SOMMAIRE
CPS N° 68                                                                                                             13 JUIN 1997

Les jongleries et truandages de François Chesnais
et de ses acolytes du "Monde diplomatique"
TROTSKY, LA CRISE, LE PLAN, LE SOCIALISME
François Chesnais a publié dans "Le Monde diplomatique" d’avril 1997 un article qu’il a intitulé "Les salariés pris en otage par le capital financier. Demain, les retraites à la merci des marchés". Les mots "pris en otage" ne conviennent pas. Il aurait fallu écrire : "les salariés mystifiés". Mais peu importe. En rapport direct avec le sujet qu’il traite, cet article est correct.

Cependant une remarque première et fondamentale doit être faite. Le prétendu "marxiste" François Chesnais est frappé d’amnésie. Il oublie comme la plupart de ses confrères économistes : "le capitalisme". Pourtant rien n’est explicable des processus économiques sans référence à ce mode de production, lequel jusqu’alors n’a pas été chassé. Mais on ne peut évidemment penser à tout.

CHESNAIS : LE NON-DIT

Donc l’analyse de Chesnais flotte dans le vide, ou plutôt dans le non dit, tout en étant en elle-même correcte. Mais il faut en venir à ses conclusions qu’il titre "La Bourse de Paris et le pactole de la dette publique". Il écrit :

"Nul ou presque ne nie que toute lutte véritable contre le chômage passe en grande partie par le financement - français ou bien européen - de grands projets d’investissements dans les domaines négligés ou abandonnés depuis quinze ans - l’enseignement, le logement, la rénovation des quartiers délaissés et paupérisés, etc. Loin de s’engager dans cette voie les gouvernements ont imposé, sous la surveillance des marchés, une austérité budgétaire qui aggrave encore le chômage et les déficits sociaux, sans réduire d’un centime les sommes dues au titre des intérêts de la dette." Jusqu’alors c’est correct. Ensuite Chesnais pose la question : "La "seule politique possible" consiste-t-elle à accepter que les caisses de l’Etat puissent être grevées par le transfert permanent de plus de 20 % du budget aux marchés financiers." Mais il n’y répond pas, laissant ses lecteurs libres d’apporter leurs réponses. Spécialiste du non dit Chesnais ne spécifie pas quelle politique faut-il appliquer ? Mais on peut se référer au Monde diplomatique , mensuel qui publie ses articles. Son numéro de mars 1997 nous apprend que "le travail est de moins en moins la valeur essentielle de la vie quotidienne". Si les mots veulent dire quelque chose il en découle que la valeur des marchandises n’est plus déterminée par la quantité de travail social moyen nécessaire pour les produire. Les profits ne proviendraient plus de la partie de la valeur que seuls les ouvriers produisent mais que ne leur paye pas les capitalistes et qu’ils s’approprient. Ils viendraient de l’air du temps.

CHESNAIS : RADICAL

Chesnais est radical. Il écrit :

"Depuis longtemps l’annulation de la dette des pays du tiers monde (Chesnais utilise la terminologie bourgeoise) figure en bonne place dans la liste des revendications des partis et syndicats (Ah ! Lesquels ? Chesnais leur prête des revendications qu’en réalité ils combattent). Elle ne peut plus se limiter à ces pays. Aujourd’hui c’est de la France, entre autres Etats européens qu’il s’agit." Bravo l’artiste !
SEUL UN GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN PEUT RÉSOUDRE LES PROBLÈMES

Mais par qui et comment l’opération peut-elle être faite ? D’un seul coup l’encre du stylo de Chesnais se tarit. Il n’en dit pas un mot. Que les pékins se débrouillent ! Essayons de combler cette lacune. A notre avis seul un gouvernement ouvrier et paysan réalisera ce programme, de même qu’il élaborera et réalisera, sous contrôle ouvrier, un plan de production répondant aux immenses besoins des masses. Mais pour cela il faut que le prolétariat prenne le pouvoir et instaure sa dictature, c’est-à-dire qu’il accomplisse la révolution prolétarienne, exproprie le capital. Holà, holà, cela ne correspond pas aux objectifs du journal dans lequel Chesnais écrit (Monde diplomatique), et Chesnais ne veut pas se brouiller avec. Insupportables curieux, cherchons quels sont ses objectifs.

LE MONDE DIPLOMATIQUE ET LE CAPITALISME

"L’économie capitaliste de marché n’est pas capable de réguler l’abondance. Bien plus la financiarisation sans limite, poussée par l’informatisation accélérée, nous entraîne à corps perdu vers ce désastre : la précarité de vie pour un nombre exorbitant de citoyens, en contrepartie, l’enrichissement scandaleux de qelques uns. Ces derniers gagneront certes encore quelque répit en imposant la flexibilité extrême des travailleurs et les délocalisations d’entreprises, aux concentrations gigantesques. Mais le risque d’implosion de l’Occident prédit par Pierre Thuillier n’est plus improbable. Il devient alors évident qu’une politique cohérente de réduction du temps de travail salarié ne saurait être isolée d’un projet de société adapté à la radicalité de la mutation technologique. Ce projet ambitionne une régulation générale opposable à une société libérale (pas au mode de production capitaliste) présentée comme obligatoire. Il doit chercher à repréciser (il va finir par avoir mal à la tête) un modèle de développement centré sur l’épanouissement humain. Les nouvelles technologies qui chassent l’homme du marché du travail, constituent autant de moyens d’atteindre cet objectif. Mais des mesures ponctuelles ne peuvent tenir lieu de politique d’ensemble.

