10 Février 1997
À BAS LES " STAGES DIPLÔMANTS "
À BAS LA RÉFORME BAYROU
GOUVERNEMENT ET PATRONAT VEULENT EN FINIR AVEC
LES OBSTACLES À LA SUREXPLOITATION DES JEUNES
Au nom du CNPF le PDG de Schneider, Pineau-Valenciennes, a proposé en décembre, soi-disant pour réduire de 100.000 le nombre de jeunes chômeurs, d’instituer des "diplômes de première expérience professionnelle" obtenus par des "stages diplômants".
C’est le même PDG qui en juillet a annoncé 1600 postes en trop dans son entreprise, et qui en 1984 a supprimé 20.000 emplois à Creusot-Loire.
Ce n’est pas contradictoire. Au contraire !
L’explication réside dans les conditions exacerbées de la concurrence impérialiste. Pour y surnager, le capitalisme français cherche par tous les moyens à réduire "le coût social du travail", c’est-à-dire la valeur de la force de travail fournie par la classe ouvrière. En clair: à sabrer les salaires.
Il doit absolument pour cela briser les garanties collectives qui y font obstacle. Mais sont également des obstacles les qualifications qui fondent ces garanties. Obstacles les diplômes qui expriment ces qualifications. Obstacle le nombre exorbitant de lycéens et d’étudiants qui cherchent par ces diplômes à échapper au chômage et aux emplois au rabais. Obstacle l’enseignement public qui les accueille et malgré les coups reçus empêche encore les patrons d’exercer sur les jeunes une mainmise discrétionnaire.
Ce n’est pas la première offensive menée par la bourgeoisie française pour briser ces obstacles. La jeunesse en subit durement les conséquences : "stages" divers, "contrats" de toutes sortes ont fini par constituer de fait une sorte de droit du travail spécifique aux jeunes, obligés de "galérer" pendant des années dans la précarité, la déqualification, les salaires de misère ou le chômage. Dans le même temps et dans le même sens la remise en selle de j’apprenne patronal a fait l’objet d’efforts incessants. L’école publique a été investie par les patrons à tous les niveaux, via l’alternance. L’apprentissage a commencé à y prendre pied, à partir de la loi quinquennale de 1993. Les enseignants sont soumis à une pression permanente pour collaborer avec les patrons de multiples façons, au nom à une prétendue mission d’insertion qui n’a jamais été la leur et de la soi-disante " entreprise formatrice à part entière ".
Cela ne suffit pas au gouvernement. Il y a toujours trop d’étudiants, trop de lycéens qui rechignent à aller se faire exploiter sans qualification, pas assez "d’esprit d’entreprise" dans l’enseignement ; et l’apprentissage ne décolle toujours pas. C’est à cette situation que Chirac, Juppé, Bayrou, Gandois et Pineau-Valenciennes veulent mettre un terme avec le sommet sur l’emploi des jeunes et la réforme universitaire, dont les "stages diplômants" constituent la force de frappe.
LES ÉTUDIANTS À L’USINE !
Il ne s’agit pas de formation. Jusqu’ici c’est sous prétexte de leur apport dans la formation à un métier que les .stages en entreprise ont été introduits dans les filières techniques et professionnelles. Dans le projet Gandois-Chirac de décembre (et quels que soient les aménagements apportés ultérieurement c’est ce projet qui révèle le contenu politique de l’opération) il ne s’agit plus que d’un "séjour" en entreprise, sans rapport avec les études.
Le public visé est d’ailleurs celui des filières générales, qui échappent aujourd’hui à l’infiltration patronale. Il s’agit, comme le (lit Pineau-Valenciennes, en regrettant l’absence de sélection antérieure, de "sortir les étudiants de ces ghettos", de les "réorienter".
C’est-à-dire qu’il s’agit de mettre (enfin !) la masse des jeunes au travail : les étudiants à l’usine ! très précisément "en situation de production". Pour 1700F par mois. Le Monde du 3 décembre note l’approbation des patrons qui "rechignent à les embaucher, mais ne dédaignent pas le concours d’une main d’œuvre bien formée et pas chère, voire gratuite".
D’où la durée de neuf mois proposée par le CNPF, gage " d’efficacité ", c’est-à-dire de rendement pour une main d’œuvre qui devrait se substituer, comme les CES par exemple, à l’embauche de personnel diplômé.
CASSER LES ÉTUDES, RÉORIENTER... VERS LE CHÔMAGE
Il s’agit en même temps de casser les études. combien d’étudiants (et à plus forte raison de lycéens comme il en a été question) les reprendraient après neuf mois de coupure, c’est-à-dire, toute une année scolaire ? Patrons et gouvernement n’ont pas la force politique d’imposer ,aujourd’hui une sélection draconienne. Ils le savent : Chirac-Devaquet s’y sont cassé les dents. Ils cherchent par le moyen des stages diplômants à contourner l’obstacle pour vider les universités et disloquer le système d’enseignement.
