes de la régulation sociale sont ordonnées selon la hiérarchie suivante : 1.La loi 2.La convention 3.L’accord de branche 4.L’accord d’entreprise 5.L’accord d’établissement. Cette hiérarchie impose que la norme dite " de rang inférieur " ne puisse déroger à la norme de " rang supérieur " (...) Il est temps de reconsidérer ces dispositions (...) de sorte que l’accord d’entreprise, qui doit être le pivot de la négociation sociale, ne soit pas obligé de reprendre les accords conclus à un autre niveau " Le projet de loi Fillon permet de déroger à la loi : la négociation de branche peut fixer le contingent d’heures supplémentaires et le taux de majoration (à un prix inférieur au taux légal : 10% au lieu de 25%), le compte-épargne temps, le régime des cadres ; il vide le SMIC de son contenu et sous couvert d’harmonisation, prépare sa liquidation totale. Fillon lui-même en mesure la portée politique : " Le fil rouge de ce projet, c’est la méthode singulière qui y préside ; c’est sa philosophie qui, contrairement à celle en vigueur par le passé, vise à mettre les partenaires sociaux en situation de responsabilité ".

LE BUDGET DE LA " DÉCENTRALISATION ".

Le projet de budget résume la politique du gouvernement. Ainsi le ministère de l’intérieur voit ses crédits augmenter de 20,8%, la justice de 7,5%, la défense de 6,11%, les affaires étrangères de 13,99%... Pour les autres, les suppressions de postes annoncées se multiplient (1 385 postes aux Finances, 5 600 postes de surveillants dans l’Enseignement public...), ainsi que les diminutions de crédits (aux ministères de la Culture, de la Recherche, du Travail, de l’Aménagement du territoire....)

Ce faisant, le gouvernement de Chirac répond à la demande de Seillière qui considère que le nombre de fonctionnaires est " atterrant et scandaleux " et demande non seulement de " réduire les postes, mais de redéfinir les missions, les procédures, les institutions, les périmètres ", bref de " réformer l’Etat ".

Plus encore : la loi de finance est totalement articulée à la réforme constitutionnelle préparée par le gouvernement, car la décentralisation est au coeur du programme de ce gouvernement réactionnaire: " confier aux régions un pouvoir règlementaire ", garantir leur autonomie fiscale. Sarkozy doit présenter le budget au conseil des ministres du 25 septembre après que Raffarin ait présenté la politique de décentralisation le 18 septembre; la discussion sur la loi de finance commencera en octobre à l’Assemblée nationale ; le 16 octobre, le projet de loi constitutionnelle sera présenté en conseil des ministres ; il commencera à être examinée le 29 octobre par le Sénat. Fin 2002, la loi de finance sera définitivement adoptée ; la loi révisant la constitution sera adoptée par le Parlement réuni en congrès ou peut-être par référendum en janvier.

Le gouvernement cherche ainsi à profiter, dans les délais les plus brefs, de " l ’acquis " que constitue pour lui la défaite subie par le prolétariat et la jeunesse en avril-mai dernier. En janvier 2003, sera ensuite présentée une loi organique sur la décentralisation qui précisera la loi constitutionnelle ; au deuxième trimestre, des lois ordinaires organiseront les transferts de compétences aux collectivités territoriales dans le cadre des " expérimentations ". Pour " certaines matières ", le transfert sera pur et simple, sans expérimentation. Durant toute cette période, à l’échelle nationale et dans les régions, se multiplieront les " concertations " associant les dirigeants syndicaux ainsi que le PS et le PCF à la discussion sur la mise en oeuvre concrète de la " réforme de l’Etat " . Ainsi, les propos tenus par le ministre de la Fonction publique le 16 septembre montrent le lien étroit entre la loi de finance et la loi de décentralisation :

" La réduction des effectifs [pour 2003] n’est pas une punition, mais la conséquence de l’adaptation de la gestion à l’évolution des missions de l’Etat ".
UNE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE DE GRANDE IMPORTANCE.