"L’alternative est par conséquent fort simple : soit accepter une société avec 15 % - et demain 25 % de chômeurs dans le secteur marchand, soit organiser de la manière la plus rationnelle possible la réduction du temps de travail permettant une évolution progressive des lieux et des facteurs de socialisation. Avec André Gorz nous avons déjà eu l’occasion d’exposer les conditions d’un "contrat social pour l’emploi" adapté à la mutation. Celui qui suppose le découplage entre l’évolution du pouvoir d’achat et l’évolution exigée par l’économie de la quantité de travail (avec forte réduction de sa durée) mais aussi des richesses et des revenus, esquissant ainsi un projet de dépassement de la société salariale (à notre connaissance la société salariale actuelle c’est le mode de production capitaliste : ainsi donc il s’agirait de "dépasser" le mode de production capitaliste). C’est dans un ensemble géopolitique comme celui de l’Europe (Quelle Europe ? L’Union européenne ?) que ces modalités prendraient encore mieux leur sens."

LES "SOLUTIONS" DU MONDE DIPLOMATIQUE

Et maintenant les solutions :

"La durée du travail devrait être réduite périodiquement et par paliers importants. Fixée dans une loi-cadre et en accord (entre le CNPF et les syndicats ouvriers intégrés et contribuant à la politique patronale et gouvernementale ?) elle pourrait en France prendre la forme de la semaine de 32 ou 33 heures en quatre jours (programme Rocard). Un décrochage de cette ampleur s’impose en raison du volume des sureffectifs et des gains de productivité. Cette mesure devrait prendre effet dans les six à douze mois pour permettre des enquêtes prévisionnelles sur les besoins quantitatifs et qualitatifs des personnels qu’elle entraînera dans les branches professionnelles, les administrations et corps de métiers." (Excellentes résolutions).Mais

"La réduction de la durée du travail ne saurait prendre une forme unique. La semaine de 32 heures en 4 jours n’est réalisable que pour les salariés stables et à plein temps (Ah !) des administrations, de l’industrie et des grandes entreprises."

"Un revenu binôme serait mis en place provenant de deux sources distinctes. D’une part un revenu ou salaire lié au nombre d’heures travaillées (32 ou 33 heures dans les conditions étudiées ici). D’autre part selon l’heureuse formule de Guy Aguar un "deuxième chèque" complément versé par la collectivité" ... " Ces perspectives s’inscrivent dans une stratégie plurielle." (en clair : le mode de production capitaliste doit être maintenu, tout au plus "réformé") "Mais tout se tient : une économie plurielle rend nécessaire un arbitrage (sic) du politique. D’abord sur le plan national en réaffirmant son primat sur l’ensemble."

LES APPAREILS SYNDICAUX COOPÉRATEURS ACTIFS
DU GOUVERNEMENT ET DU CAPITAL
"A côté de la démocratie, une démocratie participative fondée sur la citoyenneté active" (Seront nécessaires : la participation active des appareils des centrales syndicales et des syndicat à l’application de la politique patronale et gouvernementale - vers le corporatisme - la soumission totale du prolétariat à cette politique).

"Ensuite au niveau mondial, où de telles perspectives conduisent à subordonner les échanges commerciaux et la recherche de la compétitivité à des règles et des normes sociales, écologiques et culturelles. L’ambition de l’Europe (l’U.E.) - et elle en a les moyens - doit être de s’opposer aux ravages d’une guerre économique planétaire et d’une globalisation économique. L’Union européenne pourrait ainsi proposer une certaine préférence communautaire sans esprit de forteresse avec des règles de commerce équitables favorisant le développement des mesures financières dérivées des propositions de Jarna Tabur, bref des contrats entre grands ensembles géopolitiques homogènes.

"La réduction par étapes successives de la durée du temps de travail salarial, une Sécurité sociale soumise à une éthique de santé et non à des impératifs comptables et industriels, une qualité de vie et du temps libre donnant du sens à nos actions et à nos vies, en particulier par des pratiques culturelles dégagées de la dictature du profit à court terme. En fait les conditions d’une politique de civilisation sont inséparables d’une rupture avec la sauvagerie de la mondialisation actuelle. C’est une mutation qui requiert un changement de mentalités et des comportements. C’est là l’enjeu essentiel."

(Jacques Robin).
Le moins qu’on en puisse dire c’est que Jacques Robin propose - et plus encore Chesnais dans son texte cité plus haut - un bouleversement radical, révolutionnaire : passer de la production en fonction du profit à une société où elle serait déterminée par les besoins de toute nature de ses membres. Pour cela rien de moins qu’une révolution serait nécessaire, et, répétons le, que le capital soit exproprié, qu’un plan de production répondant aux besoins de toutes sortes des masses, élaboré et réalisé sous contrôle ouvrier. C’est-à-dire que le prolétariat prenne le pouvoir et établisse sa dictature.

