SOMMAIRE
CPS N° 78                                                                                              20 JUIN 1999


ÉLECTIONS EUROPÉENNES : LA TROISIÈME DÉFAITE DE CHIRAC

Plus que jamais, une exigence :

DEHORS CHIRAC !
GOUVERNEMENT DES SEULS PARTIS OUVRIERS :
GOUVERNEMENT DU PS ET DU PCF SANS MINISTRE ISSU
D’ORGANISATION BOURGEOISE !

En apparence, rien ne change véritablement. Et pourtant, les élections européennes de juin 1999 marquent, en France, un tournant dans la situation présente.

Rien ne change : deux ans après la défaite de Chirac aux élections législatives de mai-juin 1997 et l’éviction de la majorité RPR-UDF au profit d’une majorité de députés PS et PCF, les rapports entre les

deux classes fondamentales demeurent inchangés.

Et en même temps : les résultats de ces élections, dont le RPR ressort comme froudroyé, provoquent un véritable séisme politique au sein de la bourgeoisie. C’est l’élément le plus important. Par ailleurs, ces résultats accélérent le naufrage du PCF. C’est donc sur l’ensem-ble des processus en cours, sur leurs causes et implications, qu’il est nécessaire de revenir.

ÉLECTIONS " EUROPÉENNES " : DES RÉSULTATS ESSENTIELLEMENT NATIONAUX

À l’issue de ces élections, quelques commentateurs ont tenté de tirer des enseignements généraux en évoquant en particulier un " reflux européen " des partis sociaux-démocrates. Dans cet exercice, le journal L’Humanité s’est particulièrement distingué en titrant sur une page entière : " l’Europe rose en perte de vitesse ", ce qui lui permettait de relativiser la débâcle du PCF. Ce genre de considérations s’appuie en particulier sur le fait que, au " parlement " de Strasbourg, le regroupement des élus des partis sociaux démocrates, avec 180 élus, perd 34 siège au profit du principal groupement bourgeois qui atteint 224 députés.

Mais il s’agit d’un exercice un peu vain, tant les situations varient d’un pays à l’autre. Le seul point commun à l’ensemble de ces pays, c’est que tous les prolétariats d’Europe sont confrontés à une offensive en règle conduite par leurs gouvernements respectifs (quelle que soit la composition de ces gouvernements) ; c’est que tous les prolétariats d’Europe ont été confrontés, plus ou moins directement, à l’inter-vention impérialiste dans le Balkans et qu’aucun de ces prolétariats n’a pu exprimer une résistance conséquente à cette offensive ; et le point commun - du fait de l’absence générale de parti révolutionnaire - c’est que nulle part n’a été présentée à l’occasion de ces élections une liste qui formule la nécessité du combat pour le gouvernement ouvrier, du combat pour en finir avec le capitalisme et son État, du combat pour les États-Unis socialiste d’Europe. Dans ce cadre général, les résultats électoraux ont alors été essentiellement déterminés, par la situation politique et les rapports entre les classes propres à chaque pays.

Dans cet ensemble très disparate, on peut néanmoins établir des analogies entre tel et tel pays particulier. Ainsi les partis ouvriers sont-ils le plus souvent (mais pas dans tous les cas) sévèrement sanctionnés quand ils sont partie constitutive d’un gouvernement bourgeois : les résultats traduisent alors le rejet par les travailleurs de la politique anti-ouvrière de ces gouvernements.

C’est notamment le cas en Allemagne et en Angleterre où les partis ouvriers majoritaires dans les parlements respectifs, le SPD en Allemagne et le Labour Party en Angleterre, subissent une sévère défaite, ce qui est un désaveu cinglant pour Schröder et Tony Blair quelques jours près que ces derniers aient publié " un manifeste " à la gloire du capitalisme. Précisons que la politique mise en oeuvre par Jospin et le gouvernement qu’il dirige vaut bien celle de Schröder et de Tony Blair : mais c’est avec une particulière brutalité que ces derniers affichent leur volonté de défendre le capitalisme, se préparant à tenter de liquider le SPD et le Labour en tant qu’organisations ouvrières, à en finir avec ce qui reste " d’ouvrier " de ces organisations.

En réalité, le seul point commun, c’est le taux d’abstention, très élevé dans tous les pays de l’Union européenne, et plus élevé que jamais. Encore qu’il faille aussitôt préciser que ce taux d’abstention est lui-même très variable : il est de 32% en Italie et 35% en Espagne, s’élève à 53% en France et 55% en Allemagne pour culminer à 61% en Suède et 75% au Royaume Uni. Mais au delà de ces écarts, ce point " commun " a justement comme racine première le fait qu’un très grand nombre d’électeurs comprend que toutes les décisions dans le cadre de l’Union européenne sont prises en dehors du " parlement " dit de Strasbourg ; qu’elles sont prises directement aux niveaux des gouvernements et de leurs représentants directs à Bruxelles ; et chacun se rend bien compte que cette Union eurpéenne n’a comme seule fonction que de servir les intérêts du capital au détriment de la classe ouvrière et de l’immense majorité de la population.

Les résultats français doivent donc être analysés d’un point de vue " national ". Cela ne veut pas dire en ignorant la question européenne : au contraire, c’est justement cette question " européenne " qui constitue la ligne de faille au sein de la bourgeoisie française et en nourrit sa crise.

