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CPS N° 66                                                                                         15 FÉVRIER 1997


ON NOUS COMMUNIQUE

CONGRÈS DU SNADGI-CGT : LES SYNDIQUÉS COMBATTENT POUR SE RÉAPPROPRIER LEUR SYNDICAT

Une assemblée de section syndicale :

Le 7 novembre 1996, se tenait, à la Cité Administrative de Lyon, une assemblée des syndiqués CGT préparatoire au Congrès national du SNADGI-CGT (Impôts). Au cours du débat qui suivit la présentation du rapport national d’activité par le représentant de la direction un militant est intervenu pour rappeler comment, en novembre-décembre 1995, les dirigeants des Confédérations syndicales avaient sauvé le gouvernement en refusant de lancer le mot d’ordre de Grève générale et de manifestation unie à l’Assemblée nationale :

"Or, quel est le rôle d’un syndicat confédéré si ce n’est de centraliser le combat ? À quoi sert une direction nationale si elle n’appelle pas à la Grève générale à un moment où des millions de travailleurs manifestent ? Mais non, les dirigeants ont choisi délibérément de ne pas appeler à la Grève générale, à cette exigence, ils ont opposé la généralisation de l’action
 

Le Bureau syndical du SNADGI n’a bien sûr pas non plus appelé, il n’a pas non plus cherché à pousser la Confédération à appeler, au contraire, on lit page 8 du Rapport d’activité : "Le BS a déployé, au cours de la période, un effort particulièrement intense... pour que le mouvement se déroule dans le cadre de la souveraineté des A.G.". En clair : "Nous refusons d’appeler ! Nous refusons de jouer notre rôle, de ce centraliser le combat".

Il a également rappelé comment, en juin et septembre 1996, ces mêmes dirigeants syndicaux avaient poursuivi la même politique :

"La déclaration de Juppé sur la "mauvaise graisse" pouvait permettre aux agents de repartir au combat en défense de leurs acquis.

À ce sujet, une adresse aux dirigeants des syndicats a circulé dans les services à la Cité administrative d’État. Elle a recueilli plus de 200 signatures. Elle demandait aux dirigeants syndicaux de déclarer dès à présent (c’est à dire au mois de juin) : "Si le gouvernement tente de mettre en œuvre ses projets de diminution de postes dans la Fonction publique, nous appellerons, dans l’unité, à la Grève générale de tous les personnels".

La CE du SNADGI-CGT Rhône a refusé de relayer un tel appel et dénoncé, notamment dans un article du Filon (journal syndical) "l’appel incantatoire à la Grève générale". Mais, dans le même article , on pouvait lire " il y a besoin de faire plus, de faire mieux qu’en décembre 1995 !" Or, qu’est-ce qui a manqué en novembre-décembre, si ce n’est justement cet appel des dirigeants à la Grève générale contre les projets gouvernementaux ?

Alors, comme réponse à l’attente des agents on a assisté à la multiplication des journées d’action".

Sur cette base, ce militant a appelé à voter contre le Rapport d’activité. À la suite du débat, le vote sur ce Rapport a donné les résultats suivants : Pour : 5, Contre : 24, Abstentions 43.

Un autre militant est intervenu dans le débat sur le Rapport d’orientation pour montrer que ce rapport ouvrait la voie à l’offensive gouvernementale : celle-ci s’exprime, dit-il, en particulier dans le protocole Perben qui propose :

"L’expérimentation de cycles individuels d’activité et les modalités de compensation en temps, par référence au temps de travail annuel, auquel ces cycles pourraient le cas échéant, donner lieu". Une fois traduit, cela signifie que LES HORAIRES SERAIENT INDIVIDUALISÉS ET ANNUALISÉS.

Quant à la notion de compensation en temps, c’est à dire de réduction du temps de travail pour compenser l’annualisation, elle se ferait dans les conditions suivantes : ‘"les compensations ne pourraient intervenir, dans le cadre d’une plus grande accessibilité des services au public, qu’en contrepartie d’une modification substantielle des horaires incluant, pour les agents concernés, des horaires individuels effectués en période nocturne ou le dimanche".