LA VÈME RÉPUBLIQUE, LE "PRÉSIDENT" CHIRAC APPELÉ EN RENFORT

Jacques Robin propose tout au plus une réforme, un aménagement du régime capitaliste réalisé de gré à gré. Il rappelle :

"Mais tout se tient : une économie plurielle rend nécessaire un arbitrage politique. D’abord sur le plan national... Ensuite au niveau mondial." Mais quel régime politique national et international peut fournir cette garantie ? Il enchaîne :"L’ambition de l’Europe (l’Union européenne) doit être de s’opposer aux ravages d’une guerre économique planétaire."

Il est légitime d’en conclure que cet "arbitrage" doit être réalisé par les institutions politiques de "l’Union européenne", les régimes politiques des pays qui la composent, la Vème République et ses institutions, compris son président actuel Chirac le condottiere et son gouvernement.

En 1935 Trotsky s’est clairement expliqué sur comment il entendait que devait être menée la lutte contre le chômage et pour surmonter la crise. Alexis Bardin était membre du Comité confédéral national de la CGT en tant que délégué de l’Union départementale des syndicats confédérés de l’Isère. Mandaté par son UD pour s’exprimer au CCN des 18 et 19 mars 1935, c’est Trotsky qui lui a écrit l’intervention suivante (la citation est un peu longue mais l’importance du texte la justifie) ("Le mouvement communiste en France").

Bardin :

"Camarades, (...)

"Les difficultés ne font que s’aggraver par le fait que nous ne connaissons la doctrine de la C.G.T. et son programme que partiellement et que les "Notes à l’usage des propagandistes" ne nous indiquent pas la littérature qui pourrait nous renseigner. La seule autorité doctrinale citée par les exposes de la C.G.T., c’est Proudhon, le théoricien de l’anarchie C’est lui qui a dit que l’"atelier doit remplacer le gouvernement". Aspirons-nous, nous aussi, à l’anarchie ? Voulons-nous remplacer l’anarchie capitaliste par l’anarchie toute pure ? Il semble que non, puisque le Plan parle de nationalisation des industries-clés. Nationalisation signifie pratiquement étatisation. Or, si nous avons recours à l’Etat pour centraliser et diriger l’économie, comment pouvons-nous invoquer Proudhon qui réclamait de l’Etat une seule chose : qu’il lui fiche la paix ! Et vraiment l’industrie moderne, les trusts, les cartels, les consortiums, les banques, tout cela dépasse totalement la vision proudhonienne des échanges équitables entre des producteurs indépendants. Pourquoi donc invoquer Proudhon ? Cela ne peut qu’aggraver le désarroi.

"Au capitalisme actuel, qui se survit depuis longtemps, nous ne pouvons opposer que le socialisme. Comme propagandiste de notre organisation syndicale, je crois exprimer l’idée de beaucoup de militants en demandant que le Plan de rénovation économique soit dénommé le Plan des mesures transitoires du capitalisme au socialisme.

"Alors, avant de prendre place dans le wagon, chaque ouvrier, chaque paysan saura où va le train de la C.G.T.

"Camarades, pour l’efficacité de notre propagande, cette précision est absolument indispensable.

LES PROPOSITIONS DU PLAN
"Le plan de la C.G.T. insiste surtout sur ce fait que le crédit est le levier dirigeant de l’économie. Camarades, je suis loin d’être un spécialiste dans les questions de banque et de crédit. Je veux surtout m’instruire pour pouvoir exposer la question aux ouvriers, mais j’avoue de nouveau ne pas avoir trouvé dans les documents de la C.G.T. les éclaircissements dont j’ai besoin. On y parle de la "nationalisation du crédit" et du "contrôle des banques", c’est plutôt par exception qu’on parle, dans le même texte, de la "nationalisation des banques". Est-ce qu’on peut diriger le crédit sans avoir nationalisé les banques ? On ne peut diriger que ce qu’on tient fermement dans ses mains. Voulons-nous nationaliser les banques, ou non ? Voulons-nous exproprier les banquiers, oui ou non ? Je suppose que oui. Alors, il faut le dire ouvertement et clairement. Malheureusement, au lieu de le faire, nous trouvons des formules vagues, par exemple "La banque doit être au service de l’économie et non l’économie au service de la banque" (page 6 de l’exposé). Un ouvrier m’a demandé de lui expliquer cette phrase nébuleuse. Voyant ma perplexité, il a remarqué : "Mais la banque reste toujours au service de l’économie, comme les trusts, les compagnies de chemin de fer, etc... Ils sont tous au service de l’économie capitaliste pour dépouiller le peuple." Cette remarque brutale me paraît beaucoup plus juste que la formule que j’ai citée plus haut. La banque capitaliste est au service de l’économie capitaliste. Il faudrait donc dire : nous voulons maintenant arracher la banque des mains des exploiteurs capitalistes pour en faire un levier de la transformation sociale, c’est-à-dire de l’édification socialiste. Je voudrais bien voir cette formule claire dans le texte du Plan.

"La nationalisation des banques ne pourrait naturellement s’effectuer qu’au détriment de la haute finance. Quant aux petits épargnants, leurs intérêts doivent être non seulement ménagés, mais protégés. Il faut choisir entre les intérêts des requins de la finance et les intérêts des classes moyennes. Notre choix est fait, par l’expropriation des premiers. Nous créerons pour les seconds des conditions beaucoup plus favorables qu’actuellement. Mais la nationalisation des banques ne suffit pas. Après la nationalisation des banques, il faudra venir à leur unification complète. Toutes les banques particulières doivent être transformées en filiales de la banque nationale. Il n’y a que cette unification qui puisse transformer le système des banques nationalisées en un système de comptabilité et de direction de l’économie nationale.

