SOMMAIRE
CPS N° 68                                                                                                             13 JUIN 1997

Pour la défense du droit aux études :


RETRAIT DE LA RÉFORME BAYROU DE DESTRUCTION DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PUBLIC

La dissolution de l’Assemblée nationale marque la fin d’une étape politique, dont le dernier acte a été la défaite que constitue, pour la classe ouvrière et la jeunesse, l’adoption de la loi Debré. Dans son sillage, les premiers arrêtés de la réforme Bayrou de l’Université ont commencé d’être publiés, en vue de leur application à partir de la prochaine rentrée universitaire.

La campagne électorale n’a pas freiné le rythme de travail du ministère, au contraire, Bayrou a présenté texte sur texte au CNESER (Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche), instance d’association des dirigeants syndicaux à la politique gouvernementale. Le 9 avril, le CNESER votait un avis favorable à l’arrêté-cadre Bayrou instaurant la réforme des études universitaires (les stages diplômants et la semestrialisation). Le 21 mai le CNESER adoptait le dernier des arrêtés particuliers d’application de la réforme à chaque filière universitaire. Selon Libération du 27 mai 1997, "un projet de circulaire sur la réforme des CROUS est en préparation au ministère, qui voudrait bien la publier avant... dimanche (c’est à dire le 1er juin - Ndlr)". Le Journal officiel du 2 juin publiait l’arrêté créant "l’agence de modernisation des universités" prévue dans la réforme Bayrou.

La défaite électorale de Chirac, de l’UDF et du RPR peut tout remettre en question. Les travailleurs et les jeunes n’ont pas battu Chirac pour que soit poursuivie sa politique, à l’Université comme ailleurs. Ils n’ont pas élu les députés du PS et du PCF pour que ceux-ci endossent la politique du gouvernement Chirac-Juppé (politique rejetée aussi par la majorité des plus de 40% d’abstentionnistes dans la jeunesse).

C’est pourtant un fait remarquable que cette campagne pour les élections législatives n’aborde quasiment pas la question. L’ex-majorité RPR-UDF se proposait bien sûr de poursuivre l’application de la réforme Bayrou, le PS et le PCF faisant comme si de rien n’était. Pourtant la mise en route de la réforme Bayrou a une portée qui dépasse de loin les murs de la seule Université, elle intéresse l’ensemble du prolétariat.

D’une part, elle est un levier pour réaliser les mêmes objectifs dans l’ensemble de l’enseignement public, objectifs rappelés et précisés par Chirac dans son intervention télévisée du 10 mars dernier : créer un système fondé sur la reconnaissance des compétences, un système patronal mettant en cause les diplômes nationaux et les qualifications.

D’autre part, la réforme Bayrou est soutenue ouvertement par les dirigeants syndicaux, étudiants (de l’UNEF-ID et de l’UNEF-SE) comme par ceux de la CGT, de FO, de la FSU, de la FEN. Tous se sont abstenus sur le vote de l’arrêté du 9 avril après en avoir adopté la plupart des articles à l’unanimité. Et, au sortir du CNESER, la vice-présidente de l’UNEF-ID, C.Seiler, annonçait l’orientation que l’ensemble des organisations syndicales ouvrières, enseignantes et étudiantes comptent désormais défendre : faire en sorte "que la communauté universitaire ne refuse pas la mise en place de ces mesures". L’ensemble des dirigeants des organisations syndicales se proposent ainsi d’être les fers de lance de l’application de la réforme de l’Université.

Sous cet aspect aussi, l’adoption de cette "réforme" intéresse directement tous les travailleurs. Le degré de prise en charge de la politique gouvernementale à l’Université par les dirigeants des organisations syndicales est un modèle qu’ils tenteront d’exporter dans tous les secteurs de la lutte des classes.

LES OBJECTIFS FONDAMENTAUX DE LA BOURGEOISIE: DÉTRUIRE L’UNIVERSITÉ

Ce n’est pas une nouveauté que de rappeler que l’enseignement supérieur public dans sa forme présente est devenu de plus en plus intolérable pour l’impérialisme français. Non seulement parce qu’il lui coûte de plus en plus cher, mais plus encore parce qu’il continue de délivrer des diplômes nationaux reconnus par les conventions collectives qui sont des obstacles à la baisse de la valeur de la force de travail de l’ensemble du prolétariat, à commencer par celle de la jeunesse.