Oui vous avez bien entendu : il est bien question de travail en nocturne et le dimanche. Et pour aboutir à son objectif qu’est l’annualisation, le gouvernement veut modifier le cadre réglementaire portant sur ‘l’amplitude maximale de la journée de travail, la durée hebdomadaire." Et y ajouter "l’annualisation de la durée du travail"."

Et ce syndiqué de poser la question : "Pourquoi le document d’orientation reste-t-il silencieux alors que la menace est réelle, immédiate et considérable ?", avant d’observer : "Enfin, il est tout de même stupéfiant de ne rencontrer aucune ligne sur les suppressions de postes effectuées lors du budget 1997, ce alors que l’amélioration de nos conditions de travail passe par la création des postes statutaires.

Mais telle n’est pas la logique du document d’orientation qui affirme dans son annexe 4 intitulée "la démocratie au travail à la D.G.I." qu’il y a "nécessité de la participation active et réelle des agents de toutes catégories à l’organisation du travail à tous les niveaux pour une gestion efficace de l’administration" et ce, après avoir déploré, je cite, "de graves dysfonctionnements qu’on ne peut uniquement expliquer par le manque d’effectifs".

Les camarades apprécieront.

Pour ce faire, le document d’orientation propose que le SNADGI-CGT combatte pour la mise en place de commissions paritaires à tous le niveaux (CTP, Conseils de sites) s’occupant de l’organisation du travail et de réunions permettant la participation directe des personnels.

C’est la cogestion organisée entre le syndicat et l’administration "dans la recherche de l’efficience du service public".

Bien plus, ce qui nous est proposé, c’est l’association des agents à la mise en œuvre des mesures gouvernementales : il s’agit de gérer le service avec les moyens dont on dispose, c’est à dire avec ceux décidés par le gouvernement. C’est faire gérer et accepter au agents les milliers de suppressions de postes du budget 1997."

En conséquence, le camarade appelait à voter contre le Rapport d’orientation national À la suite du débat, les votes donnent les résultats suivants: Pour : 1, Contre : 24, Abstentions  :39.

LE CONGRÈS NATIONAL

L’exemple de débat, et de combat, évoqué ci-dessus n’est pas une exception. La section d’Aix du même syndicat, l’une des plus importantes au plan national a repoussé le Rapport d’activité national à 98%.

Lorsqu’en décembre s’est ouvert, à Lille, le Congrès national du SNADGI-CGT, le Rapport national n’avait au total recueilli qu’à peine 54,70% des mandats, 22,8% s’étant prononcé contre et 22,4% s’abstenant.

La résistance à l’orientation de la direction nationale s’est exprimée au sein même du Congrès. À la suite du rapport du Secrétaire général sortant, le premier des intervenants dans le débat a expliqué pour qu’elles raisons les adhérents de sa section avaient, de manière quasi-unanime, rejeté le rapport :

"Les adhérents présents à notre A.G. se rendent compte, comme les autres travailleurs, que leurs acquis sont mis en cause, ils apprécient le fait, même s’ils ne le formulent pas comme ça, que dans le cadre de la crise du système capitaliste, les différents capitalismes sont engagés dans une course poursuite à la liquidation des acquis, à la dislocation des garanties des salariés, ils savent qu’en France le gouvernement Chirac-Juppé s’attache avec détermination à porter à un niveau sans précédent l’offensive contre les acquis des salariés. C’est le cas avec les grands chantiers du gouvernement : le plan Juppé, la réforme fiscale qui lui est liée et la réforme de l’État.

C’est pourquoi, pour les adhérents de notre section, la défense des acquis est la condition de la conquête de nouveaux droits.

Cela est particulièrement évident en ce qui concerne la réforme de l’État : il n’est pas possible de gagner sur l’indexation des salaires sur les prix, le rattrapage des pertes de pouvoir d’achat, si l’on se situe dans le cadre de l’application de la réforme de l’État parce qu’elle tend à remettre en cause les statuts.