CONTRE LA DICTATURE DU CAPITAL FINANCIER
"Dans les "Notes à l’usage des propagandistes", je trouve des données extrêmement précieuses concernant l’organisation de la dictature du capital financier sur notre pays. Se fondant sur une enquête faite en 1932, les notes affirment ce qui suit : "Pratiquement, on peut dire que quatre-vingt-dix personnes contrôlent et dirigent l’économie de notre pays." Voilà une affirmation précise, et écrasante dans sa précision. Ainsi, le bien-être ou la misère de cent millions d’êtres humains - car il ne faut pas oublier nos malheureuses colonies, saignées plus encore que la métropole par les quatre-vingt-dix requins -, le sort de cent millions de personnes dépend d’un signe des doigts de quatre-vingt-dix magnats tout-puissants. Ce sont eux qui introduisent le gâchis dans l’économie nationale pour conserver leurs privilèges et leur puissance basés sur la misère et sur le sang. Malheureusement, ni l’exposé du Plan, ni les commentaires n’indiquent ce qu’il faut faire de ces quatre-vingt-dix monarques qui nous dirigent. La réponse devrait être nette : il faut les exproprier il faut les détrôner, il faut rendre au peuple spolié ce qui lui appartient. Ce serait un bon commencement pour la réalisation du Plan. Je propose, au nom de l’union départementale de l’Isère, d’inscrire cette mesure dans le texte du Plan. Notre propagande deviendra alors beaucoup plus vigoureuse et beaucoup plus efficace.
LA NATIONALISATION DE L’INDUSTRIE
"Dans l’exposé du Plan, nous trouvons un paragraphe important sous le titre : "Les Nationalisations industrialisées". Ce titre paraît bien étrange. On comprend ce que signifie l’industrie nationalisée, mais on reste tout à fait surpris devant la nationalisation industrialisée. Permettez-moi de dire que de pareils artifices de terminologie compliquent la tâche du propagandiste en obscurcissant les choses les plus simples. Les "Notes à l’usage des propagandistes" ne font même pas mention de la nationalisation de l’industrie. Peut-être que ces notes précédaient la dernière rédaction de l’exposé. Malheureusement, on ne trouve presque jamais de dates sur les documents de la C.G.T. : c’est une lacune importante qu’il faut combler pour faciliter notre travail.

"Nous nous félicitons en tout cas du fait que la dernière rédaction du Plan pose la thèse suivante : "La nationalisation de certaines industries-clés est nécessaire". Cependant, le mot "certaines" paraît superflu. Nous ne pouvons pas, naturellement, prétendre nationaliser d’un seul coup toutes les industries, les petites, les moyennes, les grandes. Au contraire, pour les petits industriels, pour les artisans comme pour les petits commerçants et les paysans, le régime que. nous voulons établir doit comporter la plus grande indulgence. Mais le texte parle explicitement des industries clés, c’est-à-dire des trusts et des cartels puissants, des congrégations comme le Comité des forges, le Comite des houillères, les Compagnies de chemin de fer, etc., etc. En tant qu’industries clés, il faut les nationaliser toutes, et pas "certaines" seulement. Il nous semble même, dans l’Isère, qu’il faudrait joindre au Plan la liste de ces industries clés avec des données précises sur leur capital, leurs dividendes, le nombre des ouvriers qu’elles exploitent et le nombre de chômeurs qu’elles vouent à la misère. Pour parler au peuple, il faut être concret, il faut nommer les choses par leur nom et donner des chiffres exacts, sinon l’ouvrier et surtout le paysan diront : "Ce n’est pas un plan, mais plutôt le rêve platonique d’un bureau quelconque."

CONDITIONS D’ACQUISITION
"C’est sous ce titre que l’exposé du plan parle des conditions de la nationalisation des industries-clés et évidemment aussi des banques. Nous sommes habitués à penser que la nationalisation doit se faire au moyen d’expropriations effectuées contre les exploiteurs. Pourtant le Plan parle, non pas de l’expropriation, mais de l’acquisition. Est-ce que cela signifie que l’Etat doit tout simplement acheter aux capitalistes les entreprises créées par le travail des ouvriers ? Il s’avère que oui. A quel prix ? L’exposé nous répond : le prix doit être calculé "sur la valeur réelle au moment du rachat". Nous apprenons par la suite que "l’amortissement doit être calculé sur une période de quarante ou cinquante ans". Voilà, camarades, une combinaison financière qui ne sourirait guère ni aux ouvriers ni aux paysans. Comment ? Nous voulons transformer la société et nous commençons par la reconnaissance totale et intégrale de la sacro-sainte propriété capitaliste !

