SOMMAIRE

CPS N° 90                                                                                                                            1er JUIN 2002


FRONT UNIQUE CONTRE LE GOUVERNEMENT CHIRAC !
À BAS LE «FRONT RÉPUBLICAIN»,
RUPTURE DU «DIALOGUE SOCIAL» !
VOTE CLASSE CONTRE CLASSE, CONTRE LA "MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE" (UMP)

Il n’aura pas fallu vingt quatre heures : dès le lendemain de sa réélection comme président de la République, Chirac engageait la bataille pour prendre le contrôle de l’ensemble des leviers du pouvoir politique. Contrôlant déjà le Sénat et la quasi-totalité des régions, il lui fallait, en s’appuyant sur cette victoire de la bourgeoisie, mettre en place son gouvernement et gagner la majorité à l’Assemblée nationale. Dès le mardi 7 mai, c’était chose faite pour le gouvernement.

LE GOUVERNEMENT CHIRAC.

Le gouvernement à la tête duquel a été nommé Raffarin est totalement constitué par Chirac, en fonction de ses objectifs ; ceci est conforme aux institutions réactionnaires de la Vème République qui donnent des pouvoirs exorbitants au président de la République. Mais si Chirac peut procéder ainsi, c’est surtout parce que son élection a eu un caractère plébiscitaire : 82,2% des suffrages grâce à l’appel du PS, du PCF à voter en sa faveur, grâce au soutien des appareils syndicaux.

Ce score donne à Chirac, candidat du Medef, les moyens de centraliser le pouvoir, de réaliser les objectifs qu’il s’était fixés après son élection en 1995. En mai 1995, Juppé rappelait ces objectifs : «revenir au sein du pouvoir exécutif à un partage des tâches conforme à l’esprit initial de la Vème République : le président fixe les grandes orientations, le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Quant au Parlement, il légifère et contrôle». Cela signifie en clair : le gouvernement est chargé de mettre en œuvre, d’appliquer la politique décidée par le président, et le Parlement est chargé de légiférer selon les besoins du président.
 Le Monde du 11 mai 2002 titrait : " Chirac imprime sa marque au premier conseil des ministres " ; et de préciser :

" Le président n’a pas quitté les manettes depuis le 5 mai à 20 heures (…) il s’est d’abord attelé à la composition du gouvernement, en négociant directement avec les principaux intéressés (…) Après l’attentat de Karachi, c’est lui, et personne d’autre qui a notamment demandé à la nouvelle ministre de la défense, Michèle Alliot Marie, de se rendre sans délai au Pakistan. L’après-midi, le Premier ministre Jean Pierre Raffarin entérinait cette préséance en confiant que " l’heure n’était plus à une guerre de communiqués " entre l’Élysée et Matignon.(…) Lors du conseil des ministres du 10 mai, c’est Chirac qui a " tracé la feuille de route du gouvernement " en annonçant les lignes directrices, les chantiers à mettre en œuvre. Chirac a caractérisé lui-même son gouvernement comme " un gouvernement d’action ". Ce n’est pas un gouvernement d’attente : " la mission commence immédiatement " a-t-il indiqué.

BATAILLE POUR UNE MAJORITÉ UMP À L’ASSEMBLÉE.

La première mission de ce gouvernement, c’est de donner à Chirac, lors des élections législatives du 9 et 16 juin, la majorité UMP dont il a besoin. Il le fait en répondant à certaines demandes immédiates de la bourgeoisie et en posant les bases d’une importante offensive anti-ouvrière après les législatives. Ce n’est pas, à l’inverse des assertions des dirigeants des organisations ouvrières, "en tenant compte des voix de gauche ", c’est à dire en édulcorant son programme. Les axes politiques sont clairement définis par le programme de campagne de Chirac et par la composition même du gouvernement : engager l’offensive d’ensemble contre la classe ouvrière et la jeunesse tel que le demande la bourgeoisie. Le choix de Raffarin comme Premier ministre ne donne pas à ce gouvernement un caractère moins brutal, mais il offre à Chirac la garantie d’une parfaite docilité. La présence de Sarkozy à l’intérieur, de Francis Mer, " homme d’action " qui a supprimé 70 000 emplois de sidérurgistes en 15 ans, de Luc Ferry, chantre de l’élagage des programmes de l’enseignement, atteste du contraire. C’est en ratissant " large à droite ", en satisfaisant sans attendre les demandes immédiates de la bourgeoisie (politique " sécuritaire ", baisse des impôts et des cotisations patronales..), que Chirac compte gagner les élections législatives.

SATISFAIRE LES EXIGENCES DU MEDEF.

A la veille des présidentielles, afin de préserver ses profits, la bourgeoisie française exigeait par la bouche de Seillière que soit engagée l’offensive la plus brutale contre la classe ouvrière : " Les règles du jeu qui existent et qui remontent pour l’essentiel à l’immédiat après guerre ne correspondent plus aux nécessités de notre époque. "

Les acquis arrachés comme sous-produit de la vague révolutionnaire de l’après guerre sont ainsi visés : la Sécurité sociale, le statut général de la Fonction Publique, les "classifications Parodi " qui établissent le lien entre diplôme national, qualification et niveau de salaire garanti par une convention collective. Le Medef fixait en outre, aux candidats les objectifs suivants : suppression d’impôts patronaux (taxe professionnelle, taxe sur les salaires), fiscalisation de l’essentiel de la sécurité sociale, mise en concurrence de la caisse d’assurance maladie avec des compagnies privées, mise en place des fonds de pension, retraite à la carte et prolongation la durée de cotisations, régionalisation et assujettissement de l’enseignement au patronat.

