JUIN 1999 : MISE EN PLACE D’UN SECOND PROTECTORAT
IMPÉRIALISTE DANS LES BALKANS
Le 12 juin, après avoir bombardé douze semaines durant la Serbie et le Kosovo, les forces armées de la coalition impérialiste, avec à leur tête l’impérialisme américain, commençaient à pénétrer au Kosovo.
Ainsi trois ans et demi après l’accord de Dayton qui s’était traduit par la mise en place d’un protectorat sur la Bosnie-Herzégovine, l’accord imposé à Milosevic ainsi qu’à la direction de l’UCK se traduit par la mise en place d’un second protectorat : cinquante mille soldats répartis en cinq zones militaires (française, américaine, italienne, anglaise et allemande) doivent occuper le Kosovo. Le gouvernement de Milosevic est contraint d’accepter pour le Kosovo une " autonomie " au sein de l’État serbe ; le droit à l’indépendance de la population albanaise du Kosovo est nié explicitement, et les armées impérialistes d’occupation sont chargées d’imposer le désarmement général de maquisards qui s’étaient ralliés à l’UCK.
FONDAMENTALEMENT : UNE GUERRE CONTRE LES PEUPLES
Tout au long de ces douze semaines de guerre, nombreux sont ceux qui ont remarqué la manière tout à fait particulière avec laquelle la coalition impérialiste a conduit son offensive militaire présentée comme " humanitaire ". C’est ainsi que l’armée, la police et les bandes paramilitaires au service du régime de Milosevic ont pu, sans obstacle décisif, poursuivre et amplifier leur politique de terreur contre les masses albanaises du Kosovo. On précisa même aux pilotes des aviations impérialistes qu’ils ne devaient pas tirer sur des avions serbes en vol dès lors que ceux-ci ne les menaçaient pas : mais ces avions serbes avaient le droit de faire des " sauts de puce " (sic) pour s’attaquer aux insurgés albanais. De même, une fois ratifié l’accord imposé à Milosevic, l’armée de la " RFY " put-elle repartir avec toutes ses armes et bagages, incluant prisonniers albanais et produits divers du pillage. On garantit même que les véhicules militaires serbes tombés en panne pourraient ensuite être récupérés.
Mais par contre, les bombardements des forces aériennes impérialistes ont été d’une redoutable efficacité lorsqu’il s’est agit d’anéantir l’économie de la Serbie et du Kosovo, en particulier de détruire les usines. C’est ainsi une véritable entreprise de destruction du prolétariat comme classe qui a été conduite, transformant l’ensemble du prolétariat de Serbie et du Kosovo en chômeurs. Car le prolétariat est, pour l’impérialisme, le véritable danger. Les forces armées au service de Milosevic ont donc pu porter les coups les plus féroces contre la population albanaise du Kosovo tandis que l’aviation impérialiste anéantissait essentiellement l’industrie serbe.
AUX ORIGINES D’UNE GUERRE
On doit rappeler brièvement (cf. CPS n°77) combien cette guerre est inséparable de l’ensemble des événements qui l’ont précédée : la réintroduction du capitalisme en Yougoslavie par la bureaucratie titiste pour le compte de l’impérialisme ; l’exacerbation du nationalisme par les différentes fractions de cette bureaucratie soucieuse de conserver son pouvoir menacé par les travailleurs et la jeunesse ; l’allégeance de chacune de ces diverses fractions de la bureaucratie à un ou des impérialismes rivaux cherchant à développer leur emprise sur les Balkans : ainsi l’impérialisme allemand s’inféoda-t-il la bureaucratie de Slovénie et de Croatie tandis que les impérialismes anglais et français apportaient leur soutien à la bureaucratie de Serbie.
Ces faits sont inséparables des événements fondamentaux qui eurent alors lieu : réunification de l’Alle-magne, dislocation de l’URSS et réintroduction du capitalisme dans l’ensemble des pays que dominait la bureaucratie stalinienne.