"C’est juste ce que le président du Conseil, M. Flandin, a dit récemment au Parlement : "Le capital, c’est du travail accumulé." Et tous les capitalistes du Parlement ont applaudi cette formule. Malheureusement, elle n’est pas complète. Il faudrait dire en vérité : "Le capital, c’est du travail d’ouvriers accumulé par leur exploiteur." C’est ici le moment de citer Proudhon sur la propriété capitaliste. Vous connaissez la formule : "La propriété, c’est le vol." On pourrait dire dans ce sens : "La propriété des quatre-vingt dix magnats qui dirigeaient la France, c’est du vol accumulé." Non, nous ne voulons pas racheter ce qu’on a volé au peuple travailleur, nous ne voulons pas endetter le nouveau régime dès le premier jour, alors qu’il aura bien des tâches à résoudre et bien des difficultés à surmonter. Le capitalisme a fait faillite. Il a ruiné la nation. Les dettes des capitalistes envers le peuple dépassent de beaucoup la valeur réelle de leurs entreprises. Non ! Pas de rachat ! Pas de nouvel esclavage ! L’expropriation pure et simple ou, si vous voulez, la confiscation.

"J’espère bien que dans cette assemblée qui représente les opprimés, les exploités, personne n’est animé de sympathie pour les magnats menacés de chômage et de misère. Ils sont d’ailleurs assez prévoyants pour s’assurer de tous côtés et, si vraiment l’un d’entre eux se trouvait sans ressources, l’Etat lui assurerait la même pension qu’aux ouvriers retraités. Nous avons suffisamment de vieillards, de jeunes dans la misère, frappés par la maladie, de chômeurs permanents, de femmes vouées à la prostitution. Pour remédier toute cette misère humaine, nous aurons bien besoin des sommes que le Plan, trop généreux, est prêt à attribuer aux exploiteurs et à leurs descendants pendant un demi-siècle. Mais cela signifie, camarades, vouloir élever deux nouvelles générations de fainéants ! Non, ce seul paragraphe suffit pour compromettre irréparablement le Plan tout entier aux yeux des masses affamées. Biffez, camarades, ce paragraphe, aussitôt que possible. Voilà encore une proposition de notre U.D.

L’ABOLITION DU SECRET COMMERCIAL
"Les "Notes à l’usage des propagandistes" nous apprennent : "La fraude fiscale est élevée à la hauteur d’une institution." C’est très bien dit. C’est juste et clair. Mais il ne s’agit pas que de la fraude fiscale. Les affaires Oustric et Stavisky nous ont rappelé que toute l’économie capitaliste est basée, non seulement sur l’exploitation légalisée, mais aussi sur la fraude générale. Pour cacher la fraude aux yeux du peuple, il existe un moyen magnifique qui s’appelle le secret commercial,. On prétend qu’il est nécessaire pour la concurrence. C’est un mensonge monstrueux. La loi sur les ententes industrielles, de Flandin, démontre que les capitalistes n’ont plus de secret entre eux. Le soi-disant secret du commerce n’est pas autre chose que la conspiration des gros capitalistes contre les producteurs et les consommateurs. L’abolition du secret commercial doit être la première revendication du prolétariat qui se prépare à diriger l’économie nationale.

"A vrai dire, le plan de la C.G.T. n’est pas encore un plan : il ne contient que des directives générales et même peu précises. Un vrai plan économique exige des données concrètes, des chiffres, des diagrammes. Nous sommes naturellement bien loin de cela. La première condition pour une première esquisse du Plan consiste à mettre en évidence tout ce que la nation possède en forces productives, matérielles et humaines, en matières premières, etc. Il faut connaître le vrai prix de revient, comme les "faux frais" de la fraude capitaliste et, pour cela, il faut abolir une fois pour toutes le complot des fraudeurs qui se nomme le secret commercial.

LE CONTROLE OUVRIER
"Le Plan parle, quoique très brièvement, du contrôle ouvrier (voir les conseils de gestion). Nous sommes, dans l’Isère, résolument partisans du contrôle ouvrier. On rencontre souvent cette objection : "Le contrôle ne nous suffit pas. Nous voulons la nationalisation et la direction ouvrière". Cependant nous n’opposons nullement ces deux mots d’ordre l’un à l’autre. Pour que les ouvriers prennent la gestion de l’industrie, - ce qui est absolument nécessaire aussitôt que possible pour le salut de la civilisation -, il faut revendiquer immédiatement le contrôle ouvrier, comme aussi le contrôle paysan sur certaines banques, sur les trusts d’engrais, de la meunerie, etc.

"Pour que la nationalisation s’opère, non pas bureaucratiquement, mais révolutionnairement, il faut que les ouvriers y participent à chaque étape. Il faut qu’ils s’y préparent des maintenant. Il faut qu’ils interviennent dès maintenant dans la gestion de l’industrie et de l’économie tout entière sous la forme du contrôle ouvrier en commençant par leur usine. Le Plan, qui envisage ce contrôle sous la forme de collaboration de classes, en mettant la représentation ouvrière en minorité devant la bourgeoisie (voir conseils d’industrie), prescrit par surcroît que le délégué de chaque catégorie de producteurs doit être nomme par l’"organisation professionnelle". Nous ne pouvons pas nous faire à cette proposition. Nos syndicats n’englobent malheureusement qu’un douzième ou un quinzième du salariat ; le syndicat n’est pas un but en soi, sa mission est au contraire d’entraîner dans la gestion des affaires publiques toute la masse travailleuse.