RÉALISER EN 2002 CE QUI DEVAIT ÊTRE FAIT DÈS 1995.

En 1995 déjà, Chirac avait récupéré le contrôle de l’ensemble des pouvoirs de la Vème République en gagnant les élections présidentielles d’abord contre Balladur au premier tour, puis contre Jospin au second tour. Dès son élection, il pouvait compter sur l’existence à l’Assemblée nationale d’une majorité RPR-UDF en place depuis 1993, Mitterrand étant président. Avant l’élection de Chirac en 1995, cette majorité RPR-UDF avait permis au gouvernement Balladur de porter de premiers coups aux travailleurs. Sur la question des retraites, le nombre d’annuités exigées avait été, par décret, porté à 40 pour les travailleurs du privé (et ce, après que les dirigeants syndicaux se soient associés aux discussions de la " loi quinquennale pour l’emploi "). Mais ce gouvernement Balladur s’était heurté au début de l’année 1994, à deux importantes manifestations : l’une contre un projet de modification de la loi Falloux dans l’enseignement, l’autre contre les décrets mettant en place les CIP ("SMIC jeune"). Dans les deux cas, le gouvernement Balladur avait dû renoncer, subissant ainsi deux défaites successives qui l’avaient affaibli.

Mais l’élection de Chirac en 1995 comme président donnait une impulsion majeure à la politique de la bourgeoisie en mettant en place un dispositif cohérent de gouvernement : le fonctionnement de la Vème République était remis d’aplomb avec une Assemblée conforme aux besoins du président. Juppé était alors nommé Premier ministre, et une offensive brutale était engagée, à l’automne 1995, pour briser la sécurité sociale. A la suite de cette offensive devait être aussi organisé un référendum sur l’école, pour disloquer l’enseignement public. La puissante mobilisation de novembre-décembre 1995 s’est alors dressée contre le plan Juppé. L’essentiel de ce plan a pu être maintenu. Mais le gouvernement a dû manœuvrer en recul, en particulier sur la question des retraites des fonctionnaires. Le gouvernement était arrêté dans son élan. D’autant plus qu’au sein de la majorité RPR-UDF, de profonds désaccords se développaient alors quant à la question de la mise en place de l’euro. C’est à fin de surmonter ses désaccords, de disposer à l’Assemblée d’une majorité de combat fût-elle plus resserrée, et aussi dans l’objectif de pouvoir reprendre son offensive contre les acquis des travailleurs, les statuts de fonctionnaires, l’enseignement public, que Chirac prit la décision de dissoudre de manière anticipée l’Assemblée nationale.

On connaît la suite. L’opération se retourna en son contraire : le 1er juin 1997, la majorité RPR-UDF était expulsée de l’Assemblée nationale ; une majorité de députés PSPCF était élue. Pour Chirac, c’était une claire défaite politique. La voie était ouverte pour une mobilisation de la classe ouvrière, pour la constitution d’un gouvernement PS-PCF sans ministre bourgeois, pour en finir avec Chirac et la Vème République, pour imposer à la majorité PS-PCF qu’elle satisfasse les revendications. C’est contre cette perspective qui s’ouvrait qu’immédiatement a été constitué le gouvernement de la " gauche plurielle " dirigé par Jospin, gouvernement de coalition entre le PS, le PCF, les Verts, le MDC et le parti Radical, c’est à dire gouvernement de coalition des organisations ouvrières avec des forces bourgeoises : authentique gouvernement bourgeois de type " Front populaire ". La fonction première de ce gouvernement fut d’interdire toute irruption de la classe ouvrière, puis de la faire refluer pas à pas en mettant en œuvre la politique nécessaire à la bourgeoisie. Sa première décision fut de préserver Chirac, de garantir le " respect " dû à la Vème république. Ce gouvernement ratifia, avec Chirac, l’accord de Dublin garantissant le " pacte de stabilité " économique et monétaire de l’Union européenne et confirma la fermeture de l’usine Renault à Vilvoorde. Et, chacun se souvient du fait que pendant cinq ans, ce gouvernement, à la mesure de ses moyens, répondit aux attentes de la bourgeoisie en généralisant, en particulier la flexibilité et l ’annualisation du temps de travail.

RATTRAPPER LE TEMPS PERDU.

Certes, le gouvernement de la " gauche plurielle " a fait son travail…Mais, ayant été mis en place à la suite de la défaite du RPR et de l’UDF, et contre ce que signifiait l’élection d’une majorité PS-PCF à l’Assemblée, il ne pouvait agir avec la même rapidité et la même ampleur. Sa fonction politique était d’interdire à la classe ouvrière de se saisir des difficultés de la bourgeoisie, de la brèche qui s’était ouverte en 1997, puis de la faire reculer, de la décourager en lui portant des premiers coups. L’ARTT en est l’exemple le plus significatif : les lois Aubry détruisent la réglementation nationale du temps de travail et instaurent l’annualisation, ceci avec la participation (à tous les niveaux) des dirigeants syndicaux. C’était aussi de poser les bases d’offensives ultérieures, par exemple contre les retraites, en associant les dirigeants syndicaux au Conseil d’orientation des retraites.