Ce fut une préoccupation constante de tous les gouvernements de la V° République. Il y eut le plan Fouchet qui devait aboutir à expulser les deux tiers des étudiants de l’Université. Mais la grève générale de mai-juin 1968 l’enraya. Puis, la loi Faure adoptée en 1968 posait le cadre de l’autonomie des universités et engageait la participation des organisations syndicales aux conseils de gestion des universités. Mais, même renforcée par la loi Savary de 1984, elle n’a pas atteint l’objectif de l’autonomie totale des universités.

Le projet de loi Devaquet en 1986 visait à une telle autonomie des universités et à l’instauration d’une sélection dès l’entrée à la fac. Il a été balayé par la grève générale des étudiants, deux puissantes manifestations à l’Assemblée nationale et la menace imminente de la grève générale de l’enseignement.

Les réformes Jospin et Lang de déqualification des premiers cycles universitaires n’ont pu empêcher le fait qu’à l’Université se trouvent désormais plus de deux millions d’étudiants, dont la bourgeoisie a pu mesurer, en 1968, en 1986, et à nouveau en 1995 qu’il s’agissait pour elle d’une charge explosive qu’elle doit s’efforcer de désamorcer.

Avec l’élection de Chirac à la présidence de la République, la réalisation des objectifs constants de la V° République en matière d’enseignement supérieur a été remise directement à l’ordre du jour. C’est à eux que répond la réforme Bayrou.

RÉFORME BAYROU: SOUMETTRE LES ÉTUDIANTS AUX INTÉRÊTS IMMÉDIATS DU CAPITAL

Au cœur de l’arrêté Bayrou adopté par le CNESER et des arrêtés particuliers se trouve la mise en place des "unités d’expérience professionnelle", ex- "stages diplômants", dans toutes les maîtrises et la plupart des licences.

Depuis l’annonce à la fin 1996 par Pineau-Valencienne de la création de ces stages diplômants, CPS a eu l’occasion d’en rappeler le contenu. A peu de frais, 1 800 francs par mois maximum, le patronat s’offrira une main d’œuvre entièrement soumise. Mais surtout, c’est l’instauration de diplômes patronaux, de licences et maîtrises patronales, dont une partie est constituée d’un tel stage, qui sera validé par les patrons.

L’arrêté adopté le 9 avril le précise:

"L’organisation, le suivi pédagogique et l’évaluation de l’unité d’expérience professionnelle sont placés sous la double responsabilité de l’université et de l’entreprise ou de l’organisme d’accueil". C’est un point d’appui décisif pour la mise en œuvre des exigences du patronat rappelées par Chirac le 10 mars: parvenir à un système basé non plus sur les diplômes de l’enseignement public, mais sur les "compétences", validées par les entreprises.

L’arrêté du 9 avril vise à l’expulsion des étudiants des filières universitaires classiques, au moyen de la mise en place d’un premier semestre universitaire sans contenu disciplinaire, dit "semestre d’orientation" qui doit "permettre à chaque établissement de définir et d’organiser les réorientations pour les étudiants".

Mais Bayrou a du faire ses valises précipitamment. Le rapport d’étape du 4 février qui détaillait l’ensemble de sa réforme n’a pas été appliqué jusqu’au bout. Tout d’abord la question du statut social de l’étudiant, qui doit aboutir à priver la majorité des étudiants de toute aide en supprimant toutes les aides indirectes à tous les étudiants.

Ensuite le rapport d’étape prévoyait, outre "l’agence de modernisation" qui doit servir de point d’appui pour organiser l’autonomie des Universités, de modifier la loi Savary de 1984 pour transférer la propriété des locaux aux Universités. Il décidait de la possibilité de créer des fondations qui pourraient utiliser ces locaux pour y délivrer un enseignement et des diplômes "en partenariat avec les partenaires extérieurs à l’Université" (les patrons et les régions). Tout ceci dépend maintenant de l’évolution de la situation politique, la majorité RPR-UDF ayant été chassée.