Quel est donc l’enjeu de cette réforme ? L’article 72 de la constitution sera modifié : bien que la région bénéficiait, depuis la loi du 2 mars 1982, d’un statut de collectivité, elle ne figurait pas dans la liste des " collectivités territoriales " (titre XI de la constitution ). Le premier alinéa de l’article 72 devrait être ainsi réécrit: " Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions et les collectivités d’outre-mer ". Le troisième alinéa précise que " les collectivités territoriales peuvent, pour l’exercice de leurs compétences, être autorisées à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives ou règlementaires, dans les conditions et sous les réserves prévues par les lois organiques ".Les collectivités, " par voie du référendum local ", pourraient faire avaliser la " dérèglementation ".

Le 6 septembre à Strasbourg, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales comparait " le droit à l’expérimentation " pour les collectivités territoriales (de même que le référendum local) à un " microprocesseur ". Par cette image, le ministre semble avoir voulu indiquer qu’il s’agissait-là d’un outil efficace et discret pour disloquer les acquis nationaux arrachés par le prolétariat.

DEUX EXEMPLES

Le 26 juillet, le ministre de la santé Mattéi précisait son intention de créer des " Agences régionales de santé ". Ces ARS seraient " confiées aux conseils régionaux dès lors qu’ils seraient dotés de compétences nouvelles à la faveur du projet de loi sur la décentralisation ". Cela conduit à la " structuration du régime général sur le territoire régional ", c’est à dire à l’éclatement du cadre national de l’assurance maladie. Celle-ci, tout comme les hôpitaux dépendront des Agences régionales de santé (ARS), les actuelles agences régionales hospitalières étant transformées en ARS. Ceci conduit, à terme, à la privatisation de la Sécurité sociale et donnera un élan considérable aux " restructurations hospitalières ", c’est à dire à la privatisation de tout le système de l’hospitalisation publique. En s’appuyant sur la flexibilité imposée par l’ARTT, la liquidation de l’ordonnance de 1982 et le manque criant de personnel, il faut accélérer le " décloisonnement des tâches au sein de l’hôpital ", c’est à dire la mobilité des personnels ; il faut opérer le " décloisonnement entre hospitalisation publique et privée " : privatisation, transfert des malades sur les cliniques, alignement des salaires du public sur le privé…

" Tout ce qui est gratuit est gaspillé " a indiqué Mattéi. C’est ainsi, qu’il a annoncé la création de " Maisons médicales " se substituant aux services des " urgences ", au SAMU : dans ces " maison ", implantées à l’intérieur même des murs des hôpitaux publics, les malades seraient pris en charge par des médecins de ville ( secteur privé) ; les consultations, les médicaments seraient payants ; ces médecins décideraient d’orienter ou non les patients vers l’hôpital. Quant à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), elle serait disloquée, le régime général serait " restructuré sur le territoire régional ". Selon un audit présenté à la mi mai : " il faut considérer l’assuré comme un client, développer une approche de marketing" ; les caisses doivent devenir " des entreprises de services centrées sur la satisfaction de leurs clients " ; nombre de centre de paiement vont fermer (on passerait de 129 caisses à 16). Il faut, dans le même temps en finir avec " la contrainte " que constitue " la convention collective nationale du personnel ". Pour se lancer dans les " expérimentations ", les régions d’Alsace, de Normandie sont déjà candidates.

Dans son discours du 2 septembre, le ministre Luc Ferry annonçait : " Deux chantiers s’ouvrent devant nous : celui de la décentralisation auquel l’Education nationale devra prendre toute sa part et celui des nouveaux modes de pilotage que va induire l’application de la loi organique relative aux lois de finances votées de manière largement consensuelle au Parlement. " La décentralisation est un élément clé de ce programme : " confier aux régions un pouvoir règlementaire ", garantir leur autonomie fiscale. Le 2 septembre, le ministre poursuivait : " Le mode de pilotage traditionnel fondé sur la production de normes et la répartition des moyens est désormais en partie inopérant ". Les Académies et rectorats seraient ainsi remplacées par des " agences régionales de formation " au service des " bassins d’emploi " c’est à dire du patronat local. Et de préciser : " La notion même de programme qui permit longtemps aux professeurs de s’adosser à une norme qui assurait une référence à leur enseignement, une assise à leur autorité, demande elle-même à être repensée ".