Finalement, la classe ouvrière, en dépit de ses tentatives, notamment en 1999 et 2000, n’a pu submerger le dispositif du gouvernement. Avec l’aide des appareils syndicaux, celui-ci a joué son rôle, les mouvements de la classe ouvrière ont été contenus, le candidat du PS a été balayé dès le premier tour. La bourgeoisie peut d’autant mieux reprendre directement le pouvoir en main, que par ailleurs, un élément majeur de sa propre crise est aujourd’hui en sourdine.

LA MISE EN PLACE DE L'EURO.

L’Union Européenne n’est pas une fédération ; elle demeure un regroupement d’États bourgeois nationaux dans une situation où le capital cherche à surmonter les barrières nationales qui l’étouffent. Y compris la mise en place d’une monnaie unique ne modifie pas cet aspect général. Néanmoins, la mise en place de l’euro était pour chaque bourgeoisie une décision difficile à prendre : battre monnaie était depuis longtemps une prérogative de l’État, et un moyen de protéger les intérêts nationaux. L’intérêt du grand capital était de créer une zone économique et financière plus large que les frontières de chaque État ; mais la concurrence se trouve renforcée dans cette zone euro : des secteurs entiers de chaque bourgeoisie vont en pâtir. En France, mais aussi dans d’autres pays, le passage à l’euro a donc été facteur de crise entre les intérêts du capital financier, des secteurs essentiellement exportateurs et d’autres secteurs moins puissants, voire arriérés. Cette crise avait brutalement traversé le RPR. Par contre, le PS, à l’exception d’un courant tel que les chevènementistes qui en sont partis, était et demeure totalement aligné sur les besoins du grand capital. Or, le PS était la colonne vertébrale du gouvernement depuis 1997, son secrétaire général devenu Premier ministre jouait donc le rôle décisif pour mettre en place l’euro et aider Chirac à aller jusqu’au bout en dépit des résistances de la fraction " souverainiste " du RPR : ainsi, les critiques féroces de Pasqua, de Seguin… attestaient de la crise du RPR, fin 1996, quand Chirac signait à Dublin les nouvelles exigences de l’impérialisme allemand sur le " pacte de stabilité ". Cet accord était ratifié en juin 1997 par Jospin et Chirac.

Ceci étant, aujourd’hui, la mise en place de l’euro est achevée depuis six mois, y compris sous la forme de monnaie, et il n’y a plus aucune fraction significative de la bourgeoisie française qui, au moins pour l’instant, demande le rétablissement du franc. Ce qui était un facteur de crise au sein de la bourgeoisie et de ses partis, n’existe plus guère, au moins tant que la bourgeoisie allemande ne met pas en avant de nouvelles exigences, et tant qu’il n’y a pas crise ouverte sur le plan économique et monétaire international. Par contre, la mise en place de l’euro impose des contraintes supplémentaires à toute la bourgeoisie.

NOUVELLES CONTRAINTES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES.

Le dispositif d’ouverture systématique du marché européen se traduit par de nouvelles mesures, de nouvelles exigences, lesquelles sont formulées par " les autorités de Bruxelles " ; mais celles-ci n’ont comme " autorité " que les seuls pouvoirs que chacun des États, chacun des gouvernements, chacune des bourgeoisies veut bien concéder à ces " autorités ". Ces mesures font l’objet d’un marchandage incessant durant lequel le plus puissant impose ses exigences. La bourgeoisie allemande demeure dominante au sein de l’Union Européenne et fait sentir son poids sur toutes les autres bourgeoisies ; en même temps, aucune bourgeoisie n’est homogène et au cours de ces marchandages, les fractions dominantes du capital n’hésitent pas à sacrifier les intérêts de tel ou tel secteur minoritaire du même capital national.

Dans ce cadre, chaque bourgeoisie nationale, et la bourgeoisie française en particulier, avec ses différents secteurs, entend défendre ses intérêts en améliorant la productivité du capital français, en baissant encore la valeur de la force de travail.

Parmi les premières exigences : s’attaquer aux retraites. C’est pour le patronat une exigence primordiale : la mise en cause des retraites par répartition, l’allongement de la durée des cotisations y compris sous la forme du " choix " des salariés, l’extension du système des fonds de pension, sont autant de moyens pour faire diminuer le " poids des charges patronales ", c’est à dire pour opérer une baisse importante du coût du travail.

Autre exigence forte : s’attaquer aux diplômes et aux qualifications. Il s’agit de faire en sorte que les travailleurs qualifiés et diplômés soient le moins coûteux possible ; si qualification il y a, elle ne doit plus être reconnue et garantie par des conventions collectives et des statuts nationaux (cette reconnaissance limite la concurrence entre les salariés et garantit un certain niveau de salaire). L’un des moyens les plus efficace pour faire baisser la valeur de la force de travail est d’accroître la concurrence entre les salariés en faisant perdre tout caractère national aux qualifications, en individualisant les parcours scolaires, en remplaçant les qualifications par les compétences (qualités individuelles, attitudes, comportements nécessaires à la compétitivité et à la croissance de entreprises).