Devenue l’impérialisme dominant en Europe à partir de 1989/90, l’Allemagne prit l’initiative de pousser à l’indépendance la Slovénie et la Croatie. La guerre qui en résulta - guerre entre États contre les peuples de Yougoslavie - se développa ensuite pour organiser le dépeçage de la Bosnie-Herzégovine : du contrôle de cette région par l’État croate ou l’État serbe dépendrait la réalisation d’un Grande Croatie (soutenue par l’impérialisme allemand) ou d’une Grande Serbie (soutenue par les impérialismes français et anglais). Très vite, l’impérialisme américain mit à profit cette rivalité pour prendre pied dans les Balkans : il s’assura du contrôle politique du régime de Milosevic et imposa finalement l’accord de Dayton fondé sur un compromis germano-américain. Il en résulta la transformation de la Bosnie-Herzégovine en protectorat, avec une forte présence des armées impérialistes, et le découpage de la Bosnie en différentes " entités " fondées sur des bases ethniques, chacune de ces entités entretenant des liens privilégiés avec la Serbie ou avec la Croatie. Le compromis se traduisait par la création d’une " moyenne Serbie ", la RFY, comprenant Serbie, Monténégro et Voïvodine. Le Kosovo demeurait incorporé à l’État serbe. L’accord de Dayton signifiait donc la négation du droit du peuple albanais du Kosovo à son indépendance. Pour l’impérialisme américain (mais aussi français et anglais) il s’agissait de ne pas trop affaiblir le barrage à la progression de " l’in-fluence " allemande que constitue la RFY. Il n’était pas non plus question d’accepter qu’un peuple puisse décider de son avenir.
UNE PROFONDE INSTABILITÉ
Mais de l’accord de Dayton, fût-il imposé par les États-Unis, qui sont seule puissance mondiale, ne pouvait résulter aucun ordre stable. Combattre pour le Socialisme (n° 62) notait déjà en avril 1996 : " L’accord de Dayton ouvre une nouvelle période dans l’histoire des Balkans, où pour la première fois le rôle majeur est joué par l’impérialisme américain. L’accord de Dayton signifie également qu’en Europe même, l’impérialisme américain joue un rôle décisif. Il s’appuie sur le fait que " l’Europe " n’est qu’une fiction, que dominent en Europe les antagonismes inter-impérialistes, qui se sont largement exprimés au sein de l’ex-Yougoslavie (...) Mais les États-Unis ne sont pas hégémoniques. Ils intègrent en leur sein l’ensemble des contradictions d’un système pourrissant et n’ont pas plus les moyens de surmonter les barrières nationales. Ni la bourgeoisie française, ni la bourgeoisie allemande ne vont renoncer à défendre leurs intérêts, en particulier dans les Balkans. D’autres soubresauts sont inévitables. La " pax américana " ne peut être qu’un état d’instabilité marqué par de nouveaux conflits ".
C’est dans un tel cadre que, très vite, de puissantes mobilisations de masse se sont développées, mettant en danger le fragile équilibre constitué par le compromis germano-américain.
PUISSANCE ET LIMITES DU MOUVEMENT DES MASSES
Le précédent numéro de CPS a analysé les puissantes mobilisations qui se sont développées dans les Balkans à partir de 1996 : mobilisations des masses serbes contre le régime de Milosevic (novembre 1996 - février 1997), manifestations en Croatie, renversement du gouvernement bulgare par les manifestations et la grève et démission du parlement, effondrement de l’État albanais mis à bas par la mobilisation révolutionnaire des masses. Bien évidemment, faute d’issue politique, en l’absence de parti ouvrier révolutionnaire, ces mobilisations ont ensuite été cadenassées par différentes forces bourgeoises. Mais c’est en prenant appui sur ces mobilisations, en particulier celles du prolétariat et de la jeunesse de Serbie et d’Albanie, que la population du Kosovo a engagé le combat pour son indépendance, s’affrontant aux forces répressives de l’État serbe. Très vite il est apparu aux gouvernements impérialistes que le régime de Milosevic, déjà miné par la crise en Serbie, serait incapable de rétablir l’ordre au Kosovo, aussi sauvage soit la répression, et que c’était un facteur de déstabilisation de l’ensemble des Balkans.
