ENSEIGNEMENT PUBLIC : LA RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS NATIONAUX DES SYNDICATS EST TOTALEMENT ENGAGÉE
UNE NOUVELLE FOIS, LA QUESTION DE LA GRÈVE GÉNÉRALE EST POSÉE
Au début de l’année 1999, deux mois après la puissante mobilisation des lycéens d’octobre-novembre 1998, les enseignants ont, par la grève et les manifestations, engagé le combat à partir du point où en était restée la mobilisation des lycéens.
Par sa puissance comme par ses objectifs, le mouvement de grève et manifestations des lycéens de l’automne 1998 avait posé la question de la Grève générale de toute l’Éducation nationale, des lycéens et des étudiants, des enseignants et des personnels, avec leurs organisations syndicales.
Rejetant les deux " plans " successifs d’Allègre, les lycéens avaient persisté à exiger des professeurs et le droit à toutes les options. Ils avaient rejeté explicitement le recours aux emplois-jeunes et aux vacataires et avaient exigé le retrait de la réforme des lycées, comme l’atteste la plate-forme revendicative adoptée le 21 octobre lors de la constitution du C.I.L. (Collectif Inter-académique Lycéen).
Sur la base de cette plate-forme, et de l’exigence du retrait de la réforme Attali des Universités, ils s’étaient adressés aux enseignants et aux personnels, aux étudiants, à leurs organisations pour mener le combat dans l’unité. La question de la Grève générale pour les revendications, pour mettre à bas les projets de réformes et imposer le retrait des mesures déjà adoptées (baisse du taux des heures supplémentaires, destruction du mouvement national des professeurs, etc...), était donc bien, à ce moment là, à l’ordre du jour : les enseignants auraient répondu, en masse, à un tel mot d’ordre et le gouvernement aurait été effectivement menacé. Seule une telle Grève générale était alors à même de briser l’offensive gouvernementale contre l’Enseignement public et ses personnels.
Pour protéger le gouvernement et sa politique, les dirigeants du SE-FEN et ceux de la FCPE, sans même parler du SGEN-CFDT, demandaient " l’accélération de la réforme ".
De même les pseudo-syndicats lycéens, la FIDL et l’UNL, simples appendices du Parti socialiste. Blondel, dirigeant de Force Ouvrière, apporta sa pierre : " il est grand temps de s’attaquer à une réforme des lycées (...) " déclara-t-il le 21 octobre. L’Humanité, quotidien du PCF, demanda le 16 octobre un budget " pour la réforme ". Quant aux dirigeants du SNES et de la FSU, s’ils critiquaient les projets d’Allègre, ils se gardaient bien d’en exiger le retrait et refusaient énergiquement de répondre aux enseignants, aux Assemblées générales, qui exigeaient d’eux qu’ils appelassent à la Grève générale.
Plus encore, le 4 novembre, à la veille de nouvelles manifestations lycéennes, et alors que les enseignants attendaient de leurs dirigeants syndicaux un appel au combat, L’Humanité publiait un article titré : " Le SNES joue la réforme et dévoile ses cartes ".
Cette réforme du SNES n’était rien d’autre que celle du gouvernement : diminution des horaires et des options, redéfinition du service des enseignants pour introduire la polyvalence et la flexibilité. Voilà pourquoi le SNES refusait d’appeler au combat aux côtés des lycéens. Les enseignants étaient alors paralysés et la mobilisation des lycéens, ainsi poignardée, ne pouvait que refluer rapidement.
Les lycéens n’étaient pas pour autant défaits (pas plus que les enseignants) car le gouvernement avait échoué sur une question essentielle : il n’avait pas réussi à détourner, à " récupérer ", la mobilisation lycéenne, dont le point le plus élevé était au contraire la plate-forme nationale qui refusait le recours aux emplois-jeunes et exigeait le retrait de la réforme des lycées. Mais le gouvernement avait obtenu un répit, qu’il pensait pouvoir mettre à profit pour avancer dans ses projets de réforme.
LA DIRECTION DU SNES S’ENGAGE TOTALEMENT
Néanmoins, le feu couvait sous la braise. En témoigne l’acharnement de la presse bourgeoise comme de la presse " gauchiste " à essayer d’effacer toute trace de la plate-forme adoptée le 21 octobre par le Collectif Inter-académique lycéen (et, accessoirement à confondre sciemment le CIL avec la coordination LCR/JC de Jussieu).
En témoigne, fin décembre, la décision conjointe du gouvernement et d’Allègre avec la direction du SNES de procéder à une spectaculaire " réconciliation ", dont était censé résulter un projet de réforme " aseptisé " : car il s’agissait de briser définitivement toute velléité de résistance des enseignants. Et ce fut à la presse du SNES que le ministre confia le soin de publier le texte du projet de réforme sur lequel Monique Vuaillat et Allègre avait passé accord. C’est ainsi que l’US (journal du SNES) du 24 décembre publie le " projet provisoire " de réforme précédé du titre suivant : "Réforme des lycées : ni projet Meirieu, ni celui du ministre, ni celui du SNES... ", ce qui signifiait qu’il pouvait s’agir là d’un compromis honorable.