Troisième exigence : diminuer " le coût de l’État " en s’attaquant aux statuts des personnels de la Fonction publique. En même temps que Chirac envisage d’accentuer la " décentralisation ", la " régionalisation " au point de préparer une réforme constitutionnelle, il décide de renforcer les corps répressifs de État : la mise en place d’un " conseil de la sécurité intérieure " en est un élément central. Décentralisation et centralisation ne sont pas ici contradictoires mais complémentaires.

La réalisation de ces objectifs implique pour Chirac de construire un double dispositif.

Il lui faut une majorité parlementaire solide. A priori, compte tenu de ses résultats au deuxième tour, et du fait surtout de la politique du PS et du PCF durant cinq ans de gouvernement, Chirac peut espérer être majoritaire aux législatives. Dans le cadre de la Vème République, le Parlement n’est pas censé jouer un rôle central. Mais Chirac prend en compte les résultats qu’il a obtenus au soir du premier tour des présidentielles : avec 19,8% des suffrages exprimés au premier tour, c’est l’indication que la crise de la Vème République et de ses partis est loin d’être réglée. Aussi lui faut-il un parti godillot hégémonique à l’Assemblée nationale. D’ores et déjà, outre la totalité du RPR (ce qui n’était pas acquis il y a six mois) il a obtenu le ralliement de la totalité de Démocratie libérale et de l’écrasante majorité des députés UDF sortants. Pour Chirac, l’Union pour la Majorité Présidentielle devrait être le seul parti bourgeois véritablement représenté à l’Assemblée nationale, et les candidats qui en demandent l’investiture s’engagent par avance à adhérer à un parti qui n’existe pas encore, à respecter des statuts qui ne sont pas écrits, et à se soumettre à toutes les décisions que Chirac dictera à ce parti.

Certes, dans chaque circonscription, le nombre de candidats bourgeois est important. Mais l’axe de la campagne menée est, ainsi que l’indique le président délégué du RPR, Serge Lepeltier, "de rassembler afin d’obtenir une majorité cohérente et coordonnée qui soutiendra l’action du président de la République et du gouvernement ". Il faut dit-il " refermer les cicatrices " : ainsi, alors qu’il avait été exclu du RPR, Tibéri est-il investi par l’UMP ; de même, Million et ses amis mis à l’écart en 1998 soutiennent-ils " sans réserve Jean-Pierre Raffarin ". Quant à l’UDF, le RPR indique souhaiter maintenir les liens avec Bayrou.



ENTRAVER PAR AVANCE LA CLASSE OUVRIÈRE.

Une solide majorité à l’Assemblée ne suffit pas, d’autant que celle-ci peut se fissurer de l’intérieur, comme ce fut le cas en 1996-97. Il faut en même temps, éviter que tout surgissement massif et spontané du prolétariat vienne bousculer les plans de la bourgeoisie : Chirac, à deux reprises au moins s’est trouvé confronté, de manière différente en 1986 et en 1995, à de tels mouvements de la jeunesse et du prolétariat. Or, il redoute que l’offensive qu’il prépare provoque un tel surgissement, en particulier sur la question des retraites. Voilà pourquoi, il faut "relancer et promouvoir le dialogue social ". Il s’agit donc d’approfondir la politique de participation (rappelons qu’en 1969, le très gaulliste Chaban-Delmas développait la " participation ", la " politique contractuelle de concertation " afin disait-il, de vaincre " l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales ").

Le " dialogue social " est au centre de la " méthode " de Chirac. A propos de la réforme de l’État, Raffarin propose la tenue de tables rondes durant l’été, la première étant réservée à " la méthode de discussion " : d’ores et déjà, tous les dirigeants syndicaux se sont félicités de la " méthode " et ont légitimé ce gouvernement en se rendant à ses convocations.

ILS PRÉPARENT TOUS LA VICTOIRE DE L'UMP.

De leur côté les dirigeants du PS et du PCF font tout pour préparer la victoire de l’UMP, comme ils ont tout fait pour assurer la victoire de Chirac. Ils se sont pour cela appuyés sur les manifestations de la jeunesse. Il est hors de doute que ce qui motivait les jeunes en manifestation était leur volonté de combattre Le Pen, son Front National et sa politique xénophobe. Mais ces manifestations ont été politiquement encadrées par les appareils sur la ligne du " sursaut citoyen ", c’est à dire du plébiscite pour Chirac. C’est sur la même orientation que les dirigeants des syndicats, du PS et du PCF ont appelé à la manifestation du 1er mai. Dans un premier temps, Balladur, Juppé, ont exprimé leur méfiance envers ces manifestations de la jeunesse. Mais très rapidement, rassurés par le cadre que leur donnaient les dirigeants, celui du vote Chirac, ils ont vu tout le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer.

Ils préparent de la même manière les élections législatives. Ainsi, la direction du PS a-t-elle laissé près de cent circonscriptions aux Verts et aux Radicaux. Et après avoir appelé au vote Chirac au nom de la " nécessité de faire barrage à Le Pen ", les dirigeants de ces partis s’apprêtent-ils à appeler au vote UMP au deuxième tour, dans nombre de circonscriptions. Au Grand Jury RTL, Ségolène Royal déclarait qu’en cas de triangulaires et si le candidat socialiste arrive en troisième position " il se retirera pour faire barrage à l’extrême droite ".