La Lorraine est d’ores et déjà candidate pour expérimenter la régionalisation de l’Éducation. Le Républicain Lorrain annonce que parmi les propositions, on trouve celle de " transformer le rectorat de Nancy-Metz en un établissement public géré par les collectivités et l’État. Le recteur aurait de facto des comptes à rendre aux élus. " Les affirmations de Raffarin sur le maintien du statut national des personnels (en particulier des enseignants) n’ont bien entendu aucune valeurs : tous les personnels seront à terme soumis aux pouvoirs locaux, à des programmes " repensés " selon les besoins du patronat local. Avancer dans la liquidation des garanties statutaires, tel est le sens des propositions de Ferry " d’engager une réflexion sur l’avenir du métier d’enseignant et de définir les évolutions qui semblent souhaitables : nous n’auront pas nécessairement à remplacer à l’identique ". De même que la convention nationale des personnels de la CNAMTS est " une contrainte " à faire sauter, le statut national des enseignants (et celui des autres personnels) est un obstacle à la dislocation du cadre national des programmes, des diplômes, de tout l’Enseignement Public (voir l’article spécifique dans ce numéro).

VERS L’ASSOCIATION CAPITAL-TRAVAIL.

La crise du régime capitaliste s’accentue. L’impérialisme américain a développé depuis un an une violente offensive contre son propre prolétariat, contre les libertés démocratiques : le gouvernement de Bush menace d’invoquer la loi Taft-Hartley pour briser la résistance des dockers de la côte ouest qui veulent, par la grève, défendre leur convention collective. C’est au nom de la " lutte contre le terrorisme ", pour " la sécurité nationale ", que le gouvernement Bush veut maintenir " l’ordre social ". En Italie le gouvernement Berlusconi, en France, le gouvernement de Chirac-Sarkozy cherchent par les mêmes méthodes à imposer coûte que coûte une baisse de la valeur de la force de travail.

Vis à vis des États-Unis, de l’Allemagne, la bourgeoisie française est en position de faiblesse. Il lui faut donc avancer rapidement dans la mise en oeuvre du programme de Chirac. Le vote plébiscitaire pour Chirac du 5 mai, suivi de l’élection d’une majorité écrasante UMP a eu pour résultat de remettre sur pieds la Vème République : Chirac concentre tous les pouvoirs. Il peut envisager de réaliser les objectifs nécessaires à la bourgeoisie. L’un des principaux est d’associer le plus étroitement possible les syndicats ouvriers au capital.

Rappelons que l’objectif que se fixait, dès sa mise en place, la Vème République, c’était d’établir le corporatisme. La doctrine de de Gaulle ne date d’ailleurs pas de 1958. Aux première assises du RPF (Rasemblement du peuple français), en 1943, à Marseille, le parti gaulliste se dresse " contre la notion de lutte des classes singulièrement dépassée ".Les assises de 1948 proclamaient que

" La première tache des groupes d’entreprise est d’unir TOUS LES ÉLÉMENTS de la profession à quelque échelon de la hiérarchie professionnelle qu’ils soient, pour que tous, agents de maîtrise, ouvriers, employés, éléments de la direction participent ensembles à l’action commune " Cette forme d’ " association capital-travail " s’accompagnait bien sûr d’un " nouveau type de syndicalisme " : " Au syndicalisme revendicatif, doit succéder un syndicalisme de responsabilité, au syndicalisme d’opposition, un syndicalisme de coopération et d’association. Ce syndicalisme ne doit pas être seulement revendicatif, il doit être un rouage essentiel de notre économie ; je veux dire par là que les syndicats ouvriers doivent participer à la vie économique et être placés sur le même pied que les groupements patronaux pour fixer l’orientation de la branche d’industrie qui les intéresse ". Mais compte-tenu du rapport entre les classes, la Vème République était dès le départ, un régime bonapartiste bâtard. La différence avec les Etats corporatistes est fondamentale : les organisations syndicales ne sont pas interdites. Ce système tient compte du fait qu’on ne peut intégrer à froid les organisations ouvrières. Il faut par le biais de la participation, amener les syndicats à collaborer toujours plus afin de créer les conditions permettant d’infliger une défaite majeure à la classe ouvrière. La réforme du Sénat et des régions que de Gaulle voulait faire avaliser en 1969 était une transition vers le corporatisme : le projet -outre la création des régions- " rénovait " le Sénat en le fusionnant au conseil économique et social: le nouveau Sénat devenant un organe consultatif . Ce qui donnait à ce texte un caractère corporatiste n’était pas la création des régions, mais le fait que le conseil régional était une instance composée d’élus politique et de représentants d’organes sociaux et professionnels associant les organisations syndicales aux décisions de l’Etat. De même pour le Sénat rénové.