DES RAPPORTS FONDAMENTAUX INCHANGÉS, ET DEUX SÉISMES DE NATURE DIFFÉRENTE

Ces élections sont d’abord marquées par une abstention record qui dépasse 53%. À quoi il faut ajouter un autre " record ", celui des votes blancs ou nuls, supérieurs à 1 100 000 voix. Cette abstention massive n’est pas nouvelle pour ce type d’élection : il y avait eu 52,6% d’abstentionnistes aux élections européennes de 1989 et 50,1% en 1994. Mais il s’accroît encore. En ce qui concerne les travailleurs, l’abstention et le refus de vote signifient le rejet de la politique du gouvernement ; en outre, les listes impulsées par le PS et le PCF comportaient chacune un fort contingent de représentants de la bourgeoisie. L’abstention frappe également très fortement l’ensemble des partis bourgeois qui sont profondément divisés sur des questions essentielles. Sur cette base, par rapport à 1997, les résultats traduisent un effondrement du nombre des suffrages exprimés tant pour les listes Hue et Hollande que pour celles des partis bourgeois. Mais en pourcentage des votes exprimés, l’équilibre général n’est pas modifié par rapport à 1997 (pour autant qu’on puisse faire une comparaison précise compte tenu de la différence entre ces types de scrutins).

Si l’on compare avec les européennes de 1994, avec un taux d’abstention de même ampleur, on constate que l’ensemble des candidats PS-PCF-LO-PT regroupait 24% des suffrages exprimés. En 1999, l’ensemble équivalent (les trois listes de Hollande, Hue et Laguiller-Krivine) recueille 32,9% de voix : à l’évidence, la situation qui s’est ouverte en juin 1997 n’est pas close et les partis de la bourgeoisie, sont incapables de reprendre l’initiative politique alors que toute la politique anti-ouvrière du gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Kouchner-Voynet leur prépare le terrain et vise à faire refluer la classe ouvrière. (Précisons néanmoins que cette fois-ci, la présence de candidats bourgeois sur la liste de Hue comme sur la liste de Hollande - laquelle incluait les radicaux et le MDC - rendait impossible un vote à proprement parler " ouvrier ". Mais les travailleurs qui ont voté pour ces listes ont cherché, eux, à exprimer un vote ouvrier).

Pourtant si l’équilibre général paraît inchangé, c’est un puissant séisme qui vient de se produire et de bouleverser les rapports politiques au sein de chacune des deux classes en présence : le RPR est en état de choc profond et commence à se disloquer. En ce qui concerne le PCF, son naufrage apparaît désormais inexorable y compris pour une grande partie de ses adhérents. Compte tenu de l’importance décisive que jouent, chacune à sa manière, ces deux organisations au sein de leur classe respective - et sans que les deux événements soient de même nature - c’est en fait tous les rapports qui en sont modifiés.

DISLOCATION DU RPR

Les chiffres sont sans appel : avec 12,7% des suffrages exprimés, soit un peu plus de 6% des électeurs inscrits, le RPR subit un défaite historique. Pour n’importe quel parti bourgeois traditionnel, un tel résultat serait en soi facteur de crise. Mais le RPR n’est pas n’importe quel parti : dans le cadre de la VèmeRépublique, le " parti du président " joue un rôle central : il est au service du président-bonaparte. Cela implique qu’il soit hégémonique au sein du parlement, lequel n’avait, pour le fondateur de la VèmeRépublique, qu’un rôle croupion où siégeait une majorité de " godillots ". Le fait que Chirac ait été politiquement battu avec la défaite du RPR et de l’UDF lors des législatives de juin 1997 conduit à une situation anormale où la VèmeRépublique marche sur la tête : le fonctionnement normal des institutions, institutions bonapartistes bâtardes, implique que tout pouvoir émane du président-bonaparte.

Certes, il est déjà loin le temps " béni " du gaullisme où de Gaulle disposait d’une très large et docile majorité parlementaire. Et, en particulier au cours des deux dernières décennies, les institutions de la Vème République ont montré qu’elles étaient capables d’une certaine " souplesse ". Mais une telle souplesse a nécessairement une limite. Car le dysfonctionnement des institutions qui en résulte handicape nécessairement la bourgeoisie française dans son combat incessant contre sa propre classe ouvrière et pour maintenir son rang parmi les grands impérialismes de la planète.

La dissolution de l’Assemblée nationale par Chirac en 1997 visait, une fois encore, à surmonter ce handicap : il cherchait à obtenir une majorité " de combat ", fût-elle quelque peu racornie, pour engager une brutale offensive contre la classe ouvrière : une majorité " à sa botte ", la précédente majorité RPR-UDF ayant fait étalage de ses divisions, en particulier sur la question de l’Union européenne. On connaît la suite : une défaite retentissante, la majorité parlementaire RPR-UDF balayée, et Chirac groggy face à une majorité de députés PS-PCF. Ce qui était à l’ordre du jour c’était de chasser Chirac, de constituer un gouvernement du PS et du PCF et de briser ce régime vermoulu. Et c’est comme dernier rempart face à cette menace que PS et PCF ont constitué un gouvernement de coalition avec la bourgeoisie, gouvernement qui a aussitôt assuré la protection politique de Chirac et de la Vème République. Et depuis juin 1997, c’est à bout de bras qu’est soutenu Chirac par les dirigeants du PS et du PCF.