Quant au PCF, après avoir expliqué que plus il y aurait de votes Chirac, moins Chirac oserait gouverner à droite au lendemain du deuxième tour, alors que les résultats du premier tour indiquaient clairement que Le Pen n’avait aucune possibilité d’être élu, l’éditorial de L’Humanité du 6 mai justifiait ainsi l’appel à voter Chirac : " D’un point de vue purement comptable, jamais un candidat à la magistrature suprême n’aura été élu avec une aussi confortable majorité, d’un point de vue fondamentalement politique, c’est en quelque sorte une victoire à la Pyrrhus, puisqu’elle n’est pas celle de son camp la droite mais celle de la République. Il n’est pas et ne sera jamais le propriétaire de ce Valmy électoral (…) Le peuple français a écarté et écrasé Jean-Marie Le Pen : il n’a pas hissé Jacques Chirac sur un pavois… ". Dans le cadre de la préparation des élections législatives, le PCF fera tout pour limiter au maximum toute possibilité de vote classe contre classe : il milite pour des candidatures uniques " de gauche " pour " empêcher l’élection un seul député FN " ; autrement dit pour une majorité présidentielle aux législatives !

Mais au lendemain du dépôt des listes, le dispositif de Front républicain étant mis en place, l’Humanité du 25 mai écrit :

" Derrière les rondeurs de chattemite de Jean Pierre Raffarin, un programme ultra-libéral piaffe dans les starting-blocks. L’onction que le président du MEDEF, Ernest-Antoine Seillière, a conférée au nouveau gouvernement en est une sorte de proclamation. La droite traîne à sa suite une série de wagons dévastateurs : la casse de la protection sociale, la mise en cause des retraites, des privatisations, l’expansion de l’insécurité économique et sociale. C’est pour ce programme qu’elle réclame les pleins pouvoirs lors des élections législatives. Si elle les obtenait, elle ne tarderait pas à agir, satisfaisant ici le patronat, cédant là aux pressions d’une extrême droite menaçante. D’autant que l’UMP est bien moins étanche au Front national que la fermeté de Jacques Chirac entre les deux tours de la présidentielle ne le laissait croire. " Ainsi, le PCF peut bien affecter de découvrir le caractère réactionnaire du gouvernement Chirac, après avoir contribué, en appelant à voter Chirac, à lui donner la force dont il dispose. Il n’en tire, du reste, aucune conclusion sur la nécessité de combattre pour la défaite de l’UMP aux législatives, s’apprêtant, tout comme le PS, à appeler à voter pour l’UMP dans des dizaines de circonscriptions sous prétexte de " faire barrage à Le Pen ".

Lutte ouvrière, quant à elle, présente des candidats dans toutes les circonscriptions. Mais s’agit-il de mener une campagne pour le front unique, pour imposer l’unité des organisations ouvrières contre le gouvernement Chirac ? Que nenni : " Nous allons voir s’affronter la gauche qui a menti pendant cinq ans et la droite qui veut pouvoir mentir pendant les cinq ans à venir (…)Si l’on attend des mesures efficaces – et seulement des mesures radicales seraient efficaces - du gouvernement qui sortira des urnes, on sera déçu. C’est pourquoi sa couleur importera peu ". Comme aux élections présidentielles, pas question pour LO, ni pour la LCR de se désister au deuxième tour pour les candidats du PS ou du PCF restés en lice afin de faire barrage à l’UMP.

Le Parti des travailleurs clame haut et fort qu’il faut en finir avec la Vème République, mais comment peut-on se prononcer contre la Vème République sans commencer par appeler à battre les candidats des partis de la Vème République, les partis de l’UMP, sans appeler au deuxième tour comme au premier à un vote classe contre classe ?

LES APPAREILS SYNDICAUX EN DÉFENSE DE L'ETAT BOURGEOIS.

En acceptant d’ouvrir immédiatement des négociations avec Raffarin et les autres ministres du gouvernement Chirac, en laissant croire que la politique de ce gouvernement pourrait ne pas être complètement réactionnaire (" Et maintenant… si l’on osait l’éducation " titre l’éditorial de la presse du SNES), les dirigeants syndicaux légitiment ce gouvernement et contribuent, eux aussi, à l’élection d’une forte majorité UMP aux législatives. Pas un seul n’appelle à battre les candidats de Chirac et des autres formations bourgeoises, pas plus qu’ils ne l’avaient fait avant le premier tour des élections présidentielles, au nom de … leur " indépendance ", alors que tous, d’une manière ou d’une autre, ont soutenu Chirac au second tour. Pas un seul n’appelle à un vote de classe, à un vote pour le candidat ouvrier de son choix.

Ce qu’exige, aujourd’hui, la bourgeoisie française des différentes bureaucraties syndicales, c’est qu’elles prennent en charge la liquidation des conquêtes fondamentales arrachées précédemment par les mobilisations du prolétariat. La " négociation ", la " concertation ", le " dialogue social " ont une fonction politique : entraver les mouvements spontanés des travailleurs, prévenir le surgissement de tels mouvements, protéger les gouvernement bourgeois et " cogérer " la mise en œuvre de leur politique.