Ce qu’attendent donc les adhérents, c’est que le syndicat, la CGT assume la responsabilité qui est la sienne de défense et de restauration des acquis.

L’ont-ils fait par rapport aux enjeux fondamentaux que sont le plan Juppé, la réforme de l’État ?

Telle est la question posée.

Or l’axe de l’activité nationale n’a pas été, n’est pas le combat pour le retrait du plan Juppé, le combat pour la défense des postes, contre la réforme de l’État".

Et ce délégué a ensuite longuement expliqué comment depuis dix-huit mois la direction nationale du syndicat avait combiné, selon le moment, refus d’appel à la Grève générale (en novembre-décembre 1995), journées d’actions, actions disloquées, refus de formuler, d’avancer les revendications indispensables à la défense des acquis des personnels. "Concernant la flexibilité, alors que les principales dispositions du protocole Perben du 18/06 prévoient la remise en cause de la limite maximale de la durée hebdomadaire du travail, de l’amplitude maximale de la journée de travail, de la définition du repos hebdomadaire ainsi que l’extension de l’annualisation du temps de travail dans la Fonction publique, qu’elles doivent faire l’objet, normalement avant la fin de l’année 96, d’une ultime concertation avec les Fédérations de fonctionnaires et donc que le danger est considérable et immédiat, que dit le Rapport d’activité à ce propos ? Rien

Que disent le Rapport d’orientation, les annexes revendicatives ? Pas un mot sur l’annualisation du temps de travail. La direction nationale du SNADGI ne pose pas comme revendication ; non à l’annualisation du temps de travail, maintien des garanties des agents en matière de durée du travail.

Ainsi, la direction nationale du SNADGI cache aux syndiqués, le projet du gouvernement alors même que les Fédérations se concertent avec le gouvernement depuis janvier 96 à ce sujet.

Concernant la notation, alors que la réforme de la notation est une des premières mesures d’application prévues par la réforme de l’État afin d’instaurer à terme une carrière au mérite, (c’est à dire que le déroulement de carrière cesse d’être un droit), alors que des directives Fonction publique ont été adressées aux différentes administrations cet été, la direction nationale est, que ce soit dans le Rapport d’activité nationale ou dans les annexes revendicatives totalement muette sur le sujet.

Concernant les suppressions de postes, non seulement le syndicat n’a pas mené un combat effectif contre les suppressions de postes, mais il s’est disposé pour accompagner les suppressions de postes."

La résistance des syndiqués se réfractant au sein même du Congrès, la direction a dû, sur certains points, manœuvrer en recul : sur l’extension des horaires d’ouverture des bureaux à la pause méridienne par exemple, ou encore en réintégrant dans le texte d’orientation l’exigence du retrait du plan Juppé.

Mais comme l’a expliqué un délégué : "l’amendement de synthèse voté sur la protection sociale" demande à la fois "le retrait du plan Juppé et une réforme du financement de la Sécurité sociale (...) Il y a contradiction (...) Par conséquent, le texte de synthèse adopté fait rentrer le plan Juppé par la fenêtre après en avoir demandé le retrait".

De même, si l’annexe 4 sur la "démocratie au travail" est retiré, elle est aussitôt transformée en "question" soumise au débat ultérieur des syndiqués. Le même délégué observe :

"En réalité, le problème demeure entier : non seulement dans son activité la direction nationale a tourné le dos à la défense effective des acquis contre ce gouvernement, mais encore, l’orientation et les annexes revendicatives, y compris dans leur formulation définitive, tournent le dos aux véritables revendications et vont jusqu’à leur substituer, même si c’est sous la forme de questions à "débattre", dans ce qu’il est convenu d’appeler la démocratie au travail, les exigences gouvernementales d’implication des organisations syndicales et des personnels." De fait, la résistance des syndiqués s’est heurtée au contrôle exercé sur le Congrès par l’appareil syndical, par les différentes fractions politiques qui le composent : fractions du PCF ou issues du PCF, LCR et PT soutenant la direction nationale. Un consensus s’est établi entre tous ces partis et fractions au sein du Congrès : ne jamais évoquer l’existence du gouvernement Chirac-Juppé, ne jamais dire un mot sur le fait incontestable que le combat pour les revendications implique le combat contre ce gouvernement.