" CRÉER LES CONDITIONS D’UNE RÉFORME PERMANENTE ".

La modification de la constitution proposée par Chirac, aura des conséquences considérables. Elle permettra par le biais de lois organiques ultérieures puis de lois ordinaires de bouleverser totalement le fonctionnement actuel des ministères et d’associer plus étroitement encore les syndicats à la politique gouvernementale. Interviewé par Les Echos du 25 septembre, le ministre délégué des collectivités locales indique : " En remaniant la constitution, nous allons créer les conditions d’une réforme permanente, pour que, à la différence des lois Deferre, la décentralisation puisse avancer indéfiniement ". Raffarin a demandé à ses ministres de faire des propositions de transfert des missions de l’Etat (sauf les missions essentielles : police, armée, justice..) :

" Pour chaque transfert envisagé, vous préciserez quel vous semble être le bon niveau de décentralisation (région, département, établissement publics de coopération intercommunale, communes), en n’excluant pas à priori que ce choix puisse varier selon les territoires ". Ainsi, la gestion des routes nationales pourra être transférée ici à une région et là à un département, la gestion d’aides sociales pourra relever ici d’une communauté de communes et ailleurs d’une région… Quel moyen efficace pour conduire à la privatisation, pour disloquer toute résistance, empêcher toute centralisation contre le gouvernement !

Kessler définit parfaitement la " réforme de l’Etat " : non seulement "réduire les postes, mais redéfinir les missions, les procédures, les institutions, les périmètres ". Il s’agit de pulvériser dans un même mouvement les acquis nationaux arrachés par le prolétariat (Sécurité sociale, programmes et diplômes nationaux, conventions collectives et statuts nationaux…) et le cadre national des organisations ouvrières (fédérations et syndicats nationaux).

" Les organisations syndicales vont se trouver d’ici peu confrontées (..) à une situation inédite (…) tous les acteurs sociaux y compris les organisations syndicales devront se doter de structures régionales fortes et autonomes. Fortes, car les compétences des régions seront si étendues et si variées, avec de multiples incidences sociales, que les responsables régionaux seront sollicités en permanence. Autonomes, car c’est sur place que des choix seront à effectuer, des décisions à prendre, souvent en fonction de réalités purement régionales et sur des sujets échappant aux préoccupations des bureaux parisiens " Cette appréciation d’un journal patronal montre l’importance de cette réforme et les objectifs de " refondation sociale ", chère au Medef.

LA " PARTICIPATION ", ANTICHAMBRE DU CORPORATISME.

Pour avancer là où de Gaulle a échoué, Chirac a besoin d’élargir encore la participation, d’associer en permanence les syndicats à la mise en œuvre de son programme politique et en premier lieu à la réforme constitutionnelle. Du 18 octobre au 15 janvier, le gouvernement a convoqué des " assises régionales pour les libertés locales ". Ces " assises " réuniront " des élus, des responsables socioprofessionels" (chefs d’entreprises, syndicalistes). Chaque réunion régionale " sera précédée par des ateliers quelques jours avant ", le tout préparé par " un comité de pilotage " sous la direction du préfet de région, comité de pilotage auquel s’adjoindra " des représentants socioprofessionnels " ; les premières assises se tiendront à Nantes.

Il faut de la même façon associer les dirigeants syndicaux à la mise en cause des garanties statutaires des fonctionnaires ; c’est le rôle des multiples organismes de participations qui siègent à l’échelle nationale et aux différentes échelles locales. L’échec de la participation porterait un coup mortel à toute la politique de Chirac et de son gouvernement. Or la participation des dirigeants syndicaux à ces multiples organismes n’est pas obligatoire. Elle ne repose que sur le bon vouloir de ces dirigeants, sur le fait qu’ils se comportent comme des " gérants honnêtes et loyaux " du système capitaliste.