A cette demande, les appareils syndicaux répondent " présents ". Ainsi, Jean Christophe Le Duigou, secrétaire de la CGT expliquait-il dans son rapport introductif au Comité Confédéral National du 15 et 16 mai : " Syndicalement, nous n’avons pas de responsabilité dans les résultats catastrophiques du premier tour ". Pour Le Duigou, le soutien de l’appareil de la CGT apporté durant cinq ans au gouvernement PS-PCF-Radicaux-Citoyens-Verts n’est évidemment pas en cause ! Le refus d’appeler au vote pour le candidat ouvrier de son choix, afin de battre Chirac, non plus ! Et ce dirigeant de poursuivre : " Mais nous avons d’immenses responsabilités pour bâtir des solutions ". De quelles solutions s’agit-il ? S’agit-il d’appeler à un vote ouvrier aux législatives, pour battre les candidats de l’UMP ? Absolument pas. Il faut poursuivre dans la voie du " front républicain " qui a donné à Chirac 82% des voix, et ce d’autant plus que " Contrairement aux propos lénifiants de quelques commentateurs, l’extrême-droite est tout autre chose qu’un " tigre en papier ". Ainsi donc, le gouvernement de Chirac serait légitime, et ce d’autant plus que les dirigeants des organisations ouvrières ont appelé à ce vote contre nature.

Soutien à Chirac et défense des plans patronaux vont de pair : " Il faut construire de nouvelles réponses solidaires qui tiennent compte de la nouvelle place de l’individu ", poursuit Le Duigou. Ainsi, au moment où le patronat réclame la liquidation des conventions et statuts nationaux, l’appareil de la CGT revendique "un nouveau statut du salariés ". Mais au nom d’une " sécurité sociale professionnelle ", l’appareil œuvre à la liquidation des garanties collectives arrachées par le prolétariat. C’est ainsi qu’il réclame d’agir pour " transformer le cadre de la négociation collective (…)la réforme s’imposera tôt ou tard. Le plus vite sera le mieux car il vaut mieux aborder les grandes questions économiques et sociales qui nous attendent avec les interlocuteurs légitimés par les salariés ".

La CCN a adopté une " adresse aux syndicats " qui indique qu’au lendemain de présidentielles, " des attentes sociales non prises en compte sont toujours présentes (…) la CGT avance l’idée d’une " sécurité sociale professionnelle ", véritable alternative aux licenciements… ".Afin de " peser sur toutes les décisions tant gouvernementales que patronales ", elle exhorte les syndicats à " accélérer et généraliser la mise en œuvre de sa démarche revendicative et unitaire sur tous les lieux de travail " afin de". Cette démarche exige des " négociations dans les entreprises, les branches, les territoires et cela sans attendre ". Ainsi, le " Front républicain " débouche-t-il sur le " nouvel âge du syndicalisme " demandé par le Medef : " la sécurité sociale professionnelle " a la même fonction que l’ARTT, aller plus loin dans la mise en cause des acquis collectifs des travailleurs.

Il ne peut y avoir de combat en défense des acquis du prolétariat sans combat pour la rupture des dirigeants syndicaux avec l’État bourgeois. L’indépendance de classe des syndicats, " leur indépendance vis à vis des États bourgeois ne peut être assurée que par une direction complètement révolutionnaire ". Le combat pour la mobilisation des masses en défense de leurs conquêtes, le combat pour la construction de cette direction (le Parti Ouvrier Révolutionnaire) exige d’orienter en permanence la lutte pour que les dirigeants rompent avec l’État bourgeois et tout gouvernement à son service.

Ceci est également vrai ailleurs qu’en France.

" GRÈVE CIVILISÉE " ET NÉGOCIATIONS POUR PROTÉGER LES GOUVERNEMENT BOURGEOIS.

En Allemagne, au début du mois de mai, les dirigeants du syndicat IG Metall ont impulsé une grève d’accompagnement des négociations salariales qui a débouché dans le Land du Bade-Wurtemberg sur un accord pilote qui va servir de référence à toute l’Allemagne. Cet accord prévoit un relèvement des salaires de 4% en juin 2002 et de 3,1% en juin 2003 : de fait, il interrompt la baisse continue du pouvoir d’achat depuis plusieurs années. Mais cet accord prévoit une " clause de sortie " qui permet aux entreprises " en difficulté ", de déroger à cette convention, ce qu’un journaliste qualifie de " début de la fin du système allemand des conventions de branche ". Or c’est ce qu’exige actuellement le patronat allemand. Et c’est à cette exigence que se rallie Berthold Hubert, responsable de l’IG Metall lorsqu’il explique : " La situation des entreprises est très différenciée. Je suis personnellement pour aller vers plus de possibilités de différenciation ".