Aussi, votant contre le Rapport d’orientation "amendé" par le Congrès, la section d’Aix en Provence a soumis au vote la motion suivante :

MOTION PRÉSENTÉE PAR LA SECTION D’AIX EN PROVENCE

Mettre en échec le gouvernement sur les suppression de postes inscrits au budget 97, c’était mettre en échec le gouvernement sur le premier pas dans la mise en œuvre de la réforme de l’État.

La phrase de Juppé sur la "mauvaise graisse" pouvait cristalliser la volonté des agents d’aboutir sur les revendications et donc permettre d’engager le combat pour vaincre le gouvernement.

Or,

- de même qu’en novembre-décembre, les travailleurs ont été confrontés au refus de FO mais aussi de la CGT d’appeler à la Grève générale pour le retrait du plan Juppé alors que des millions de travailleurs manifestaient,

- en Juin, les fonctionnaires ont été confrontés au refus des dirigeants syndicaux de préparer la Grève générale de la Fonction publique.

Au lieu de cela, les dirigeants syndicaux ont organisé un festival de journées d’action dont la journée d’action finances du 27/06.

En septembre, parce que ce qui avait été fait jusqu’alors ne suffisait pas à endiguer la volonté de combat de fonctionnaires, cela a été, sous couvert d’un automne chaud, un nouveau festival de journées d’actions : entre autres dans l’enseignement, les banques, la défense.

Le 17/10, les dirigeants n’ont pas pu faire autrement que d’appeler les fonctionnaires à la grève, mais cette grève fut organisée comme une journée d’action devant mettre un terme aux possibilités du combat contre le budget 97.

Alors qu’il était possible en Octobre, de répondre à la volonté des agents d’engager le combat contre l’offensive gouvernementale en appelant à une gigantesque manifestation unie à Paris, le jour de la présentation du budget, sur le mot d’ordre "à bas le budget du gouvernement", cela n’a pas été fait non plus.

Résultat, le budget et en train d’être voté, ce qui constitue un point d’appui pour le gouvernement afin d’aller plus loin dans la mise en œuvre de la réforme de l’État.

Aujourd’hui, les revendications demeurent

La première; c’est actuellement : aucune suppression de poste, rétablissement des postes supprimés.

C’est d’une victoire sur cette revendication que dépendent toutes les autres : en particulier le rattrapage des pertes de pouvoir d’achat et l’indexation des salaires sur les prix.

Autre revendication fondamentale liée au combat contre les suppressions de postes, c’est le refus de toute flexibilité, le rejet de toute annualisation, y compris sous couvert de réduction du temps de travail. À cette revendication est soumise l’exigence d’une diminution massive du temps de travail avec maintien intégral du pouvoir d’achat.

Mais, pour gagner sur ces revendications, il faut commencer par rompre avec le gouvernement :

Assez de participation, de concertation , que les dirigeants du SNADGI appellent à transformer en cogestion

Aujourd’hui, pour un syndicat, il faut choisir :

- ou bien le syndicat s’inscrit dans le cadre de la défense du capitalisme en crise et nécessairement il prend en charge les mesures du gouvernement contre les travailleurs,

- ou bien le syndicat combat pour les revendications, ce qui implique d’engager le combat pour vaincre et défaire le gouvernement Chirac-Juppé.

La défense des intérêts des agents exige que le SNADGI-CGT s’engage dans cette voie.

Bien évidemment, tout l’appareil, la grande majorité du congrès a voté contre cette motion. Néanmoins, le combat mené tant au niveau local qu’au niveau national pour que le syndicat soit une arme au service des syndiqués, des personnels et non un outil aux mains du gouvernement a montré quel écho il rencontrait auprès des syndiqués. Ce combat ne peut que se poursuivre et s’amplifier.



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