Les États-Unis tentèrent alors d’imposer à Milosevic et aux dirigeants des organisations albanaises du Kosovo l’arrêt des combats et un dispositif politique modifié : une " auto-administration " du Kosovo, celui-ci restant inclus dans l’État serbe et la RFY. Mais cet accord d’octobre 1998 vola très vite en éclat : la répression de la police et de l’armée serbe se poursuivait, et un nombre croissant d’albanais prenait le maquis, en cherchant à se servir de l’UCK comme d’un moyen pour imposer leur droit à l’indépendance.
C’est alors par les " négociations " de Rambouillet, (imposées à Milosevic sous la menace de bombardements), que les gouvernements impérialistes dictèrent leurs exigences : le Kosovo serait doté d’une " large autonomie " et devrait rester inclus dans l’État serbe. Et pour imposer ce dispositif, un véritable protectorat qui serait établi au Kosovo via l’installation d’une puissante force militaire constituée par les États-Unis, la France et l’Italie, l’Angleterre et l’Allemagne.... Un tel plan nie le droit du peuple du Kosovo à l’indépendance et préserve, pour l’essentiel, le rôle pivot de l’État serbe nécessaire pour maintenir l’ordre dans les Balkans.
Mais pour le gouvernement de Milosevic, gouvernement bourgeois d’un État bourgeois constitué sur la base de la réintroduction du capitalisme et de l’exacer-bation du chauvinisme Grand Serbe, renoncer au plein contrôle sur le Kosovo est inacceptable, d’autant plus que le régime est gravement affaibli et pourrait alors s’effondrer. D’où son refus. Le gouvernement américain décide alors le bombardement de la Serbie et du Kosovo, escomptant une rapide soumission de Milosevic. Or celui-ci tente de résister, espérant, à l’évi-dence, qu’une fois encore les rivalités interim-périalistes le sauveront . Mais ce qui soude la coalition impérialiste dans cette opération militaire, c’est la volonté d’en finir avec les puissantes mobilisations du prolétariat et de la jeunesse de Serbie, du Kosovo et de toute la région, et la tentative d’instaurer un ordre plus stable : Milosevic devra donc se soumettre. Et parce qu’il s’agit de frapper les masses et non pas d’anéantir l’État serbe et son armée, la coalition impérialiste " s’installe " dans une guerre de bombardements aériens qu’elle prévoit désormais de faire durer jusqu’à l’automne. De toute façon, Milosevic n’a aucune chance et plus les bombardements se poursuivent sur la Serbie et le Kosovo, plus se développe l’anéantis-sement du peuple albanais du Kosovo par l’armée et la police serbes, et plus longtemps ensuite sera préservé l’ordre impérialiste dans les Balkans : c’est le calcul que font tous les gouvernements qui ont décidé cette campagne militaire.
UNE FOIS ENCORE : LA MOBILISATION DES MASSES
Ce qui vint bousculer les plans de l’impérialisme, ce furent les événements qui éclatèrent en Serbie. Nous reproduisons ci-après l’essentiel de la déclaration du Comité (pour la construction du POR) publiée le 25 mai à la suite de ces événements ::
À BAS LA GUERRE IMPERIALISTE MENÉE CONTRE LES PEUPLES DE SERBIE ET DU KOSOVO !
ARRÊT INCONDITIONNEL DES BOMBARDEMENTS !
RETRAIT DE TOUTES LES TROUPES IMPÉRIALISTES, À COMMENCER PAR LES TROUPES FRANCAISES DES BALKANS !
DROIT À L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO ! À BAS LES ACCORDS IMPÉRIALISTES VISANT À TRANSFORMER LA RÉGION EN PROTECTORAT !