C’est ainsi, par exemple que les dirigeants de la fédération des fonctionnaires FO, au lieu de prendre position pour la défense inconditionnelle du statut de la Fonction publique d’Etat, s’apprêtent à discuter des plans gouvernementaux. Dans FO Hebdo du 18 septembre écrit :

" Le 7 octobre prochain, insiste FO, il faut que lors du comité technique paritaire ministériel les ministres engagent enfin un véritable dialogue tant sur les effectifs et les moyens que sur les missions exercées par les agents du ministère, et clarifient leurs intentions quant à leur approche " réformatrice ". Les intentions du gouvernement ont été clairement annoncées : fin septembre, début octobre, le ministre de la Fonction publique Delavoye a rencontré chaque fédération de fonctionnaires ; ces réunions bilatérales étaient préparatoires " à une négociation sur la gestion des ressources humaines. Selon le même numéro de FO Hebdo Delavoye a indiqué : " Avec les départs massifs de fonctionnaires en retraite, nous bénéficions d’une oportunité sans précédent pour engager une vraie remise à plat des missions de l’État. De plus, la décentralisation permettra de disposer d’un levier formidable. " C’est du " redéploiement des ressources humaines " et de la " gestion de ces ressources " intégrant " les questions de recrutements, du déroulement et de la durée des carrières, des métiers, de la formation, de la mobilité professionnelle et géographique…" que le ministre veut " discuter " avec les fédérations de fonctionnaires. Pour cela, un calendrier a été établi (une réunion interministérielle de " concertation " est déjà annoncée pour novembre). Accepter de s’engager dans ces négociations, c’est permettre à Chirac et à son gouvernement de réaliser ses plans : mettre en cause et liquider le statut national de la Fonction publique et les statuts nationaux de chaque catégorie.

Quant à la CGT, elle ne cesse de réclamer plus de " dialogue social ". Le numéro du Peuple du 11 septembre titre " Quel dialogue social ? " Il publie la déclaration faite par Maryse Dumas à la commission nationale de la négociation collective le 24 juin dernier. Loin de caractériser le gouvernement mis en place par Chirac comme un gouvernement de combat contre les masses, elle lui reproche de ne pas respecter ses engagements : elle réclame " de voir rapidement ouvert le dossier de la démocratie sociale ". Or, la " démocratie sociale ", c’est non seulement la négation de la " démocratie ouvrière ", mais aussi de la démocratie bourgeoise. Ce n’est rien d’autre que " le nouveau type de syndicalisme " prôné en son temps par de Gaulle et rebaptisé par le Medef " refondation sociale ", " nouveau partenariat social " ; c’est une nouvelle mouture de l’association capital-travail qui remet en cause la liberté syndicale.

C’est ainsi que au nom de " l’égalité de tous devant la retraite ", Le Duigou se prononce pour " une négociation globale tripartite, syndicat, patronat, et pouvoirs publics, articulée à des négociations spécifiques pour le secteur privé, pour les fonctionnaires, pour les entreprises publiques ".

Ce qui se passe à EDF-GDF illustre parfaitement ce que signifie " agir pour un socle commun de garanties ". En effet, dans le cadre de la marche à la privatisation d’EDF-GDF, le président d’EDF Roussely définissait les objectifs de la " négociation " qu’il proposait d’engager, en deux étapes, avec les syndicats sur les retraites : " la première étape permettrait d’aboutir à un régime des retraites de droit commun, préalable nécessaire à l’ouverture du capital ", la deuxième étape " concernerait notamment la durée des cotisations ". Or le statut national des agents d’EDF-GDF s’applique aux actifs et aux retraités. Les retraites sont considérées comme salaires d’inactivité ", financées par le budget des entreprises EDF-GDF ; les agents retraités continuent à bénéficier des œuvres sociales, leur retraite dépend des " évolutions du du salaire national de base et des coefficients de la grille, ce qui n’a rien à voir avec le fonctionnement du " régime commun ".