Et pour sceller la paix des braves, le même journal reproduisait sur deux pleines pages le " face-à-face " Claude Allègre-Monique Vuaillat tel qu’il avait été publié dans Le Journal du dimanche.
Mais cette politique allait rapidement se heurter à la colère des enseignants, ainsi même que l’avait analysé, dès le 3 décembre, CPS n°75 dont l’article sur la question enseignante se terminait en ces termes :
" on peut affirmer que dans la période à venir, face à l’offensive gouvernementale, les enseignants, les personnels chercheront à engager le combat pour briser cette offensive gouvernementale. Dans ce processus, cherchant à se réapproprier leurs syndicats, ils seront amenés à s’affronter aux appareils syndicaux. "
JANVIER, FÉVRIER 1999 : GRÈVES ET MANIFESTATIONS
C’est dans un désordre réel que, tout au long du mois de janvier se sont multipliées grèves et manifestations échappant en grande part au contrôle de l’appareil du SNES. Encore faut-il préciser : car si ce mouvement, souvent spontané, traduisait la volonté des enseignants d’engager le combat, ce mouvement n’avait rien de vierge, une multitude de forces politiques, petites ou grandes, " nourrissant " ce mouvement spontané, contribuant à l’émietter ou à l’envoyer sur de fausses pistes : l’émiettement consistant à essayer d’enfermer les enseignants dans des revendications locales, et les fausses pistes étant impulsées par diverses coordinations et collectifs qui avaient en commun de tourner le dos à l’indispensable combat pour imposer aux dirigeants syndicaux, ceux du SNES notamment, qu’ils mettent fin à leur politique de soutient au gouvernement.
Contre ces tentatives multiformes de dislocation, le courant Front Unique, courant qui - au sein du SNUIpp, du SNES et de la FSU - combat pour que le syndicat et ses dirigeants soient au service des personnels, non du gouvernement - publiait début janvier un tract sur la réforme des lycées titré : " une réforme ultra-réactionnaire ", et qui , en conclusion, indiquait :
Fait important : c’est à l’adresse des dirigeants des syndicats, ceux de la FSU en particulier, que cette exigence était adressée.
LA DIRECTION DU SNES CONTRAINTE DE LOUVOYER
Parce qu’elle a considéré qu’elle allait perdre tout contrôle de cette mobilisation qui, inévitablement, allait rebondir et s’amplifier au lendemain des vacances de février, la direction nationale du SNES a opéré un important mouvement tactique : après avoir discuté dans le cadre fixé par Allègre et mis en avant le mot d’ordre de " réformer la réforme ", la direction du SNES a, le 15 février, signé une " déclaration unitaire " avec le " collectif pour le Manifeste " issu du lycée Henri IV, un certain nombre d’associations de spécialistes, ainsi que le SNALC et le CN GA.
Outre le rétablissement du taux des HSA, du mouvement national des professeurs et la restitution des postes supprimés, cette déclaration se prononce pour l’abandon des " chartes Allègre " et de " toute politique scolaire actuelle dans sa cohérence d’ensemble ".
Tous les enseignants mesuraient ainsi qu’il était possible, sur un point décisif, de contraindre la direction syndicale à prendre en compte les revendications des personnels. En même temps, de nombreuses questions demeuraient, et d’abord : comment la direction du SNES pouvait-elle se prononcer pour le retrait de la réforme des lycées et annoncer en même temps qu’elle discuterait cette réforme au Conseil Supérieur de l’Enseignement ? L’exigence immédiate, c’était : " boycott du C.S.E. ! "
Mais bien évidemment, les dirigeants du SNES, comme ceux de toutes les autres organisations, sans exception, participèrent au Conseil supérieur du 4 mars. Ensuite de quoi, chacun pouvait bien voter contre, pour, s’abstenir ou s’absenter : tous ces dirigeants, en participant au CSE, indiquaient qu’ils entendaient protéger le gouvernement et sa politique. Et ce, à tous les niveaux.
NOUVELLE OFFENSIVE GOUVERNEMENTALE AU COLLÈGE
Ainsi au collège : alors que se poursuit la réforme Bayrou qui disloque programmes et horaires nationaux, est mise en place une consultation " sur le collège de l’an 2000 ". L’un des objectifs annoncé par S.Royal est un nouvel allégement des programmes.
Une circulaire (interne) à la FSU remarque à juste titre que cette méthode fut déjà utilisée pour la réforme des lycées préparée par la consultation Meirieu. Or la direction du SNES participe à l’organisation de cette consultation (cf. US 488 p.8).
L’exigence immédiate c’était donc que les dirigeants du SNES rompent avec le " comité de pilotage " de la
consultation des collèges. Qu’ils décident :
. Boycott et organisation du boycott de la consultation des collèges !
. Rétablissement des horaires et programmesnationaux en collèges, c’est-à-dire : abrogation de la réforme Bayrou des collèges !