Il ne s’agit pas non plus d’embauche : Gandois en a averti d’avance. Les patrons ne prennent aucun engagement à l’égard des stagiaires après leur exploitation immédiate. Ils voudraient simplement remédier au prétendu "handicap" des jeunes diplômés manquant de " familiarité avec le monde du travail " (Le Monde du 4/2). Alors qu’une bonne partie d’entre eux se coltinent déjà des petits boulots pour payer les études
SUBSTITUER AUX DIPLÔMES DES " VALIDATIONS " PATRONALES
Mais alors pourquoi et en quoi ces stages seraient-ils diplômants ?
Dans le projet du CNPF le diplôme en question est en fait la " validation " du travail fourni pour l’entreprise. Celle-ci peut prendre diverses formes: "certification régionale" (existant en Poitou-Charentes), points pour le bac, dispenses d’épreuves en BTS, unités de valeur... tout est ouvert pourvu que ce soit le patron qui confère la "validation".
Ce n’est pas qu’une carotte présentée aux stagiaires. Il s’agit de donner sous autorité et initiative patronale un certificat de conformité à l’esprit d’entreprise: "qualités de comportements à l’occasion de l’exercice d’une activité professionnelle" (CNPF 3/2/97). Ce certificat constituerait un "ticket d’entrée" à introduire dans la panoplie des CV par les jeunes à la recherche d’un travail, comme garantie "d’employabilité" (sic), critère bien supérieur pour les patrons à ceux du diplôme et de la qualification.
Les stages diplômants s’inscrivent ainsi dans la politique de dévalorisation et à terme de destruction des diplômes nationaux, auxquels les patrons entendent substituer leurs "validations" fondées non sur des connaissances mais sur des " compétences " : ici l’adaptabilité et la soumission. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une autre attaque contre les diplômes : le système de "validation des acquis professionnels" délivrée sous houlette patronale à égalité avec les connaissances universitaires. Cette procédure est ouvertement invoquée pour les stages "d’expérience en entreprise".
LA MANŒUVRE DU GOUVERNEMENT CHIRAC-JUPPÉ
ET LE SOUTIEN DES DIRIGEANTS SYNDICAUX
Telle est la "contribution civique" du CNPF célébrée par Chirac à la télévision le 12 décembre et opposée par lui au " conservatisme " de la défense des acquis. Cette intervention s’insérait dans une manœuvre de grande envergure : pendant des mois les "États généraux" ont discuté d’un réforme de l’université, engluant les revendications des étudiants, avec le concours de leurs représentants syndicaux dans les groupes de réflexion". Puis brusquement en décembre, après concertation avec Bayrou, et appuyé par Chirac, le CNPF entre en scène. Chirac sait qu’il y a un risque : les étudiants n’ont pas oublié la défaite infligée au gouvernement Balladur sur les CIP, et les stages diplômants constituent des CIP puissance dix. Le 12 décembre il en appelle au soutien des dirigeants syndicaux.
Ceux-ci répondent présent. Mais les réactions des étudiants sont probables : les dirigeants de leurs syndicats d’abord "pas hostiles" durcissent un moment leur position. Ceux de la FEN-UNSA également mais prennent rendez-vous avec le CNPF avec lequel ils ont dernièrement passé un accord de collaboration. Ceux de la FSU se taisent obstinément. Nicole Notai monte au créneau. Rocard le 28 janvier y va de son approbation.
Alors s’engage la "méthode Bayrou" : concertation pour un consensus" par la participation des dirigeants syndicaux étudiants et enseignants à... l’intégration des stages diplômant dans la réforme universitaire.
Ils y figurent désormais en bonne place, aux côtés d’autres réformes de fond : attaques sur les allocations étudiantes, "orientation-réorientation", validation des acquis, prémices de privtisations..
Le projet primitif a été "aménagé", sans que rien en soit retiré sur le fond :
IMPOSER AUX DIRIGEANTS QU’ILS EXIGENT L’ABROGATION DES STAGES DIPLÔMANTS
ET ROMPENT AVEC LE GOUVERNEMENT
Les stages de " première expérience professionnelle " constituent une machine de guerre extrêmement grave pour tout l’enseignement public, les enseignants, les étudiants, la jeunesse dans son ensemble.
Pas de patrons à l’école ! Toute la formation professionnelle à l’enseignement public ! Défense inconditionnelle des diplômes nationaux et des qualifications ! À bas la surexploitation des jeunes ! C’est seulement sur cette orientation que peut être mené le combat pour s’y opposer. ce qui signifie immédiatement :