SOMMAIRE
CPS N° 68                                                                                                             13 JUIN 1997

TROUPES FRANCAISES HORS D’AFRIQUE !


DU ZAÏRE AU CONGO

Avec la chute de Mobutu au Zaïre, c’est une très grave défaite que vient de subir l’impérialisme français en Afrique face à l’impérialisme américain, et le fait que les États-Unis aient, à l’origine, soutenu Mobutu ne change rien à l’affaire.

À l’époque de la guerre froide et tant que l’URSS n’avait pas été disloquée, la politique constante des États-Unis fut de ne guère s’occuper de l’Afrique, laissant le soin du maintien de l’ordre aux autres impérialismes, français en tout premier lieu. Depuis que l’URSS a cessé d’exister, les relations entre les impérialismes se sont modifiées : les États-Unis sont la seule puissance mondiale et ont annoncé haut et fort que le temps des "chasses gardées" en Afrique était terminé. Pour préserver ses positions, la bourgeoisie française n’a pas eu d’autres solutions que de soutenir jusqu’à leur effondrement les régimes les plus corrompus : au Rwanda, elle arma un gouvernent dit "Hutu" qui a fini par s’effondrer en dépit de l’assassinat des Tutsis et d’opposants politiques par centaines de milliers. Puis la protection de vastes camps de réfugiés Hutus installés au Zaïre avec l’accord de Mobutu contrôlés par les bandes armées du régime déchu du Rwanda permit d’exercer une menace permanente sur le nouveau gouvernement du Rwanda que soutiennent les États-Unis avec leur allié ougandais.

Finalement, avec l’appui militaire ouvert le l’Ouganda, l’armée du Rwanda intervint au Zaïre, disloqua et éparpilla la population des camps de réfugiés et contraignit les bandes armées hutus de l’ancien régime à fuir vers l’Ouest du Zaïre. Ce qui avait commencé comme une opération de protection des frontières permit de révéler l’extraordinaire degré de décomposition du régime de Mobutu : troupes non payées, généraux revendant pour leur propre compte le matériel militaire, soldats ayant comme seule activité le pillage des villes dont ils avaient la charge d’assurer la défense.

Une telle occasion ne pouvait être négligée : les gouvernements ougandais et rwandais avec l’accord des États-Unis récupèrent un ancien opposant - Kabila- reconverti, avec sa milice, dans divers trafics de matières précieuses, l’équipèrent et le galonnèrent ; et c’est ainsi que l’on vit surgir du fond de la forêt, comme par miracle, une armée disciplinée (disciplinée parce que payée), et encadrée par des officiers ougandais et rwandais. Il n’y eut en face strictement aucune résistance ; la population du Zaïre, à défaut d’un soutien enthousiaste à l’armée de "libération" de Kabila, qu’elle observe plutôt avec méfiance, ne pouvait que se féliciter que le régime corrompu et haï de Mobutu soit ainsi balayé. En quelques semaines, l’armée de l’État zaïrois s’effondrait, Mobutu s’enfuyait ; le 18 mai, l’armée de Kabila prenait le contrôle total de la capitale Kinshasa.

Les Échos du 20 mai commentaient :

"Le nouveau régime a été presque immédiatement reconnu par les pays auxquels il doit largement la victoire, à savoir les États-Unis, le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi et l’Angola (...) Les États-Unis, par la voix de Bill Richardson, ambassadeur aux Nations Unies, n’ont pas caché leur satisfaction (...); pour la France, qui a soutenu jusqu’au bout le maréchal Mobutu et n’a pas ménagé ses attaques contre M.Kabila, le bilan n’est guère réjouissant, même si elle n’a pas beaucoup d’intérêts économiques là-bas (...), la France peut craindre que Kabila ne fasse des émules dans d’autres pays francophones (..) Paris s’est également déconsidéré en laissant le dictateur zaïrois détourner à son profit l’aide internationale et la richesse nationale pendant trois décennies, pour se constituer une immense fortune". Afin de marquer qu’une page est tournée, le Zaïre (ainsi baptisé par Mobutu) est aussitôt rétabli dans son ancien nom de Congo.

VERS UN NOUVEAU DÉSASTRE ?

Le pronostic inquiet du quotidien Les Échos s’est très vite confirmé : début juin, une véritable guerre éclatait entre différentes factions qui s’affrontent pour le contrôle du "Congo-Brazaville", territoire inclus dans le "pré-carré" traditionnel de l’impérialisme français en Afrique. Rappelons que, en 1993-1994 déjà, de premiers combat avaient fait plus de 2000 morts dans une guerre qualifiée alors de "guerre du pétrole" parce que les différentes factions étaient financées respectivement par la compagnie française Elf et par Occidental Petroleum (OXY). Les combats reprennent aujourd’hui à un niveau beaucoup plus élevé, en relation directe avec l’effondrement du régime Mobutu au Congo (Zaïre) voisin. Libération du 9 juin titre : "L’implosion prévisible d’un pays à la dérive, surendetté. Le Congo a cessé d’exister en dehors de la présidence corrompue". La menace qui pèse sur l’impérialisme français, c’est la perte de tout contrôle sur son ancienne colonie, en attendant d’autres effondrements analogues. Incontestablement, les temps sont devenus difficiles en Afrique pour l’impérialisme français.

En tout état de cause, un seul mot d’ordre : Troupes françaises hors d’Afrique !



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