Nombreux sont ceux qui sous-estimèrent alors la profondeur de la crise, évoquant dans cet épisode un simple " accident ", affirmant que cette défaite n’était que relative, niant ainsi qu’il s’agissait de la crise du régime gaulliste de la VèmeRépublique. Si cela avait été vrai, très vite Chirac, le RPR et aussi l’UDF, avec l’aiguillon constitué par le Front National fort de ses 15% de voix, devaient reprendre l’initiative. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, s’appuyant en cela sur la politique clairement réactionnaire du gouvernement PS-PCF-Radicaux-Citoyens-Verts. Les élections régionales de 1998 constituaient la première échéance. Chirac en espérait beaucoup. Ce fut l’inverse : mars 1998 constituait une nouvelle défaite pour Chirac, les résultats confirmaient la situation ouverte en juin 1997. Très vite l’UDF, la première, se disloquait. La crise ravageait le RPR dont Séguin avait pris la direction l’année précédente contre la volonté de Chirac.

En janvier 1999, la bataille politique au Conseil régional Rhône-Alpes exacerbait l’affrontement entre le RPR et la nouvelle UDF reconstruite autour de Bayrou. La victoire de la candidate de l’UDF, soutenue par le Parti socialiste, les Verts et le PCF, devenait le point de départ d’une résurgence de l’UDF. En vain Chirac tentait-il alors de " réunifier " l’opposition et de rassembler autour de lui le RPR avec DL et l’UDF. Sous l’impulsion de Raymond Barre, l’UDF rompait les amarres et annonçait qu’elle formerait sa propre liste aux élections européennes.

Avril 1999 : en pleine guerre de la coalition impérialiste contre les peuples des Balkans et à quelques semaines des élections, Séguin abandonne la direction du RPR en claquant la porte. Sarkozy est chargé de limiter le désastre électoral qui se profile : mais en juin, les résultats sont encore pires que ce que pouvait redouter Chirac. C’est la troisième défaite de Chirac. Un an après celle des régionales, cela signifie que juin 1997 n’était pas un " accident " malheureux dû à une initiative intempestive de Chirac, mais l’expression d’une crise profonde, crise de la bourgeoisie française et de ses partis, crise de la VèmeRépublique. Plus encore, ces défaites successives ne font pas que confirmer la gravité de la situation pour les partis de la " majorité présidentielle ": elles approfondissent la crise du régime et de ses partis et amplifient la défaite de 1997.

L’ANCIENNE " MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE " DÉTRUITE

Si les résultats électoraux sont un facteur de crise, ce qui pèse plus encore est l’ampleur des déchirures au sein de l’ex-majorité présidentielle. La comparaison avec 1994 est de ce point de vue instructive. En 1994, la liste commune RPR-UDF recueille 25,6% des voix, ce qui est alors considéré comme une gifle politique pour le premier ministre en place. À cela on peut ajouter la liste de de Villiers à laquelle Pasqua délivre un label " majoritaire " et qui rassemble 12,3% des voix. Le Front National fait quant à lui 10,5% des votants. Le recul est manifeste en 1999 : si l’on additionne les voix distinctes du RPR et de l’UDF, le recul est de 4,5%. Les deux " Front national " reculent ensemble de 1,6% par rapport au résultat de 1994. Et la liste Pasqua, avec 13,05% contre 12,33% pour la liste de Villiers en 1994, ne compense guère ce recul général.

Pourtant, le plus grave pour Chirac réside en la division des forces politiques qu’il a tenté en vain, deux ans durant, de rassembler derrière lui. Ainsi, du côté de l’UDF, on " pavoise " : pourtant, avec 9,5% des votants et 4,7% des inscrits, les résultats de la liste conduite par Bayrou sont pour le moins modestes. Mais l’essentiel pour Bayrou réside en ce qu’il affirme ainsi, un an après la dislocation de l’UDF et le départ de Madelin, l’indépendance de la nouvelle UDF à l’égard du RPR.

Même " triomphe " du côté de Pasqua alors que sa liste, conduite avec de Villiers, ne regroupe guère plus que celle de de Villiers seul en 1994 sur un programme sensiblement analogue. mais en l’affaire, l’essentiel est que cette liste est conduite par Pasqua, ancien dirigeant historique du gaullisme et que c’est à sa liste que de Villiers s’est rallié : politiquement, l’existence même de cette liste exprime donc une rupture issue du RPR. Le fait, qu’en outre, la liste dirigée par Pasqua devance - fut-ce de peu - celle du RPR constitue un désastre pour le RPR (d’autant plus que ce dernier avait le soutient de DL avec Madelin).

La sanction est alors immédiate : aussitôt connus les résultats, Pasqua annonce la constitution du Rassemblement pour la France, dont le sigle se réfère explicitement à la tradition gaulliste (le RPF fut lancé en juin 1947 par de Gaulle). Avec la constitution du RPF , c’est donc le RPR qui se brise en deux.

QUEL AVENIR POUR L’IMPÉRIALISME FRANCAIS ?

Fondamentalement, c’est la question de la place et de l’avenir de l’impérialisme français qui est au coeur de la crise du régime gaulliste de la VèmeRépublique et de ses partis. Rappelons que le coup d’État de de Gaulle en 1958 avait comme fonction principale de permettre à la bourgeoisie française de surmonter l’effon-drement de son empire colonial. Après avoir été contraint de renoncer à l’Algérie " française ", le régime gaulliste entreprit d’assurer la défense des intérêts du capitalisme français au sein de ce qui était d’abord le " marché commun " et " l’Europe des six " tout en préservant autant que faire se peut son contrôle sur l’ancien empire colonial français.