UNE ÉTAPE

La réforme Bayrou ne touche pas que l’Université. C’est évident : le démantèlement du système universitaire existant au profit d’un système répondant aux intérêts immédiats du patronat est un point d’appui pour accroître la pression sur l’enseignement public. Dans sa tribune publiée le 7 mai Chirac le dit déjà:

"doit-on laisser tel quel un système éducatif qui n’est pas assez ouvert sur le monde du travail, alors que pour la première fois les barrières entre l’université et l’entreprise commencent à tomber?" Mais la suspension des volets sur le statut de l’étudiant et sur l’autonomie réduit la portée de la réforme Bayrou. Il faut souligner que l’orientation à la fin du premier semestre a un caractère facultatif, que les stages diplômants ne concernent que le second cycle universitaire à l’étape actuelle.

De son côté, C.Allègre, conseiller proche de Jospin écrit dans Libération du 30 mai :

"Bayrou a appliqué la politique éducative définie, engagée et développée par Lionel Jospin; il l’a même prolongée, tout en faisant croire qu’il en inventait une nouvelle. Ce stratagème a endormi la droite universitaire réactionnaire, qui réclame la sélection à l’entrée de l’université et l’élitisme précoce." P.Amirshahi renchérissait à la tribune du 75° congrès de l’UNEF-ID qu’il présidait: "l’Université est le seul secteur de la société où les tentatives de mener une politique libérale ont échoué". La réforme Bayrou n’est bien évidemment pas le but ultime pour la bourgeoisie dans ses plans de destruction de l’enseignement public universitaire et des diplômes nationaux. Mais il s’agit d’une étape décisive acquise grâce à la participation des dirigeants syndicaux. Telle était la condition pour aboutir au résultat que soulignait Chirac le 5 février: "contrairement à une tradition bien établie en France, cette réforme a pu se faire dans le calme".

LES DIRIGEANTS SYNDICAUX SE FONT LES AGENTS ACTIFS DE LA RÉFORME BAYROU

Bayrou a fait l’éloge de sa méthode au lendemain de la publication de son rapport d’étape, dans Le Figaro:

"Tout le monde affirmait que l’université n’était pas réformable. Il fallait en réalité rompre avec deux erreurs de méthode. La première est celle de la réforme par surprise. (...) quelques jours après chaque annonce de réforme, les manifestations commençaient. (...) la deuxième erreur était que l’on échouait parce qu’on voulait réformer par petites doses. (...) Il fallait donc avoir le courage d’entreprendre l’autre démarche que j’appelle la "démocratie de participation". Mais pour ce faire, il faut être deux. Et à l’Université, les dirigeants des organisations syndicales se sont pleinement inscrits dans "la démocratie de participation".

Dès avant l’élection de Chirac, les dirigeants de l’UNEF-ID, avec ceux de l’ensemble des organisations syndicales, avaient lancé une campagne en faveur de la "réforme" de l’Université.

La publication du rapport Laurent, fin janvier 1995, déclenchait l’hostilité des étudiants. Il affirmait les objectifs du gouvernement Balladur-Bayrou-Fillon au compte du capital, objectif qu’aujourd’hui la réforme Bayrou réalise. Suite aux manifestations étudiantes, la bourgeoisie se désolait : "si on ne peut même plus publier un rapport"... et F.Fillon devait déclarer "ne pas reprendre à son compte le rapport Laurent".

Préparant son récent Congrès, la direction de l’UNEF-ID écrivait dans son bilan :

"Il était nécessaire après les nombreuses mobilisations étudiantes d’opposer une alternative à la logique dangereuse déclinée dans le rapport Laurent et refusée par les étudiants et donc de proposer une réforme globale et cohérente." Sur cette ligne elle organisait une campagne pour faire avaler aux étudiants la réforme que la bourgeoisie avait tant de mal à faire passer. La première étape de cette campagne était la tenue d’états généraux, le 1er avril, auxquels étaient invités les patrons d’université, les représentants des candidats Chirac et Balladur, et de Boishue membre RPR de la Commission Laurent. Dès ce moment, le corollaire de cette politique en faveur de la "réforme" était la "revendication" d’une "loi de programmation. Programmer quelle politique ? Quelle réforme ? À l’évidence celle du futur gouvernement RPR-UDF : ce qui ne pouvait être autre chose qu’une offensive en règle contre les étudiants.