"La grève sera profitable aux ouvriers, syndiqués ou non, seulement à la condition que l’avant-garde syndicale entraîne la masse entière dans l’action. Pour l’efficacité du contrôle ouvrier, la même condition est primordiale. C’est pourquoi le comité de contrôle dans chaque usine ne doit pas être composé seulement des délégués du syndicat, c’est-à-dire du quinzième des ouvriers. Non, il doit être élu par tous les ouvriers de l’usine, sous la direction du syndicat. Ce serait là le vrai commencement de la démocratie ouvrière libre et honnête, par opposition à la démocratie bourgeoise corrompue jusqu’à la mœlle.

LA SEMAINE DE QUARANTE HEURES
"Le Plan réclame l’application de la semaine de quarante heures sans diminution des salaires. Voilà un mot d’ordre indiscutable. Mais nous savons trop bien que la classe dirigeante et son Etat se tournent dans l’autre sens, c’est-à-dire qu’ils veulent abaisser les salaires sans diminuer le nombre des heures de travail. Quels sont donc nos moyens pour aboutir à la semaine de quarante heures ? Les "Notes l’usage des propagandistes" nous apprennent qu’"une action a été engagée pour l’aboutissement d’une convention internationale", et continuent : "Il se peut qu’elle aboutisse prochainement." Il se peut..., ce n’est pas bien précis et, étant donné la situation économique et politique internationale, nous sommes plutôt enclins conclure : il ne se peut pas (...).

"Ce (que les ouvriers) attendent de La C.G.T., c’est l’indication des moyens par lesquels on peut aboutir à la réalisation de ce mot d’ordre. Mais c’est ici précisément que commence la grande lacune du Plan : il fait des propositions, il émet des suggestions, il formule des mots d’ordre, mais il se tait totalement sur les moyens de leur réalisation.

LA QUESTION PAYSANNE
"Cependant, avant de passer à la question des moyens de réalisation du Plan, il faut nous arrêter sur une question d’une gravité exceptionnelle : la question paysanne. Tout le monde en parle, tout le monde proclame la nécessité d’améliorer la situation des paysans, mais il y a beaucoup de malins qui voudraient préparer pour les paysans une omelette sans casser les œufs du grand capital. Cette méthode ne peut être la notre.

"Commentant le Plan, les "Notes à l’usage des propagandistes" disent : "Il faut libérer les paysans de la double étreinte : trusts des engrais au départ, consortium des grands moulins et de la meunerie à l’arrivée."

"Il est bien de dire : "Il faut libérer les paysans", mais vous savez bien que le paysan n’aime pas les formules vagues et platoniques. Et il a diablement raison. " Il faut libérer". Mais comment ? Voici la seule réponse possible il faut exproprier et nationaliser les trusts des engrais et la grande meunerie, et les mettre vraiment au service des agriculteurs et des consommateurs. On ne peut pas aider les paysans sans porter atteinte aux intérêts du grand capital.

"Le Plan parle de la "réorganisation générale de la production agricole", mais i1 ne précise ni le sens de cette réorganisation, ni ses moyens. L’idée d’exproprier les paysans ou de les forcer par la violence à se mettre sur la voie de la production socialiste est si absurde qu’elle ne vaut pas la peine être critiquée ; personne d’ailleurs ne propose de telles mesures. C’est la paysannerie elle-même qui doit choisir la voie de son salut. Le prolétariat assurera à ce qui auront choisi les paysans son appui sincère et efficace. Les coopératives paysannes sont les moyens les plus importants pour permettre la libération de l’économie agricole des cloisons trop étroites de la parcelle. Les commentaires du Plan disent : "Les coopératives paysannes de production de stockage et de vente doivent être encouragées et aidées". Malheureusement, on ne nous dit pas par qui et comment elles doivent être encouragées et aidées. Nous retrouvons à chaque étape la même lacune. Les revendications du Plan ont souvent l’air de lettres sans adresse.

SOUS QUEL RÉGIME POLITIQUE ?
"Qui est-ce qui nationalisera les banques, les industries-clés, viendra en aide aux paysans, introduira la semaine de quarante heures, en un mot, appliquera le programme de la C.G.T. ? Qui, et comment ? Cette question, camarades, est décisive. Si elle reste sans réponse, le Plan tout entier reste suspendu en l’air.

"C’est dans le paragraphe sur les "Nationalisations industrialisées" que nous trouvons en passant une réponse indirecte et tout à fait étonnante à la question qui nous intéresse. Voilà comment l’objectif même du Plan est défini dans ce paragraphe : "Il s’agit établir (...) les modalités techniques d’un programme qui puissent être applicables indépendamment du régime politique." On se frotte involontairement les yeux une ou deux fois en lisant cette formule invraisemblable. Ainsi, le plan qui doit être dirigé contre les banquiers, les magnats des trusts, contre les quatre-vingt-dix dictateurs de la France et des colonies, le plan qui doit sauver les ouvriers, les paysans, les artisans, les petits commerçants, les employés et les petits fonctionnaires, ce plan serait indépendant du régime politique ? Autrement dit, le gouvernail de l’Etat peut rester, comme il l’est actuellement, dans les mains des exploiteurs, des oppresseurs, des affameurs du peuple, n’importe, la C.G.T. présente a ce gouvernement son plan de rénovation économique ? Disons-le franchement et ouvertement, cette prétendue indépendance du Plan à l’égard du régime politique annihile totalement sa valeur réelle en le plaçant en dehors de la réalité sociale.