De ce point de vue, la réunification de l’Allemagne en 1989/90 marque un tournant historique : l’impérialisme allemand est désormais dominant en Europe comme au sein de la seule " Union européenne ". Et ces rapports ainsi modifiés s’inscrivent dans une situation nouvelle marquée par la dislocation de l’URSS, la réintroduction du capitalisme en Russie comme dans l’ensemble des pays de l’ex-URSS ; et par le fait que l’impérialisme américain est à partir de là la seule puissance mondiale. C’est une situation contradictoire et insoluble pour le capitalisme français en particulier. D’un côté le capitalisme tente de surmonter le cadre étriqué des frontières nationales dans lequel il s’est historiquement constitué et qui, depuis fort longtemps, l’étouffe : la mise en place de l’Union européenne tente de répondre à cette nécessité mais ne constitue qu’un succédané à une union politique, fédérale ou confédérale, que les divers capitalismes sont incapables de réaliser. Mais d’un autre côté, cette " union " économique et financière entre des États qui demeurent des États nationaux implique un nombre important de contraintes qui limitent la liberté d’action de chaque gouvernement, de chaque État, en défense de son propre capitalisme.

Qui plus est, cette Union ouvre très largement à la concurrence et multiplie sensiblement les contraintes réglementaires fixant dans tous les domaines les mêmes normes de concurrence quelles que soient les " résistances " nationales, au moment même où l’impérialisme allemand affirme son emprise sur l’Union européenne. Pour des secteurs importants de la bourgeoisie française, cette concurrence accrue et ces réglements " européens " qui se substituent à tous les textes, normes et réglements protecteurs du marché national, sont de plus en plus difficilement supportables et ne sauraient en aucun cas s’accroître davantage. Certains secteurs de la bourgeoisie, nombre d’entreprises, sont ainsi menacés de disparition. Ces couches de la bourgeoisie française trouvent un relais politique " naturel " au sein des réseaux gaullistes, et dans ce qui demeure en place de " l’État-RPR ", tout particulièrement dans la police, l’armée, la haute magistrature.... Or, le capital financier, les couches dominantes de la bourgeoisie française, ont exprimé un choix inverse: accepter l’Union européenne aux conditions allemandes comme étant le moins mauvais choix et ouvrir l’ensemble de l’économie à la concurrence entre capitalismes européens. C’est cette fraction dominante qui a contraint Chirac et le RPR à accepter les accords de Maastricht, l’accord de Dublin, la mise en place de l’euro tel que l’a décidé la bourgeoisie allemande. Et, à Amsterdam en juin 97, Jospin avec Chirac a ratifié cette politique. Mais au sein du RPR, les tensions n’ont cessé de s’amplifier, les lignes de faille sont devenues des ruptures ouvertes : candidatures rivales de Chirac et de Balladur lors des présidentielles de 1995, campagne menée en commun par Séguin et Pasqua contre le traité de Maastricht, et pour finir création du RPF à l’initiative de Pasqua.

Ce n’est pas une coïncidence si c’est l’année même où se met en place l’euro, événement dont on ne peut sous-estimer la portée, que le RPR se brise avec la création du RPF. Bien évidemment, plus les fractures s’approfondissent et plus se multiplient les appels à " l’union de l’opposition ". Une telle " union " est en effet indispensable à nombre de dirigeants bourgeois pour revenir au pouvoir. Mais sur quelle ligne politique réaliser l’union ?
 
 

DEUX LIGNES POLITIQUES

La difficulté principale pour Chirac, ce qui reste du RPR et tous ceux qui rêvent " d’union ", c’est que désormais deux lignes cohérentes s’expriment au travers de deux organisations distinctes rivales de ce qui s’appelle encore le RPR. La ligne de Bayrou, c’est la défense des intérêts de ceux qui, au sein de la bourgeoisie française, sont prêts à accroître l’ensemble des dispositions réglementaires et juridiques facilitant plus encore la libre circulation du capital et des marchandises. Encore faut-il nuancer : lorsque Bayrou se réclame du " fédéralisme " et prône l’élection d’un président européen, il se garde bien de définir ce que seraient les pouvoirs de ce " président ".

De même faut-il nuancer le " souverainisme " de Pasqua, qui ne va pas jusqu’à proposer la dislocation de l’Union européenne. Simplement, il représente ceux dont l’intérêt est de ne pas s’engager plus avant et qui cherchent la réponse la plus efficace à la question : comment faire face aux difficultés de l’impérialisme français qui est le plus fragilisé des grands impérialismes par les modifications des rapports internationaux, en particulier par la réunification de l’Allemagne qui domine désormais en Europe .

RPR : QUI DIRIGE ? PERSONNE !

Pris en étau entre ces deux orientations, le RPR et Chirac sont aujourd’hui tétanisés, incapables de faire un choix politique. Or, louvoyer n’est plus possible. Cette impasse s’est exprimée de manière caricaturale lors d’une réunion tenue par Chirac deux jours après le désastre des européennes : face à une vingtaine de députés RPR, DL et UDF, Chirac a expliqué sans rire : " ce dont vous souffrez, c’est d’un manque de projet, d’identité. Il vous appartient de retrouver un projet, le président de la République ne peut pas le faire à votre place. Les initiatives, c’est à vous de les prendre ". C’est un extraordinaire aveu d’impuissance et l’affirmation, par le " président-bonaparte " lui-même d’un rapport entre groupes parlementaires et président qui est la négation même de ce qu’exige le fonctionnement normal de la Vème République : la politique du président est totalement soumise à ceux-là même qui devraient n’être que de simples agents d’exécution.