De la même manière, qu’ils boycottent la commission Bancel qui prépare la destruction de nos statuts !
C’est ainsi, par exemple, que les enseignants du collège Trémonteix (Puy de Dôme) adoptaient début février un appel aux dirigeants du SNES pour qu’ils appellent " au boycott de la consultation des collèges " et qu’ils unifient " l’ensemble des personnels dans un appel à la Grève générale pour le retrait des réformes et projets de réformes en cours (collèges, lycées, écoles, lycées professionnels) ".
À l’évidence, la direction du SNES organisait donc la confusion, infléchissant ses mots d’ordre tout en maintenant l’essentiel de sa politique. Afin d’aider à clarifier cette situation, le Comité pour la construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire publiait, le 28 février, un tract expliquant en particulier :
" COMBATTRE POUR LE RETRAIT DE TOUTES LES RÉFORMES
À l’évidence, la direction du SNES maintien deux fers au feu. Ainsi elle signe d’un côté une " déclaration unitaire " qui demande l’abandon des " chartes Allègre " et de l’autre appelle à une grève le 15 mars " en convergence avec les enseignants du premier degré qui seront en grève à l’initiative du SNUIpp et du SGEN ". Or chacun sait que le SGEN-CFDT, organisation réactionnaire, reproche à Allègre de ne pas aller assez vite, assez loin, conformément aux demandes du patronat et du MEDEF. Quant au SNUIpp-FSU, il n’a toujours pas répondu à l’exigence des instituteurs de retrait de la " charte du XXIème siècle ". Dans ces conditions, la " convergence ", le 15 mars, se fait sur une orientation qui revient à demander des moyens pour appliquer les réformes du gouvernement.
Pour ces raisons, il convient de combattre plus que jamais pour imposer aux dirigeants de la FSU (SNES, SNUIpp, SNETAA, SNESup....) et aussi ceux du SE-FEN et du SN-FO-LC qu’ils se prononcent pour le retrait de toutes les réformes gouvernementales.
Sur cette base, qu’ils décident, non des journées d’action, mais : la Grève générale de toute l’Éducation nationale pour le retrait de toutes les réformes gouvernementales.
C’EST LA MAJORITÉ PS-PCF QU’IL S’AGIT DE CONTRAINDRE
Tout en adoptant la déclaration dite " unitaire ", les dirigeants du SNES ont signé et appellent à signer le " Manifeste pour un lycée démocratique ".
Celui-ci reprend nombre de revendications des enseignants, mais conclut : " nous sommes décidés à utiliser l’arme du bulletin de vote lors des prochaines élections européennes (...) nous nous déterminerons au moment de voter, en fonction des réponses que les divers partis donneront à ce manifeste ".
Mais quels partis politiques ? Le combat des enseignants est un combat au compte de l’ensemble de la classe ouvrière. Serait-il possible de mener un tel combat en s’adressant indistinctement à tous les partis, voire en laissant entendre que l’on pourrait voter pour n’importe quel d’entre eux (l’UDF par exemple) pour peu que sa réponse " officielle " soit jugée satisfaisante ? Or, chacun connaît la politique ultra-réactionnaire qui fut conduite par le gouvernement Chirac-Juppé et son ministre Bayrou.
Quant à nous, nous affirmons : des dirigeants syndicaux ne sauraient tout confondre. Le RPR et l’UDF, comme le Front national, sont des ennemis historiques, congénitaux, de l’école publique et des enseignants. Ce sont des organisations de la bourgeoisie.
C’est pour cette raison que les enseignants, avec l’ensemble des travailleurs, ont chassé en mai/juin 1997 l’ancienne majorité RPR-UDF et le gouvernement Chirac-Juppé-Bayrou.
En élisant alors une majorité de députés PS-PCF, les enseignants avec les travailleurs ont manifesté leur volonté que soient satisfaites leurs revendications. Contre cette exigence, depuis vingt mois, se dresse le gouvernement dit " de la gauche plurielle ", qui poursuit la politique du gouvernement Chirac-Juppé.
Il s’agit donc de combattre pour dicter, pour imposer à la majorité de députés PS-PCF une autre politique. En l’absence d’un puissant Parti Ouvrier Révolutionnaire, y-a-t-il une autre perspective ?
POUR LA MANIFESTATION DE TOUTE L’ÉDUCATION NATIONALE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
La plupart des enseignants, des travailleurs, n’a guère d’illusion à l’égard des dirigeants du PS et du PCF : ce n’est que contraints et forcés par la grève générale, par la manifestation centrale à l’Assemblée nationale, que la majorité PS-PCF peut abroger les mesures réactionnaires de ce gouvernement, décider le retrait des réformes, rétablir les postes supprimés.
La responsabilité des dirigeants syndicaux est donc de décider et d’organiser, dans l’unité, la manifestation de tous les travailleurs de l’Enseignement public à l’Assemblée nationale pour imposer à la majorité de députés PS et PCF le retrait des réformes gouvernementales, la satisfaction des revendications. Une telle manifestation ouvrirait la voie au combat de toute la classe ouvrière. "