Pour privatiser, le gouvernement a besoin de liquider le régime particulier des retraites d’EDF-GDF. Il a pour ce faire, besoin que les organisations syndicales acceptent de discuter, " de négocier " ses plans. Le 4 septembre, s’est tenue une première réunion de la commission paritaire sur le changement de statut d’EDF-GDF, réunion préparatoire aux négociations de branche qui commenceront à l’automne. Comment peut-on accepter de participer à ces réunions alors même que Roussely a clairement annoncé les objectifs de ces négociations ? La branche des industries électriques et gazières comporte à la fois EDF-GDF et 150 industries privées : engager des négociations de branche, c’est ouvertement mettre en cause le statut des agents d’EDF-GDF. L’appel à la journée d’action et à la manifestation du 3 octobre réclame " l’ouverture du débat sur EDF-GDF " La défense des intérets des agents d’EDF-GDF exige d’imposer aux dirigeant syndicaux qu’ils se prononcent pour la défense inconditionnelle du statut des agents (ce qui inclut la défense des retraites) : le statut n’est ni amendable, ni négociable !

Il en est de même de la défense des retraites du secteur privé et des pensions des fonctionnaires : le gouvernement propose d’ouvrir des négociations en 2003. Rupture immédiate de toute négociation : la liquidation des retraites par répartition et du code des pensiions des fonctionnaires ne peut se négocier ! Telle est l’exigence à adresser aux dirigeants fédéraux et confédéraux.

CONTRE LE GOUVERNEMENT CHIRAC ET SA POLITIQUE

Chirac avec l’UMP n’a récupéré le pouvoir qu’en raison de la politique de la " majorité plurielle ", du PS et du PCF ; ceux-ci ont protégé Chirac, mis en œuvre la politique nécessaire au patronat ; les dirigeants syndicaux ont pris totalement en charge cette politique, désarmé politiquement la classe ouvrière. C’est cette politique de prise en charge des besoins du capital qui les a conduit à appeler à voter Chirac, lui permettant de développer cette offensive contre le prolétariat.

Aujourd’hui, le PS et le PCF soutiennent la politique de Chirac et de son gouvernement et en premier lieu le projet de loi de décentralisation. C’est ainsi que François Hollande déclare le 4 juillet : " S’il s’agit de constitutionnaliser une institution comme la région, qui pourrait sérieusement s’y opposer ?" Lors des journées parlementaires du 20 septembre, il indique :

" la République n’a rien à craindre de la décentralisation(…) Nous souhaitons franchir une nouvelle étape à travers le transfert de nouvelles responsabilités aux collectivités locales dès lors que les moyens correspondants leurs sont affectés(…)Quant à l’expérimentation, nous la concevons comme une phase précédant une possible généralisation(…)" C’est cette orientation d’alignement total du PS sur les objectifs mêmes du régime réactionnaire de la Vème République qui est la cause essentielle de la crise qui se développe dans le PS, crise qui menace l’existence même de ce parti (CPS publiera prochainement un article sur le Parti socialiste)

Quant au PCF, après que le gouvernement Raffarin ait annoncé ses plans, il revendique de " participer à la rélexion concernant les nouveaux transferts de compétences entre l’État et les régions ".Lors de sa récente conférence nationale, il a décidé de " d’impliquer largement dans ce processus ses instances de réflexion que sont les comités régionaux ". C’est ce qu’annonce un article de La Montagne du 28 septembre: ainsi, le comité régional de la région d’Auvergne est-il présenté comme une instance qui est " à la fois un laboratoire d’idées et un organe de veille destiné à vérifier que les moyens adéquats accompagnent les transferts de compétences en matière de décentralisation".

En réclamant " des moyens " pour une " bonne " décentralisation, le PCF masque les véritables objectifs de cette réforme : faire voler en éclat les acquis fondamentaux du prolétariat qui contribuent à son unification comme classe sociale face à la bourgeoisie à son État. D’ailleurs, en proposant que l’Auvergne " revendique un véritatable droit à l’expérimentation ", le PCF reprend totalement à son compte les plans de Chirac et de son gouvernement.

Bien évidemment, la classe ouvrière n’est pas écrasée, et inévitablement, par son mouvement spontané, elle reprendra le combat pour tenter de faire face à l’offensive du gouvernement Chirac. Mais la question des délais et la question des formes de ce mouvement spontané à venir est déterminante.