Ce à quoi le député Dominique Dord (Démocratie Li-bérale) répond brutalement : " Votre parti, le RPR, a fait 12% avec DL, c’est donc ce que vous représentez : 12% avec DL. À chaque fois, vous nous refaites le coup du projet commun, des programmes, on en a plein les placards et ils n’ont jamais servi ".

Mais Chirac n’a plus rien à dire. Il ne peut qu’approuver : " dans les placards, il y a des programmes, ce que je vous demande, ce sont des projets qui montrent la nature profonde de votre identité ".

Cette impasse complète se traduit aussi par le fait qu’aussitôt après la démission de Sarkozy consécutive à la défaite électorale, Chirac échoue à imposer Alain Juppé à la tête du RPR. Le tollé qui suit cette proposition amène alors Juppé à claquer bruyamment la porte du Conseil politique du RPR.

Jamais, dans l’histoire de la Vème République une crise si profonde n’avait touché le président et son parti en pleine décomposition. C’est une crise du régime de la Vème République qui pose la question de passer à un autre mode de domination. Mais sur cette question, la bourgeoisie est profondément divisée.

UNE DISLOCATION PARALLÈLE  : CELLE DU FRONT NATIONAL

Organisation ultra-réactionnaire, xénophobe et fascisante, le Front national a joué jusqu’en 1997 le rôle d’aiguillon pour la bourgeoisie française, regroupant sur le plan électoral jusqu’à 15% des voix.

La crise qui l’a violemment touché durant l’année 1998, conduisant à son éclatement en deux organisations en décembre 1998, s’est concrétisée sur le terrain électoral par un net recul (si l’on compare à 1994), et un véritable effondrement si l’on compare avec 1997. Fait significatif : dans cette débâcle, le pire résultat est celui de la liste Mégret, celui qui se montrait le plus ouvert à la recherche d’une alliance avec d’autres forces bourgeoises : la liste conduite par Mégret ne recueille que 3,2% tandis que celle de Le Pen arrive, non sans mal, à franchir la barre des 5%.

Autre fait significatif : ce désastre ne profite, électoralement, ni à Chirac - dont le parti est en pleine débandade - ni même à Pasqua dont la liste obtient moins de 1% de plus que celle de de Villiers en 1994 : les quelques voix supplémentaires sont en grande partie elles-mêmes grappillées au détriment du RPR. C’est l’abstention qui a été choisie par nombre d’électeurs du FN Tout cela ne fait que confirmer les véritables raisons qui apparaissaient déjà en 1998 à cette crise destructrice du Front national. D’une part, la bourgeoisie n’a ni le besoin ni la possibilité, à l’étape actuelle, d’une organisation de masse combattant par la violence contre la classe ouvrière, d’une organisation de type fasciste. D’autre part, l’orientation fondamentale du Front national, celle du nationalisme exacerbé, et de la défense absolue des " intérêts français ", est contradictoire avec le cadre de l’Union européenne auquel la bourgeoisie française, dans ses couches dirigeantes, a décidé de se rallier ouvertement : le Front national devient alors davantage un obstacle qu’un parti utile à la bourgeoisie, au moins pour le moment. Il ne disparaît pas pour autant et, ultérieurement, l’une ou l’autre de ces composantes peut être " réactivée ".

LA DÉFAITE DE CHIRAC FRAGILISE LE GOUVERNEMENT FACE À LA CLASSE OUVRIÈRE

Il est significatif que la crise qui brise le Front national soit concomitante à celle qui brise le RPR. Les deux ont la même racine.

De cette crise qui touche le RPR, Chirac ressort défait. Plus que jamais se fait jour l’exigence :

Dehors Chirac !

Mais le gouvernent que dirige Jospin, l’ensemble des forces politiques qui le constituent, est tout entier attaché à la protection du " président " de la Vème République. Fort opportunément, un récent sondage a " prouvé " que, au lendemain des élections, 70% des interrogés considéraient que le gouvernement sortait " renforcé " de ces élections. Il suffit de savoir formuler les questions. En réalité, le gouvernement n’en sort pas " renforcé ". Par contre ce qui est rendu plus difficile c’est la liquidation de la majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale : la défaite de Chirac exclut ainsi qu’il puisse dissoudre aujourd’hui - comme la Vème République le lui permet - l’Assemblée nationale.

Mais l’affaiblissement de Chirac touche aussi le gouvernement qui le soutient, gouvernement d’alliance avec la bourgeoisie qui se dresse contre ce que signifie l’existence d’une majorité PS-PCF à l’Assemblée: la volonté de la classe ouvrière d’en finir avec la politique anti-ouvrière. La défaite de Chirac, c’est un affaiblissement majeur de tout le dispositif de maintien de l’ordre bourgeois qui est dressé face à la classe ouvrière. C’est donc sur les organisations traîtres au sein de la classe ouvrière, sur les appareils syndicaux, que va peser plus fortement encore la tâche de défense des intérêts de la bourgeoisie. Non sans mal, compte tenu en particulier du séisme qui a frappé le PCF.