La première illustration flagrante de cette orientation avait été donnée lors du mouvement des étudiants en IUT début 1995 contre la circulaire Bardet : les dirigeants syndicaux avaient roulé les étudiants d’IUT dans la farine, parlant de "victoire" après avoir "réécrit" avec le ministère "une bonne circulaire". Pourtant, la circulaire "réécrite" contenait toujours le développement massif de l’alternance (sous la forme des "projets tutorés" qui se mettent en place en ce moment dans les IUT), la soumission croissante des étudiants en IUT aux exigences patronales. L’enterrement de la grève des étudiants en IUT aura servi de répétition générale.

DE NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1995...

Mais rien n’était écrit à l’avance. En octobre 1995, les étudiants entraient progressivement en grève contre leurs conditions d’études. En exigeant des moyens pour étudier, ils entraient en combat contre la politique du gouvernement à l’Université, dont les moyens misérables répondent aux fins.

En novembre-décembre 1986, les dirigeants de l’UNEF-ID venant à peine de rompre avec le PCI, avaient été amenés très rapidement à appeler à la Grève générale des Universités, à la constitution d’une coordination jouant le rôle d’un véritable Comité central de grève. Cette coordination appelait par deux fois à de puissantes manifestations à l’Assemblée et s’adressait aux organisations syndicales ouvrières et enseignantes pour qu’elles appellent à la Grève générale. Le gouvernement de Chirac devait retirer la réforme.

D’octobre à décembre 1995, les dirigeants de l’UNEF-ID vont refuser d’appeler à la Grève générale et vont briser toute ébauche de centralisation du combat des étudiants. Au contraire ils soutiendront le "plan d’urgence" de Bayrou cela au nom de la nécessaire réforme de l’Université.

Parvenus à dissoudre le mouvement étudiant, les dirigeants de l’UNEF-ID, de l’UNEF-se, ceux de la FEN, de la FSU, de la CGT et de FO vont s’engager dans le processus de "réforme", en participant successivement aux États généraux lancés par le gouvernement Chirac-Juppé-Bayrou au printemps 1996, puis aux commissions thématiques chargées de préciser les détails de la réforme.

En participant au processus de mise en œuvre de la réforme, en procédant à son expérimentation au travers des conseils d’université, les dirigeants syndicaux sont parvenus à faire avaler progressivement aux étudiants le contenu de la réforme en procédant de la même manière qu’ils l’avaient fait pour la réforme des IUT : gommer les aspérités les plus visibles pour faire passer l’essentiel, sous couvert de défense des étudiants.

... AUX STAGES DIPLÔMANTS

Mais l’annonce de la mise en place de stages diplômants par le CNPF fin novembre 1996 risquait de faire chanceler tout l’édifice patiemment construit. Sitôt parue l’interview de Pineau-Valencienne qui les annonçait, les dirigeants syndicaux devaient réagir, critiquant alors en premier lieu le "manque de concertation". Ils seront entendus. C’est que le spectre des mouvements des étudiants et des lycéens contre le CIP hante la bourgeoisie, CPS a publié l’appel signé par 250 étudiants de Toulouse demandant aux dirigeants des syndicats de se prononcer pour le rejet total des "stages diplômants", pour le "rejet total de la réforme Bayrou" et de rompre toute discussion sur ces plans. Un dispositif d’urgence est mis en place : les dirigeants syndicaux et le gouvernement "réécrivent" le projet du CNPF tout en en conservant l’essentiel (les unités d’expérience professionnelle, la création de diplômes patronaux).

Le sommet sur l’emploi des jeunes qui se réunit à Matignon le 10 février avec la participation des dirigeants CGT et FO tenant par la main ceux de l’UNEF-ID et de l’UNEF-se remplit sa fonction: désamorcer les possibilités de combat. P.Amirshahi peut même prétendre sur le perron de Matignon que "le projet du patronat a été retiré".