Cette politique ne va pas sans résistance des syndiqués. Cette résistance se réfracte au sein même de la bureaucratie syndicale, ce dont témoigne Berthold Hubert lui-même : " Mais ce n’est pas là un point de vue majoritaire à l’IG Metall. Et pour un tel projet, il faut rassembler derrière soit plus qu’une simple majorité ". Ceci dit, l’accord conclu constitue un premier pas et la " grève civilisée " selon les termes de ce dirigeant fut souvent concertée avec la direction des entreprises : " une grève frontale au niveau des sous-traitants, aurait brisé toute la chaîne logistique et exercé une pression maximale dès le premier jour (…) nous avons pris garde de ne pas stopper toute la chaîne logistique… " (Libération du 17 mai)

Sous une autre forme, cette politique de prise en charge des besoins de la bourgeoisie se retrouve au même moment, en Espagne. L’UGT (Union Générale des Travailleurs) et les Commissions ouvrières exigent, à juste titre, le retrait inconditionnel d’un projet gouvernemental qui prévoit de supprimer l’allocation chômage à quiconque refuse trois propositions successives d’emploi et de mettre fin au système de protection des travailleurs agricoles propre à l’Estrémadure et à l’Andalousie. Les dirigeants syndicaux refusent de discuter de ce projet et appellent à une grève générale de 24 heures en Espagne le 20 juin. Mais les dirigeants demandent le retrait de ce projet pour que soit ouverte une négociation visant à réformer l’ensemble du système de protection des chômeurs. Ils redoutent, ainsi que ce fut le cas en Italie il y a quelques mois, l’émergence d’un mouvement spontané, et ce d’autant plus que cette question de l’indemnité chômage, en particulier pour les travailleurs agricoles est explosive. La grève générale n’est pas tournée contre le gouvernement Asnar, elle vise à canaliser la volonté de combattre des travailleurs vers des négociations plus générales pour empêcher que cette mobilisation se cristallise contre le gouvernement Asnar.

Un article ci-après analyse la situation en Italie. Mais dans tous les pays, la politique des dirigeants syndicaux est la même : protéger les gouvernements bourgeois. En France, comme ailleurs, cette politique des appareils syndicaux complète la politique des partis " ouvriers-bourgeois ".

FLUX ET REFLUX.

Dans tous les pays d’Europe, au cours des années 90, la classe ouvrière a tenté de mettre en échec les offensives de la bourgeoisie ; en l’absence de Parti Ouvrier Révolutionnaire, elle a cherché à s’ouvrir une issue politique en utilisant les organisations traditionnelles dont elle disposait : partis socialistes, sociaux démocrates, partis ex-staliniens. Elle a cherché à répondre à la question du pouvoir en élisant nombre de députés de ces partis, des majorités relatives dans certains cas, parfois des majorités absolues. A chaque fois, contre cette aspiration à ce que soit formé un gouvernement ouvrier, un gouvernement qui satisfasse les revendications ouvrières, a été constitué un gouvernement d’alliance avec la bourgeoisie, dans des configurations différentes : gouvernements traditionnels de collaboration de classe, gouvernements de type Front populaire dans quelques situations de crise de la bourgeoisie. Tous faux " gouvernement ouvriers ", tous vrais gouvernement bourgeois aussi bien par leur politique que par leur composition intégrant des forces bourgeoises. Et ceci dans treize des quinze gouvernements de l’Union européenne en 1999.

Cette recherche d’une solution ouvrière à la question du pouvoir est l’expression de la force sociale du prolétariat. Mais les partis socialistes, le PCF et les partis issus des ex-partis staliniens sont depuis longtemps attachés à la défense du système capitaliste, à la défense de leur propre bourgeoisie. Depuis la restauration du capitalisme en URSS, ils affirment désormais ouvertement qu’il n’y a pas d’autre issue que le maintien du système capitaliste. La concentration du capital financier, l’ouverture des marchés, bien loin d’ouvrir une ère de coopération pacifique entre les impérialismes, aggrave les contradictions, les antagonismes entre les impérialismes eux-mêmes. Dans cette lutte entre les bourgeoisies concurrentes, le premier souci de ces " parti ouvriers-bourgeois ", c’est la défense de leur propre bourgeoisie face aux empiètements des impérialismes rivaux, c’est le combat pour cadenasser les mobilisations ouvrières, les faire refluer, soumettre les prolétariats aux intérêts de leur propre bourgeoisie.

Cette politique conduit au retour au pouvoir des partis de la bourgeoisie, à la constitution de gouvernements ultra- réactionnaires : ainsi en Italie, le gouvernement Berlusconi au printemps 2001, ainsi au Portugal il y a quelques semaines, et aux Pays-Bas il y a quelques jours. Dans onze des quinze pays de l’Union européenne, la bourgeoisie a repris directement en main l’État bourgeois.

Cette situation de retour au pouvoir des partis bourgeois est également marquée par des modifications au sein de partis bourgeois et le développement de forces politiques analogues sans être chaque fois identiques à celles du Front national en France : des forces qualifiées " d’extrême-droite ", parfois même de " fascistes ".

AUX ORIGINES DU NATIONALISME POPULISTE.

Le 15 mai, aux Pays-Bas, un parti populiste réactionnaire, la LPF (liste Pym Fortuyn, du nom de son principal dirigeant assassiné début mai), entrait en force au Parlement, avec 26 sièges sur 150. Or, cette organisation n’existait que depuis trois mois. Parallèlement, le Parti du travail s’effondrait, tombant de 45 à 23 sièges, accompagné dans sa chute par deux petits partis bourgeois associés avec lui au gouvernement. Aussitôt, le principal parti bourgeois, le CDA (Appel Chrétien Démocrate, 43 députés) ouvrait les discussions avec la LPF afin de constituer un gouvernement. La question du programme n’est pas un problème. " La LPF n’a pas de programme précis " explique ainsi l’un des dirigeants du Parti chrétien démocrate. De fait, le programme de la LPF est un programme bourgeois : ce parti xénophobe a fait campagne contre l’insécurité et les travailleurs immigrés avec un slogan : " le pays est plein ". Or, le patronat hollandais a besoin d’accroître le nombre de travailleurs disponibles pour faire baisser les salaires ; l’objectif visé est double : aggraver les conditions d’exploitation des travailleurs immigrés en mettant en cause les droits sociaux dont ils peuvent bénéficier et mettre fin au système dont relèvent 900 000 travailleurs hollandais qui avaient été classés en " incapacité de travail " (il s’agit de licenciements déguisés en congé de maladie). Le patronat veut obliger ces travailleurs à reprendre un travail à bas salaire. La LPF est le fer de lance de cette offensive.