LE NAUFRAGE DU PCF

Si l’on compare avec la situation qui était celle du PCF durant les années 50 et 60, si l’on se souvient du rôle central que jouait le PCF contrôlant, directement ou par le biais de l’appareil de la CGT, l’ensemble de la classe ouvrière, on mesure l’ampleur du désastre que représentent, pour les dirigeants du PCF, les résultats de la liste conduite par Robert Hue, liste baptisée avec une volontaire vulgarité " Bouge l’Europe " composée pour moitié d’individus non membres du PCF issus pour une part des rangs de la bourgeoisie.

Certes, ce n’est pas d’aujourd’hui que date la crise du PCF dont l’histoire est indissociable de la crise de l’appareil international du stalinisme, puis de sa disparition quand le capitalisme fut réintroduit par l’action conjuguée de la bureaucratie stalinienne et de l’impérialisme. Mais avec 6,8% des votants, soit 3,4% des inscrits, on arrive à un tournant. Au sein du PCF, ils provoquent un véritable séisme, multipliant les fractures au sein de l’appareil. D’ores et déjà, certaines fractions de cet appareil, dites d’opposition, cherchent à regrouper leurs forces.

Mais il n’y a pas d’issue pour le PCF et Robert Hue ne peut que poursuivre la même orientation. Il n’y a même pas, comme en Italie, une place vacante à occuper du fait de la quasi disparition du parti social-démocrate. Par ailleurs, Robert Hue a exclu que le PCF puisse, comme l’exige certains de ses opposants, sortir du gouvernement. Sa présence y est d’autant plus nécessaire que la fonction d’endiguement face à la classe ouvrière, fonction exercée par le gouvernement alors que les partis bourgeois sont en pleine crise, est plus que jamais indispensable. Mais continuer à participer au gouvernement implique d’apporter un soutien ouvert, affiché, à la politique anti-ouvrière, lequel ne peut qu’affaiblir un peu plus le PCF. Ce qui est ainsi à l’ordre du jour, ce sont de violentes dissenssions au sein du PCF, sur une tendance générale qui mène à sa liquidation.

La volonté de Hue et de la direction du PCF de transformer le PCF, c’est-à-dire d’en finir avec l’origine ouvrière du PCF, procède de la volonté d’affaiblir la classe ouvrière : l’opération est conduite au compte de la bourgeoisie. Fait notable : la ligne de fracture qui déchire la bourgeoisie et ses partis tend à fracturer le PCF lui-même. Sur la question de l’Europe en effet, le PCF dans son ensemble exprimait essentiellement la position d’une des fractions de la bourgeoisie française, celle qui était hostile en particulier au traité de Maastricht et à la mise en place de l’euro. Mais aujourd’hui, l’euro se met en place avec l’accord de la quasi-totalité de cette bourgeoisie.

À son tour, Robert Hue doit s’adapter à ce qu’accepte la bourgeoisie française tandis que se cristallise, dans le PCF, une fraction " souverainiste " reflétant les positions de Pasqua. De ce point de vue, la liste " paritaire " a constitué un outil décisif pour Robert Hue dans sa bataille pour aligner le PCF sur les besoins immédiats de la bourgeoisie française et en finir avec tout ce qui restait de l’origine ouvrière du PCF.`

La même ligne de partage a traversé le PCF à l’occasion de la guerre dans les Balkans, correspondant à celle qui partageait la bourgeoisie française : tandis que Bayrou approuvait bruyamment l’opération conduite par l’OTAN, Chirac traînait quelque peu les pieds, se félicitant ainsi que grâce à lui les ponts de Belgrade n’aient pas été tous détruits - Pasqua, Marie-France Garaud critiquaient eux, ouvertement, cet alignement de l’impérialisme français, critique à laquelle souscrivait Philippe Séguin par son épais silence sur cette intervention.

De même, au sein du PCF, une fraction condamnait fortement la guerre conduite contre le vieil ami de la bourgeoisie française qu’est la Serbie tandis qu’à l’inverse, à la tête même de la liste " Bouge l’Euro-pe " s’affichait le soutien ouvert à cette guerre.

La liste " Bouge l’Europe " est donc une étape décisive dans le processus de liquidation du PCF. Mais les conséquences vont en être immenses au sein de la classe ouvrière et au sein des appareils de la CGT et de la FSU : dans ces derniers, les fractures vont s’y développer alors même que la direction du PCF pousse la CGT et la FSU à s’aligner ouvertement sur la ligne de la CFDT, au compte de la bourgeoisie.

EN APPUI AU GOUVERNEMENT  : LA LISTE LO-LCR

Avec près de 5,3% de votants, cette liste obtient un résultat non négligeable mais qui ne marque pas un progrès sensible par rapport à des résultats antérieurs de Laguiller. La raison en est simple: les dirigeants de ces deux organisations ont tout fait pour fermer toute issue politique et repousser cette fraction de la jeunesse qui se tournait vers eux. Il n’y avait selon Krivine et Laguiller d’autre alternative possible que de " faire pression " sur ce gouvernement pour qu’il modifie sa politique ; ainsi, au lieu de combattre pour imposer l’abrogation de la loi Aubry dite " des 35 heures ", ce qui implique d’infliger une défaite à ce gouvernement, il s’agit, selon Krivine et Laguiller, de " faire pression " pour une " bonne " loi sur les 35 heures (ce qui n’est qu’une manière de conforter cette loi réactionnaire). Y compris au niveau du discours il n’est même plus question, pour Krivine et Laguiller, de socialisme et de combat pour les États Unis socialistes d’Europe.