PRÉPARER LES COMBATS EFFICACES

L’entreprise de Chirac ne peut réussir qu’en raison de la politique des dirigeants des organisations ouvrières, partis et syndicats.

Préparer les combats efficaces, c’est exiger des organisations ouvrières : rompez avec la bourgeoisie, réalisez le Front Unique des organisations syndicales contre le gouvernement de Chirac. Faire échouer la participation, c’est faire échouer la politique du gouvernement. Toutes les occasions doivent être utilisées pour aider les travailleurs à s’organiser afin d’imposer aux dirigeants syndicaux de rompre avec les mille et une instances de participations qui soumettent le prolétariat au patronat et au gouvernement. Cette exigence de rupture s’adresse également au PS et au PCF.

La défense des intérêts du prolétariat et de la jeunesse exige de combattre pour les véritables revendications : rétablissement du pouvoir d’achat et sa garantie par l’échelle mobile des salaires ; contre le chômage, " aucun licenciement ", " aucune suppression d’emploi ". Cela implique de combattre pour en finir avec le système capitaliste, pour l’expropriation du capital, pour la réorganisation de la production selon un plan correspondant aux besoins des masses. Il faut pour cela combattre pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire (de l’Internationale ouvrière révolutionnaire ). Mais ce combat est inséparable de la nécessité d’ouvrir à chaque moment une issue politique aux combats engagés par la classe ouvrière et la jeunesse. C’est une telle perspective que trace la conclusion de la déclaration du Comité du 29 septembre :

" La défense du statut de tous les fonctionnaires, la défense de l’Hôpital public, de l’École publique, de la Sécurité sociale exige que se réalise le front unique sur les mots d’ordre suivants : Il faut corrélativement exiger : aucune suppression de poste, remplacement poste par poste de tous les départs en retraite.

Mais peut-on combattre le projet de loi de décentralisation en participant, ainsi que le proposent Sarkozy-Devedjian, à l’élaboration de " propositions concrètes " ? Cette formule sert à masquer l’objectif : dépecer, région par région, tous les acquis ouvriers ! Il faut donc exiger des dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU, du PS et du PCF, qu’à l’échelle nationale, ils décident le

Dans tous les secteurs, les attaques du gouvernement se multiplient. Le 24 septembre, les surveillants étaient appelés à la grève. Le 3 octobre, les travailleurs d’EDF sont appelés à une journée d’action " pour l’emploi ", " pour l’ouverture du débat sur l’évolution d’EDF-GDF ". Le 17 octobre les personnels de l’Éducation nationale sont appelés par la FSU, l’UNSA, la CFDT à la CGT à faire grève pour " d’autres choix budgétaires ".

Mais toutes les attaques contre la classe ouvrière et la jeunesse sont des aspects particuliers d’une même politique. Cette politique se concentre aujourd’hui dans le vote du projet de loi constitutionnelle et du budget 2003. S’organiser pour exiger des dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU, qu’ils réalisent le front unique contre ces projets de loi, qu’ils appellent, sur cet objectif, à la manifestation nationale devant l’Assemblée nationale, c’est contribuer à ce que se réalisent les conditions du combat victorieux contre Chirac et son gouvernement.

Force est de constater que l’appel au 17 octobre, par exemple, non seulement ne reprend pas ces mots d’ordre mais les exclut formellement puisque les dirigeants appellent au contraire à " un débat sur les conséquences pour le service public " de la loi de décentralisation.

(…) Les travailleurs devront combattre pour imposer aux dirigeants syndicaux, au PS, au PCF la rupture avec le gouvernement Chirac, avec le soutien à la loi constitutionnelle.

Le Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire appelle les travailleurs à s’organiser sur cet objectif. La réalisation du Front unique des organisations ouvrières (partis et syndicats) contre Chirac et son gouvernement, l’action politique pour que se réalise l’unité de ses organisations ouvre à la classe ouvrière la perspective d’un gouvernement du Front unique ouvrier. "

30 septembre 2002.

DÉBUT                                                                                                        SOMMAIRE - CPS N° 91 - 5 OCTOBRE 2002