Des phénomènes similaires se sont produits à quelques mois d’intervalle en Autriche, en Italie, au Danemark… En général, ces partis participent au gouvernement : au Danemark une loi vient d’être votée qui rend très difficile l’acquisition de la nationalité danoise. (A l’étape actuelle, ce phénomène ne touche pas nombre de pays : Espagne, Grèce, Royaume-Uni…)

Précisons une fois encore que ces organisations bourgeoises, ultra-réactionnaires ne sont pas pour autant des organisations fascistes. Sur le plan idéologique, en fonction des situations locales, elles puisent dans le fond commun idéologique des impérialismes : faut-il rappeler par exemple, en ce qui concerne le racisme, que les manuels de lecture des écoles " laïques " de la IIIème République française présentaient la " race blanche " comme " la plus parfaite des races humaines "(sic). Ce qui caractérise fondamentalement le fascisme c’est l’organisation de la petite bourgeoisie et des travailleurs déclassés en bandes armées attaquant les organisations ouvrières, leurs militants, leurs réunions, matraquant et tuant. Ces bandes, véritables supplétifs de la police d’État, sont financées et équipées par le grand capital. Le fascisme n’arrive au pouvoir qu’après avoir terrorisé les masses. Ni la France, ni les Pays-Bas ne sont aujourd’hui dans la situation de l’Allemagne de 1933.

Par contre, il est indéniable que ces organisations nationalistes et populistes ont un écho réel dans certaines couches de la population qui se sentent particulièrement menacées par la situation économique, l’aiguisement de la concurrence : couches petites bourgeoises diverses (petits et moyens propriétaires terriens, artisans, petits commerçants, patrons de PME…), auxquelles peuvent se joignent des travailleurs déclassés qui subissent les implications de la crise du régime capitaliste, du chômage…

Les partis ouvriers bourgeois ont été le fer de lance de la mise en place effective de l’euro de 1997 à 2001, alors que ces partis étaient au gouvernement. Le rôle d’une organisation ouvrière aurait été d’expliquer que l’alternative n’était ni la défense de l’Union des États capitalistes, ni le repli sur l’État national bourgeois, mais le combat pour un gouvernement ouvrier, la construction d’un d’État ouvrier, une fédération des États Unis Socialistes d’Europe (ni LCR, ni PT, ni LO n’ont mené un tel combat). Quant aux partis sociaux démocrates au pouvoir, ils ont non seulement conduit une politique anti-ouvrière, mais choisi de soutenir le capital financier, y compris contre les fractions attardées de la bourgeoisie, pour mettre en place l’euro. De ce fait, ils ont favorisé l’apparition et le développement d’organisations nationalistes, populistes, tenant un discours hostile à l’Union Européenne. En l’absence d’issue politique pour le prolétariat, et contre la politique des dirigeants ouvriers, nombre de travailleurs se sont alors abstenus aux différentes élections. Faute d’issue ouvrière, et alors que le prolétariat est politiquement désemparé, la petite bourgeoisie devient politiquement folle et renforce des organisations démagogiques anti-ouvrières et au service du grand capital.

GOUVERNEMENT OUVRIER, ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE.

A l’inverse, c’est en s’ouvrant une issue politique que le prolétariat peut reprendre l’initiative politique contre la bourgeoisie et que les couches de la petite bourgeoisie, broyées par le capitalisme peuvent alors se rallier au combat du prolétariat. Traditionnellement, cette couche a toujours oscillé entre les deux classes fondamentales, le prolétariat et la bourgeoisie, se ralliant à celle qui lui paraissait le mieux à même de défendre ses intérêts.

S’ouvrir une issue politique implique de pouvoir avancer une réponse immédiate à la question du gouvernement. En l’absence de Parti Ouvrier Révolutionnaire, la perspective la plus saisissable est celle d’un gouvernement des seules organisations ouvrières, sans ministre bourgeois. Au de là, ceci implique de s’attaquer à l’État bourgeois, à la propriété privée des moyens de production, ce qui passe par la construction d’un Parti Ouvrier Révolutionnaire, par la constitution d’un authentique gouvernement ouvrier.

Dans l’immédiat avancer sur cette voie implique de combattre sur les axes suivants :

Ce qui se concrétise en particulier par le vote classe contre classe aux élections législatives : C’est sur ces axes que peut et que pourra être organisé le combat en défense des revendications ouvrières et en particulier : Sur de tels axes, et en défense de ces revendications, peut et doit progresser le regroupement de militants combattant pour construire un parti ouvrier révolutionnaire.

26 Mai 2002.


 

DÉBUT                                                                                          SOMMAIRE - C.P.S N°90 - 1er JUIN 2002