Il n’en reste pas moins que les 900 000 voix qui se sont portées sur cette liste, contradictoirement à l’orientation politique de LO et de la LCR, expriment la recherche, par une fraction de la classe ouvrière et de la jeunesse, des voies et des moyens pour engager le combat pour en finir avec le régime capitaliste et son État, ce qui implique la construction d’un parti révolutionnaire. C’est contre cette aspiration que très clairement, et en particulier et à la fin de la campagne électorale, Krivine et Laguiller se sont dressés faisant savoir qu’il n’était pas question pour eux de construire un " Parti des travailleurs ", fut-ce sur leur programme (et à fortiori donc, un Parti ouvrier révolutionnaire).

LE RÔLE DES VERTS, ORGANISATION RÉACTIONNAIRE

La fonction du gouvernement PS-PCF-Radicaux-Citoyens-Verts mis en place en juin 1997 est de faire obstacle au mouvement des masses, de dresser un barrage face à une classe ouvrière qui, aussi bien par les manifestions et grèves de novembre-décembre 1995 que par l’élection d’une majorité PS-PCF en mai-juin 97, a affirmé sa volonté de mettre fin à l’offensive anti-ouvrière de la bourgeoisie. Un tel barrage est d’autant plus indispensable que le régime de la Vème République et de ses partis est en crise.

Depuis juin 1997, la nécessité d’un tel gouvernement perdure du fait de l’approfondissement de la crise du régime et du fait que la classe ouvrière n’a pas reflué. Mais au sein de ce gouvernement de type Front populaire, l’élément bourgeois doit être renforcé, même si l’actuelle combinaison de front populaire (PS-PCF-RCV) devait, pour un temps, être maintenue. Cela est nécessaire pour poursuivre la politique anti-ouvrière, en particulier le développement de l’annualisation et de la flexibilité du temps de travail (seconde loi Aubry), la liquidation de la Sécurité sociale et des retraites par répartition (mise en place des fonds de pension). Or l’élément bourgeois que constitue le parti radical, débris issu du vieux parti radical de la IIIème République est lui-même moribond : il n’est plus possible aujourd’hui de renouveler l’opération Bernard Tapie initiée par Mitterrand en 1994 qui regonfla de manière éphémère le Parti radical (cette liste obtenant alors 12%). De même le MDC de Chevènement est-il à bout de souffle.

Dans ces conditions, c’est par les Verts que passe aujourd’hui le renforcement de l’élément bourgeois au sein du gouvernement, gouvernement bourgeois dit de la " gauche plurielle ". Les Radicaux et le MDC n’ont pas présenté de liste autonome, à la différence de 1994. Ils ont été inclus dans la liste de Hollande, ce qui empêchait les travailleurs d’exprimer un vote de classe (la liste dite " paritaire " de Robert Hue, incluant des éléments bourgeois, avait aussi cette fonction). Mais en outre : le terrain était ainsi libre pour les Verts. Une puissante opération médiatique fut alors montée autour de Cohn-Bendit, celui-ci affichant très clairement son idéal " libéral ", c’est-à-dire son programme de défense du capitalisme. (Précisons ici que la caractérisation des Verts comme élément bourgeois n’est pas déterminée par la nature sociologique de son électorat, mais par la classe sociale qui a construit cette organisation et par son programme : programme de défense du capitalisme conforme à son origine, celle d’une organisation construite par la petite bourgeoisie).

Avec 9,7% des votes exprimés pour la liste des Verts, le résultat est alors apprécié par les commentateurs comme une " victoire ". Pourtant, un tel chiffre n’a rien d’exceptionnel : les Verts obtenaient déjà plus de 10% aux élections de 1989. Mais l’essentiel réside en ce que ces 9,7% sont acquis au moment même où la liste Hue ne recueille que 6,8% des voix.

Aussitôt des voix se font entendre pour exiger un rééquilibrage, au sein du gouvernement, en faveur des Verts en tant que composante bourgeoise la plus importante - électoralement parlant - du gouvernement (même si les Verts n’ont pas la " qualité " du Parti radical issu du vieux parti de l’impérialisme français). Mais d’autres opérations politiques, d’une toute autre ampleur, s’esquissent aujourd’hui, dans lesquelles les Verts ont un rôle charnière à jouer.

GRANDES MANŒUVRES

Aujourd’hui la bourgeoisie française s’inquiète, et les titres de la presse bourgeoise reflètent ces inquiétudes : " la crise du gaullisme affole les députés de droite " (Le Monde du 17 juin) " La droite française sort en lambeaux des européennes " (La Tribune du 14 juin), " le chaos ", etc...

Ce qui est redouté, c’est qu’à brève échéance, les partis bourgeois ne puissent récupérer directement le pouvoir : or le gouvernement de la " gauche plurielle " - front populaire n’est qu’un pis-aller, en temps de crise, et non la solution la plus efficace ni la plus simple pour gérer les intérêts de la bourgeoisie. Ainsi, le MEDEF clame-t-il aujourd’hui sa "solitude". Pourtant, à la veille des élections, Antoine Seillière sortait " content " d’une rencontre, consacrée aux 35 heures, avec Martine Aubry. Mais quarante-huit heures après les européennes, patatras ! " Rien ne s’est arrangé, nous sommes devant des problèmes considérables " explique le même dirigeant du patronat pour qui le MEDEF se considère aujourd’hui comme " seul en Europe, seul au monde ".