DÉFENSE INCONDITIONNELLE DES TRAVAILLEURS ET SOLDATS DE SERBIE QUI ONT ENGAGÉ LE COMBAT CONTRE LE RÉGIME DE MILOSEVIC !
DES ÉVÉNEMENTS À CARACTÈRE RÉVOLUTIONNAIRE
Depuis le 14 mai, des événements d’une extrême importance se sont développés en Serbie : d’abord des manifestations, dans plusieurs villes, contre l’envoi de soldats serbes au Kosovo puis la désertion, les armes à la main, d’au moins 1400 soldats serbes stationnés au Kosovo, revenant chez eux " pour défendre leurs familles " menacées par la police pour avoir osé manifester.
Cela signifie que, en dépit de la propagande incessante organisée par le gouvernement Milosevic pour exacerber le nationalisme et le chauvinisme, en dépit de la terreur policière, des milliers de travailleurs et de jeunes ont bravé ce régime pour affirmer " cette guerre n’est pas la nôtre ". C’est un démenti cinglant à tous ceux qui, en France ou ailleurs, accusent mensongèrement les travailleurs et la jeunesse serbes d’être solidaires de Milosevic dans la guerre que le gouvernement de ce dernier mène contre le peuple du Kosovo ; c’est un démenti pour tous ceux qui développent ce mensonge afin de justifier l’intervention impérialiste présentée ainsi comme le remède aux massacres et déportations au Kosovo.
C’est la démonstration que, en dépit des coups terribles reçus depuis dix ans, les travailleurs et la jeunesse de Serbie sont à même d’engager le combat pour mettre bas le régime de Milosevic, régime issu de l’ancienne bureaucratie titiste qui a réintroduit le capitalisme, régime de défense de l’ordre bourgeois. (...)
LE BUT RÉEL DE L’INTERVENTION IMPÉRIALISTE
Déjà, en Bosnie, l’intervention menée au nom de la " souveraineté de la Bosnie " a abouti à ce que, depuis 1995, le représentant des puissances impérialistes y décide de tout, de la taille des billets de banque à la forme des plaques minéralogiques ; 30 000 soldats des puissances impérialistes y sont installés à demeure. (...)
L’intervention impérialiste n’a en réalité pour but ni la reconnaissance du droit à l’indépendance du Kosovo – les puissances impérialistes le rejettent explicitement – ni d’empêcher la répression massive au Kosovo par le régime de Milosevic (la répression s’est même amplifiée depuis que les bombardements ont commencé). Elle a pour but d’imposer à Milosevic un protectorat sur toute la région., l’impérialisme américain entendant occuper la place décisive au détriment des autres puissances (impérialismes français, italien, allemand...). (...)
POUR LE DROIT A L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO,
POUR LA CHUTE DU RÉGIME BOURGEOIS MILITARO–POLICIER DE MILOSEVIC :
SUR CES OBJECTIFS, OUVRIERS ET PAYSANS DE SERBIE ET DU KOSOVO ONT ENGAGÉ LE COMBAT !
Mais les événements révolutionnaires d’Alexandrovic et de Krusevac (sud de la Serbie) ont indiqué dans quelle voie pouvaient être réalisées les aspirations des ouvriers et paysans des Balkans . Ces événements ont aussi montré la capacité des masses de se dégager des conflits nationaux à travers lesquels impérialistes et gouvernements de la région tentent de les dresser les uns contre les autres.
Dans ces villes, à l’initiative des mères de soldats serbes, des milliers de manifestants ont défilé contre l’envoi des troupes serbes au Kosovo s’en prenant violemment au représentant local de Milosevic. Devant les menaces du régime promettant de juger les organisateurs des manifestations pour " haute trahison ", les soldats can-tonnés au Kosovo sont rentrés en particulier à Krusevac avec leurs armes. Le régime de Milosevic, pour faire rendre les armes, a dû composer, garantir aux soldats qu’ils ne seraient pas contraints de retourner au Kosovo, essayant d’éteindre l’incendie qui menaçait de s’étendre, avant d’organiser de nouveau la répression.