C’est grâce la participation de plus en plus active des dirigeants syndicaux que Bayrou a pu rendre public le contenu global de sa "réforme" le 4 février dans un rapport d’étape. Seules quelques maigres assemblées générales étudiantes auront lieu dans les semaines qui suivent. Le combat du PS, du PCF, des dirigeants des organisations syndicales, pour anesthésier les étudiants s’est avèré payant. Les étudiants vont tenter de se saisir de l’appel des cinéastes contre le projet de loi Debré pour engager le combat contre le gouvernement Chirac-Juppé. Mais le 25 février la loi est adoptée grâce à la trahison des dirigeants des organisations ouvrières. La voie est ouverte à la publication des premiers textes d’application de la réforme Bayrou.

La séance du CNESER du 9 avril constitue donc l’aboutissement d’un processus qui a vu les dirigeants de l’ensemble des organisations syndicales ouvrières, enseignantes et étudiantes, prendre entièrement à leur compte la réforme Bayrou, et avec elle les objectifs fondamentaux de la bourgeoisie en matière d’enseignement supérieur public. La participation active des dirigeants syndicaux ouvriers et enseignants est décisive: répétons-le, le contenu de la "réforme" Bayrou n’est pas une simple affaire étudiante, ses répercussions vers un système patronal basé sur la "validation des acquis" concernent directement tout le prolétariat.

Les dirigeants de l’UNEF-ID et de l’UNEF-se ont propulsé cette orientation directement auprès des étudiants. Leurs congrès respectifs viennent de se tenir. Ils auront donc été l’occasion de mesurer le degré d’avancement du processus de soumission de ces organisations par leurs dirigeants aux exigences des capitalistes.

LES SYNDICATS ÉTUDIANTS EN CONGRÈS

Quelle assemblée ! M.Blondel (FO), M.Deschamp (FSU), J-P.Roux (FEN), M.Vuaillat (SNES), H.Baro (SE), A.Olive (UNSA) et J-M.Boullier (SGEN-CFDT) ainsi que la nouvelle présidente de l’UNEF-se, K.Delpas, ont fait le déplacement à Montpellier, pour le 75ème congrès de l’UNEF-ID qui s’y tenait du 8 au 11 mai, tandis que L.Viannet (CGT) lui adressait un message. Tous avaient un seul message à délivrer aux dirigeants de l’UNEF-ID: poursuivre sur la même ligne, la faire avaliser sans résistance par le Congrès. C’est pourquoi les dirigeants de l’UNEF-ID ont tenté d’empêcher que s’exprime l’orientation défendue par les étudiants révolutionnaires en refusant de publier leur motion d’orientation qui disait : "le rôle du syndicat n’est pas de discuter, de cautionner les projets ultra-réactionnaires du gouvernement Chirac-Juppé, mais de les rejeter et de les combattre. C’est pourquoi le 75ème Congrès se prononce pour le retrait de la réforme Bayrou et de ses stages diplômants, décide de rompre toute participation à la discussion de cette réforme et se prononce pour le boycott de toutes les instances chargées de mettre en place cette réforme. Le 75ème Congrès s’adresse solennellement à la direction de l’UNEF-se ainsi qu’à celle de la CGT, de FO, de la FSU et de la FEN pour réaliser le Front unique pour interdire ces attaques."

À la veille des élections législatives, le combat contre la réforme Bayrou, contre l’ensemble de la politique réactionnaire du gouvernement exigeait de se situer sur l’orientation défendue à la tribune de ce congrès par une déléguée de Dijon (déclaration publiée dans ce numéro de CPS).

SOUTIEN OUVERT À LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE

Or, P.Amirshahi, président de l’UNEF-ID, ouvrait le congrès en reprenant la rengaine de tous les appareils: "pour la première fois, les étudiants ont imposé une réforme", tour de passe-passe d’autant plus flagrant que le résultat de la politique des appareils a été une année universitaire marquée par l’absence de tout mouvement d’ampleur sur les universités.