QUI DÉTIENT LE POUVOIR ?
"Ce ne sont naturellement pas les formes constitutionnelles ou bureaucratiques du régime étatique qui nous intéressent en ce moment. Mais il y a une question qui domine toutes les autres, c’est celle-ci : quelle est la classe qui détient le pouvoir ? Pour transformer la société féodale en société capitaliste, il a fallu que la bourgeoisie arrache par la violence le pouvoir des mains de la monarchie, de la Noblesse, et du clergé. Le Tiers Etat a très bien compris que son plan de "rénovation économique et sociale" exigeait un régime adéquat. Et de même que la bourgeoisie consciente n’a pas chargé Louis Capet d’abolir le régime médiéval, le prolétariat ne peut charger ni Flandin, ni Herriot, ni d’autres chefs de la bourgeoisie d’appliquer le plan qui doit aboutir à l’expropriation de la bourgeoisie elle-même. Celui qui détient le pouvoir décide des formes de la propriété et toute la réforme se réduit en dernière analyse à l’abolition de la propriété privée et à l’instauration de la propriété collective ou socialiste des moyens de production. Celui qui croit que la bourgeoisie est capable de s’exproprier elle-même est peut-être un excellent poète, mais je ne lui confierai pas, pour ma part, la caisse du moindre syndicat, parce qu’il vit dans le domaine des rêves et que nous voulons, nous, rester dans la réalité.

"Il faut le dire carrément : seul un gouvernement révolutionnaire, celui des ouvriers et des paysans, prêt à la lutte implacable contre tous les exploiteurs, peut appliquer le Plan, le compléter, le développer et le dépasser dans la voie du socialisme. Cela signifie pour le prolétariat : conquérir le pouvoir.

LA LUTTE DES CLASSES OU LEUR COLLABORATION
"A qui s’adresse le Plan ? Aux possédants pour les attendrir ou aux dépossédés pour les dresser contre l’oppression ? Nous autres, propagandistes, devons tout de même savoir à qui nous nous adressons et sur quel ton. Ni le Plan ni les commentaires ne nous instruisent là-dessus. L’exposé officiel nous dit que le plan lance par la C.G.T. doit être "favorablement accueilli du grand public". Je vous demande, camarades, et je me demande à moi-même : qu’est-ce que cela veut dire, le grand public ? Ce n’est pas, je suppose, le public des grands boulevards. Dans le mouvement syndical, dans la lutte sociale, nous nous sommes habitués à discerner avant tout les classes : le prolétariat, la bourgeoisie, les différentes couches de la petite bourgeoisie. Nous espérons bien que le prolétariat et les couches inférieures de la petite bourgeoisie accepteront favorablement le Plan, à condition qu’il soit mis au point, épuré des équivoques et présenté aux masses comme un programme de lutte. Mais les ouvriers et les paysans pauvres, ce n’est pas le grand public. Veut-on dire par exemple que c’est la grosse bourgeoisie qui doit accepter le plan de la C.G.T. ? Non, évidemment, on ne veut pas se moquer de nous. Consultons Le Temps. Il y a quelques semaines, ce journal qui représente bien les quatre-vingt-dix magnats du capital, c’est-à-dire l’oligarchie dirigeante, protestait véhémentement contre toute participation des syndicats ouvriers aux corporations industrielles. Je vous cite deux phrases qui valent des volumes : "La paix sociale a été obtenue sous l’Ancien régime au prix de l’interdiction de toute association ouvrière". Voilà la grosse bourgeoisie aux abois qui cherche maintenant son inspiration dans l’Ancien régime ! Et puis le même article dit : "Le corporatisme signifie ici le syndicalisme".Le Temps nous démontre ainsi chaque jour que la classe dirigeante ; non seulement ne se prépare pas à faire des concessions dans le sens du plan de la C.G.T., mais au contraire qu’elle envisage La possibilité d’écraser la C.G.T. elle-même.

"Jaurès a très bien dit que Le Temps, c’est la bourgeoisie faite journal. Avec cette bourgeoisie qui s’inspire maintenant de l’Ancien régime pour interdire toute association ouvrière, la collaboration est-elle possible ? Poser cette question, c’est y répondre. Il ne reste que la lutte implacable, et jusqu’au bout.

LE PRINCIPAL DÉFAUT DU PLAN
"Les observations, les critiques et les suggestions que je présente ici au nom de notre union départementale sont déjà assez volumineuses et je suis malheureusement loin d’avoir épuisé les questions même les plus importantes. Aussi est-il d’autant plus nécessaire d’indiquer le défaut fondamental du Plan : ses auteurs veulent se placer au-dessus des classes, c’est-à-dire en dehors de la réalité. Ils parlent du grand public, alors qu’ils veulent gagner tout le monde. Ils veulent nationaliser les banques, mais sans préjudice pour la haute finance, nationaliser les trusts en assurant luxueusement le parasitisme de trois générations de la grosse bourgeoisie. Ils veulent venir en aide aux paysans sans porter atteinte aux intérêts des propriétaires des trusts d’engrais et de la grosse meunerie. Ils veulent aussi évidemment gagner tous les régimes politiques possibles, puisqu’ils déclarent leur plan neutre envers les partis et même les régimes politiques Il me semble même que des expressions recherchées et incompréhensibles comme les "nationalisations industrialisées", etc. sont choisies pour ne pas effaroucher les oreilles délicates des magnats des trusts.