EXIGER DES DIRIGEANTS DE LA CGT, DE FO, DE LA FSU, DE LA FEN, DE L’UNEF ET L’UNEF-ID AINSI QUE DU PS ET DU PCF : QU’ILS ROMPENT LE SOUTIEN OUVERT OU MASQUÉ À LA GUERRE IMPÉRIALISTE ; QU’ILS ENGAGENT LE COMBAT POUR LE RETRAIT DE l’ARMÉE FRANCAISE DES BALKANS
Comme le montrent les événements révolutionnaires d’Alexandrovac et de Krusevac, ce sont les ouvriers et paysans de Serbie et du Kosovo qui se débarrasseront de Milosevic, qui obtiendront le droit des peuples de cette région à disposer d’eux même, y compris l’indépendance pour le Kosovo. Dans cette bataille, la responsabilité des dirigeants du mouvement ouvrier est de leur apporter un soutien inconditionnel. Et surtout : leur première responsabilité est d’engager le combat contre le gouvernement français qui envoie les troupes dans les Balkans, écrase de bombes villes et villages de Serbie et du Kosovo à seule fin de défendre la " place " de l’impérialisme français dans les Balkans. Cela signifie en particulier l’organisation de l’embargo sur l’envoi de troupes et matériel pour la guerre impérialiste.
C’est exactement le contraire de la politique actuelle des dirigeants qui sous les dehors hypocrites de l’" aide humanitaire ", du soutien à une " solution négociée ", s’associent en réalité étroitement à l’agression impérialiste organisée par le gouvernement PS-PCF-RCV (en osmose totale avec Chirac). C’est ainsi que le PCF, la LCR et LO, la direction de la CGT en appellent à l’ONU - cette caverne de brigands - pour que soit envoyée au Kosovo une " force multinationale ", c’est-à-dire des armées d’occupation , comme si l’ONU était d’une autre nature que l’OTAN. (...).
_________________
À l’inverse, chaque fois qu’ils en eurent la possibilité, les militants du Comité (pour la construction du POR) défendirent l’exigence de l’arrêt sans condition de la guerre impérialiste et du retrait des armées - françaises en particulier - des Balkans. En même temps, ils affirmaient le droit à l’indépendance du peuple albanais du Kosovo. Ces positions furent en particulier défendues dans les instances de la FSU et de ses syndicats, à l’occasion du congrès académique du SNES de Clermont-Ferrand, du congrès départemental du SNUipp du Rhône, etc... De même, au congrès national de l’UNEF-ID, une déléguée intervint pour exiger que, à cette fin, le congrès se prononce pour l’organisation, dans l’unité des fédérations et confédérations syndicales, du boycott de l’envoi d’hommes et d’armes dans l’ex-Yougoslavie : .. la direction du congrès décida d’abréger cette intervention.
Mais d’une manière générale, compte tenu de la politique des appareils syndicaux et des dirigeants des partis ouvriers, nulle part en Europe et aux États-Unis le prolétariat ne fut à même de se dresser contre l’intervention impérialiste dans les Balkans. Quand il y eut des manifestations importantes contre les bombardements, comme en Italie, ce fut sur la " ligne " d’une intervention de l’ONU à la place ... de l’OTAN.