Dès lors, une question se pose : quelle alternative pour surmonter la crise du régime et de ses partis ? Les institutions de la Vème République peuvent-elles être aménagées sans être brisées, ou faut-il mettre en place un autre régime mieux adapté aux besoins et aux possibilités de la bourgeoisie française ? Or, une modification brutale n’est pas chose aisée : il y a le risque, toujours présent, d’une irruption de la classe ouvrière cherchant à profiter de la faille que représente un bouleversement institutionnel alors que la bourgeoisie n’a pas pu lui infliger une défaite. Il y a aussi les divergences réelles au sein de la bourgeoisie : certaines fractions considèrent que le maintien de la VèmeRépublique est la moins mauvaise solution, la plus conforme à leurs intérêts. D’autres fractions sont à la recherche d’une alternative, mais divergent entre elles sur le choix à opérer.

L’un des biais possibles pour préparer une transition est de recourir à une opération dite " au centre ", préfigurée par l’opération Rhône-Alpes de janvier 1999, où l’on vit le PS et le PCF - avec les Verts en avant-garde - soutenir la candidate de l’UDF sous couvert de combattre Million, l’allié du Front national. Au nom du regroupement des partis qualifiés " d’européens " - c’est-à-dire affichant un soutien ouvert à l’actuelle Union européenne - pourrait ainsi être préparée une alliance de type PS-Verts-UDF, (incluant ou non le PCF), les Verts servant alors d’indispensable charnière entre le PS et l’UDF.

Mais la réalisation d’une telle opération et le choix du moment dépendent de bien des facteurs, de différentes conditions, au premier rang desquels figure la capacité ou pas de la classe ouvrière à engager le combat sur son propre terrain, en défense de ses acquis, de sa capacité à mettre en échec, au moins partiellement, la politique des appareils syndicaux, ceux-ci allant bien plus avant dans la participation, vers la cogestion, telle qu’elle est développée aujourd’hui à la SNCF. De ce point de vue, l’offensive pour généraliser et imposer l’annualisation et la flexibilité du temps de travail sera une question centrale dans les semaines et mois qui viennent (cf article ci-après).

Le plus vraisemblable est donc que l’immédiate période à venir sera marquée par une profonde instabilité liée aux conditions mêmes dans lesquelles combat chacune des deux classes fondamentales, aucune des deux ne pouvant aujourd’hui infliger une défaite majeure à l’autre.

Pour la classe ouvrière, ce qui fait fondamentalement défaut, c’est l’absence de tout parti révolutionnaire. C’est donc dans cette situation d’instabilité et de combats répétés que devra être construit le parti révolutionnaire. C’est ce qui est au centre de toute l’activité du Comité.

POUR LA MANIFESTATION CENTRALE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Le prolétariat ne peut prendre le pouvoir et s’y maintenir que si, dans la lutte des classes, se construit un Parti ouvrier révolutionnaire. Aujourd’hui, en l’absence d’un tel parti, le prolétariat ne peut commencer à répondre à la question du pouvoir qu’en utilisant ses organisations traditionnelles.

Parce qu’il combat pour le socialisme, pour la prise du pouvoir par le prolétariat, le Comité combat pour l’unité de la classe ouvrière et de ses organisations face à la bourgeoisie. Cette nécessaire rupture avec la bourgeoisie, cette indispensable unité des organisations ouvrières, permet seule d’offrir une issue à la classe ouvrière et de répondre à la question du pouvoir.

L’existence d’une majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale est un point d’appui pour répondre à cette question. Il faut combattre pour lui imposer  :

la rupture avec Chirac, la Vème République, ses partis et l’ensemble des formations bourgeoises.

la satisfaction des revendications ouvrières,

la constitution d’un gouvernement PS-PCF sans ministre représentant de formation bourgeoise.

Ceci implique qu’à chaque moment soit avancée la nécessité de la manifestation à l’Assemblée nationale, qu’à chaque moment le combat des travailleurs soit dirigé vers le point d’appui que représente l’existence d’une majorité PS-PCF, pour dicter à cette majorité une politique conforme aux intérêts ouvriers : manifestations de corporations entières à l’appel des dirigeants syndicaux, manifestation centrale et unie à l’appel des Confédérations ouvrières.

C’est par ce combat incessant que peut être ouverte la perspective d’un gouvernement du PS et du PCF

La constitution d’un tel gouvernement ne signifierait pas pour autant que le PS et le PCF auraient changé de nature. Mais ce serait une défaite pour la bourgeoisie et un formidable appel à la mobilisation des masses.

C’est en s’engageant dans un tel combat que la classe ouvrière s’ouvrira la voie qui mène au socialisme, c’est-à-dire : à la prise du pouvoir, à la destruction de l’État bourgeois et à l’expropriation du Capital, à la construction de l’État ouvrier, à la socialisation des moyens de production pour la satisfaction des besoins de l’humanité.

Pour un tel combat, à chaque moment, la classe ouvrière a besoin d’un parti révolutionnaire.



DÉBUT                                                                                                     SOMMAIRE - C.P.S N°78 - 20 JUIN 1999