"Ce procédé n’est pas seulement inutile, il est dangereux ; il n’est pas seulement dangereux, il est néfaste. Qui veut trop embrasser mal étreint ou emporte peu. Nous ne gagnerons pas la bourgeoisie, elle a une conscience inébranlable, elle se moque de nos conseils, elle s’apprête à nous écraser. Plus nous sommes doux, conciliants et obséquieux envers la bourgeoisie, moins elle nous estime et plus elle devient intransigeante et arrogante. Cette leçon se dégage, il me semble, de toute l’histoire de la lutte des classes. D’autre part, en poursuivant de nos sollicitations le prétendu grand public et en faisant concession sur concession pour adoucir l’idole capitaliste, nous risquons de mécontenter les déshéritées qui commencent déjà à se dire : "Ce sont les conseillers des classes possédantes et non pas les chefs des classes opprimées." Nous ne gagnerons jamais le cœur de l’ennemi de classe, mais nous risquons de perdre définitivement la confiance de notre propre classe. C’est la méconnaissance de cette règle fondamentale qui constitue le principal défaut du Plan. Il faut le remanier, il faut s’adresser directement aux salariés et aux exploités, il faut tenir un langage clair et ferme, il faut transformer le Plan en un programme d’action du prolétariat tout entier.

LE FRONT UNIQUE DU PROLÉTARIAT
"Les "Notes pour les propagandistes" nous recommandent de "cristalliser toutes les bonnes volontés". C’est vague. Où faut-il les chercher ? Nous connaissons les classes et leurs organisations, mais nous connaissons surtout la mauvaise volonté de la bourgeoisie. Pour la briser, il faut lui opposer la volonté révolutionnaire de la classe ouvrière. Quant aux classes moyennes, elles ne mettront leur confiance dans le prolétariat que si celui-ci démontre par son action sa confiance en lui-même.

"Il est absurde et même criminel de chercher les bonnes volontés dans la bourgeoisie en brisant et en paralysant la bonne volonté révolutionnaire du prolétariat. Il nous faut, coûte que coûte, le Front unique de notre classe. L’unité syndicale en premier lieu, l’unité d’action de toutes les organisations ouvrières, syndicales, politiques, coopératives, éducatives et sportives avec un but précis : l’application du plan de nationalisation ou de socialisation par la conquête du pouvoir. Il faut mobiliser tous les vrais militants ouvriers pour une campagne vigoureuse dans le pays. Il faut que les paysans, dans les plus lointains hameaux, se convainquent que le prolétariat s’apprête cette fois sérieusement à renverser la bourgeoisie, à prendre le pouvoir dans ses mains pour transformer notre pays, pour le rendre enfin habitable pour le peuple travailleur. Ou bien le plan sera transformé en un plan de conquête du pouvoir par le prolétariat pour l’instauration l’un gouvernement ouvrier et paysan, ou bien il sera enregistré par le peuple comme nul et non opérant. L’U.D. de l’Isère est pour l’action révolutionnaire. Si vous faites appel à nous dans ce sens nous vous répondrons : Présent !"

Comme on le voit rien à voir avec les bavasseries mystificatrices de Chesnais et de ses alter-ego du Monde diplomatique.

Dans un article daté du 2 mars 1935 intitulé "Le sectarisme tendance réactionnaire", Trotsky règle son compte à Vereeken. Il y écrit : (Trotsky Œuvres tome V, pages 123 à 124)

"Quel est le point le plus important de ces divergences en Belgique ? La question du plan De Man que pour sa part (Vereeken) réduit à la question de l’inflation. Il est ahurissant de voir l’importance décisive qu’il accorde à cette question. Ses bulletins sont pleins de démonstrations sur les noires intentions de De Man, lequel aspire à l’inflation. Des esprits formalistes se cramponnent souvent à des questions secondaires, pour les gonfler outre mesure. Sommes-nous chevaliers du franc belge ? Le sauvetage de la monnaie existante est-elle pour nous la voie du salut ? On ne peut comprendre le fanatisme anti-inflationniste de Vereeken. Dans cette période de crise sociale, de secousses économiques, l’inflation et la déflation sont deux instruments qui se complètent pour faire retomber sur le peuple le prix du déclin du capitalisme." (à noter que les objectifs économiques du Monde diplomatique, la politique économique de Jospin, tout plan de relance sont ou seront, dans le cadre de la défense du régime capitaliste, nécessairement inflationnistes) "Les partis bourgeois organisent de formidables discussions sur cette question : vaut-il mieux égorger les travailleurs avec la scie de l’inflation ou le couteau de la déflation ? Notre lutte à nous est dirigée avec la même rigueur contre la scie et le couteau." Voilà la position de Trotsky qui est pour un plan. Celui qu’explicite plus haut Bardin. Il en ressort que ce qu’écrivent Chesnais et Le Monde diplomatique n’est que foutaise.

Chesnais n’est qu’un foutriquet, ou un jongleur, ou un mystificateur. Certainement les trois à la fois.

La voie du Comité est celle que Trotsky a tracée.

12 avril 1997


DÉBUT                                                                                                         SOMMAIRE - C.P.S N°68 - 13 JUIN 1997