Dans un congrès nécessairement verrouillé, après le vote de la loi Debré et après la dissolution de l’Assemblée par Chirac, la direction de l’UNEF-ID a fait prendre en charge une ligne encore plus ouverte de soutien à la politique gouvernementale à une organisation de plus en plus exsangue (au maximum 10 000 adhérents pour plus de deux millions d’étudiants). Il s’agit pour la direction de faire appliquer partout la réforme, et toute la réforme : "Les étudiants n’ont pas oublié et n’oublieront pas l’allocation d’études" promise par Chirac, a déclaré P.Amirshahi.

Sur cette orientation, le congrès de l’UNEF-ID appelle, ô audace, à une grève à la rentrée pour... " contraindre le gouvernement à respecter ses engagements"(sic!). Encore une fois, la direction de l’UNEF-ID n’agit pas seule. Dès le 14 juin, les dirigeants de la FSU, du SNCS, de l’UNEF-ID, de l’UNEF-se accompagnés par la FAGE, organisent un "forum-débat". Ce sont vraisemblablement les mêmes qui se retrouveront dans une telle grève à la rentrée (suivis en cela par la LCR, dont la tendance au congrès de l’UNEF-ID, après s’être abstenue sur le rapport d’activité, a repris à son compte l’appel à la grève pour l’application de la politique du gouvernement Chirac-Juppé-Bayrou, RPR-UDF).

Peu de jours auparavant se tenait le congrès de l’UNEF-se. La presse a souligné que sa direction y a été fortement contestée. Mais le congrès de l’UNEF-se a maintenu le cap en demandant le respect des "promesses de Chirac". Ainsi, sa nouvelle présidente, K.Delpas, intervenait en ces termes au congrès de l’UNEF-ID: "la réforme a été gagnée par les étudiants qui l’ont imposée".

Une telle orientation implique de nouveaux pas vers la destruction des faibles organisations syndicales étudiantes. Perspective remise à l’ordre du jour par P.Amirshahi, qui propose désormais de noyer l’UNEF-ID dans un "réseau" de Comités d’action contre le Front National, et par la direction de l’UNEF-se dont l’ex-présidente, M-P.Vieu, proposait dans l’Humanité du 30 avril "la mise en place de réseaux étudiants dans lesquels se retrouveraient les syndicats, mais aussi de nombreuses associations et organisations locales".

LES ÉTUDIANTS CHERCHERONT À COMBATTRE

Les organisations syndicales étudiantes ne sont pas détruites. Et les étudiants, dès la rentrée prochaine, essayeront de s’en saisir pour organiser et centraliser leur combat pour leurs revendications, pour mettre à bas la réforme Bayrou dont les premières conséquences vont apparaître dans les universités.

La possibilité que les étudiants engagent le combat est nourrie par la défaite subie par Chirac. Ce que veulent les étudiants c’est défendre le droit aux études. Cela implique de combattre pour le retrait de la réforme Bayrou, à commencer par l’arrêté du 9 avril.

La jeunesse et la classe ouvrière n’ont pas élu une majorité PS- PCF afin que soit maintenu le cap fixé par Chirac et Bayrou. D’eux, les étudiants, les personnels des Universités, l’ensemble de la classe ouvrière doit exiger : Rejetez la réforme-destruction de l’Université ! À bas les stages diplômants ! De ces députés la jeunesse étudiante exigerait qu’ils satisfassent leurs revendications les plus urgentes et aussi les revendications fondamentales comme celle de l’Allocation d’études pour tous pour pouvoir étudier dans des conditions correctes. Cela exige d’en finir avec Chirac et la Vème République et d’instaurer un gouvernement des seuls PS et PCF.

La réalisation du front unique des organisations syndicales étudiantes sur cette perspective permettrait aux étudiants d’engager le combat. La défaite électorale de Chirac ouvre une situation nouvelle riche de possibilités dans laquelle pourra intervenir et devra se développer l’avant-garde révolutionnaire déjà regroupée à l’Université au compte de la construction du Parti ouvrier révolutionnaire.

Le 8 juin 1997


DÉBUT                                                                                                         SOMMAIRE - C.P.S N°68 - 13 JUIN 1997