MILOSEVIC SE SOUMET
Ce sont les manifestations contre l’envoi de soldats serbes au Kosovo puis la désertion d’unités militaires, originaires en particulier de Krusevac, qui ont conduit Milosevic à accepter, le 28 mai, les exigences impérialistes (bien que tôt ou tard Milosevic aurait dû se soumettre aux exigences impérialistes). Le même jour, les manifestations étaient interdites dans la ville de Cacak : la police justifiait cette interdiction par le fait qu’elle ne " voulait pas d’un nouveau Krusevac ". À l’évidence, la situation allait devenir incontrôlable. Le 9 juin, un accord militaire technique complétait l’accord politique et ouvrait la voie au retrait des troupes serbes, suivi aussitôt par l’arrivée des armées impérialistes : l’objectif de ces dernières était d’interdire aux insurgés albanais d’occuper le terrain libéré. Certes, la direction de l’UCK, organisation nationaliste petite bourgeoise, avait fait allégeance à l’impéria-lisme américain et les insurgés ainsi désarmés politiquement, ne pouvaient qu’accepter l’ordre impérialiste. Mais la population albanaise affirme plus que jamais la volonté que le Kosovo soit indépendant. Pour l’impérialisme, l’objectif immédiat est atteint ; mais à terme, rien n’est réglé. En particulier, " l’autonomie substantielle " sera, tôt ou tard, inacceptable pour les albanais du Kosovo, d’autant plus qu’il est spécifié, sur le modèle de l’accord d’Oslo concernant les palestiniens, que cette " autonomie " concerne " la population du Kosovo " et non le Kosovo lui-même.
L’AVENIR : UNE PROFONDE INSTABILITÉ
La presse a mis en évidence la déclaration de William Zimmermann, dernier ambassadeur des États-Unis à Belgrade : " L’OTAN est dans la région pour vingt ou trente ans ".
Simple manifestation de l’arrogance de l’impérialisme dominant ? Mais dans la même interview cet ambassadeur considère comme une " erreur " des bombardements qui ont surtout touché la Serbie et rappelle que les États-Unis avaient " soutenu Milosevic après la Bosnie ". En clair, il s’inquiète de l’affaiblissement excessif de la Serbie, préjudiciable au maintien de l’ordre régional : " Je ne suis pas très optimiste. D’abord parce que je suis convaincu que Serbes et Albanais peuvent vivre ensemble au Kosovo, même avec un régime d’autonomie. Et si le Kosovo n’est pas stable, il y a un risque de déstabilisation de la Macédoine et de l’Albanie. La situation au Monténégro est préoccupante aussi ".
Une fois encore, c’est le mouvement des masses qui est redouté. Pour y faire face, d’autres solutions sont envisagées discrètement : en particulier celle d’un charcutage du Kosovo, une partie pour la Serbie, une partie " indépendante ", c’est-à-dire sous occupation militaire impérialiste. Il suffit de regarder la répartition des zones militaires d’occupation pour voir comment un tel découpage correspond aux intérêts rivaux des impérialismes : du côté de l’Albanie, les zones confiées aux impérialismes allemand et italien, les plus hostiles à une Serbie forte. Au Nord près de la Serbie, avec quelques troupes russes, l’impérialisme français qui protège son vassal d’autrefois. D’ores et déjà, dans la zone française, la police serbe en civil avec les para-militaires peut poursuivre son activité. Quant aux États-Unis, ils se sont asservie la direction de l’UCK
Mais les impérialismes sont également inquiets qu’un puissant mouvement de masse balaye le gouvernement de Milosevic. Et ils redoutent qu’un tel effondrement soit le point de départ d’une nouvelle mobilisation des masses en Serbie et dans l’ensemble des Balkans. Aussi tentent-ils de prendre en main une " opposition " respectable, à même de remplacer Milosevic tout en canalisant et contrôlant le mouvement des masses : cela est d’autant plus aisé qu’il n’y a pas en Serbie de Parti ouvrier, et encore moins de Parti ouvrier révolutionnaire.
Rivalités entre les impérialismes, mobilisation des masses confrontées à une misère croissante, absence de parti révolutionnaire à même d’offrir une issue politique, de tracer la perspective d’une fédération socialiste des Balkans : de la combinaison de ces facteurs il ne peut résulter qu’une profonde instabilité. C’est donc dans cette situation que devra commencer à être résolue la construction du Parti ouvrier révolutionnaire.