Le 31 décembre, Jacques Chirac porte parole du grand capital faisait ainsi le bilan de l’action menée par son gouvernement en défense des intérêts de l’impérialisme français décadent :
fin décembre concentre cette politique. La bourgeoisie redoutait que moins d’un an après le puissant mouvement de novembre-décembre 1995 une nouvelle vague surgisse contre le gouvernement Chirac-Juppé). Mais celle-ci a été contenue par les contre-feux établis mois après mois par les appareils syndicaux ; à leurs côtés, le PS et le PCF ont renforcé leur soutien politique au gouvernement Chirac-Juppé. Appuyé sur ces "acquis", J.Chirac, le 31 décembre fixait trois objectifs nouveaux :
- mettre en œuvre la réforme de l’État,
- "aller plus vite et plus loin" dans la réforme fiscale (complémentaire à celle de la Sécurité sociale)
- "aller encore plus loin et ouvrir de nouveaux chantiers" pour mettre les jeunes "prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes" (sic) à disposition du patronat.
Dans le même temps, J.Chirac consacrait près de 20% de son intervention à rappeler les moyens de la mise en œuvre de cette offensive qui menée à son terme détruit l’essentiel des acquis fondamentaux de la classe ouvrière et de la jeunesse arrachés depuis un quart de siècle.
"Nous voulons aussi construire un France apaisée (...) une France apaisée, c’est une France qui dialogue". Le "dialogue social", la cogestion, la participation des organisations ouvrières aux discussions sur les réformes "nécessaires" aux "évolutions de la société" : voilà le moyen de faire passer tous les plans anti-ouvriers.
"AMPLIFIER LES RÉFORMES"
Au Conseil des ministres du 8 janvier, A.Juppé faisait écho à J.Chirac. Il invitait ses ministres "à associer davantage" les citoyens aux réformes, notamment en "inventant une nouvelle manière de préparer les décisions" (Le Monde 10-1-97).
En quelques semaines, des éléments majeurs du programme annoncé commencent à se concrétiser.
"1997 : année de l’emploi des jeunes" !
Dès les premiers jours de janvier se développait toute une campagne pour relayer l’exigence du patronat d’envoyer les étudiants voire les lycéens dans les entreprises. Éjecter des milliers de jeunes de l’enseignement, les mettre à disposition du patronat afin de faire baisser la valeur de la force de travail, voilà l’objectif réel des stages diplômants, la presse patronale l’affirme sans fard. Les Échos du 7 janvier consacrent deux pages à "l’Emploi des jeunes". On peut y lire :
Pas de social sans économique, les entreprises n’ont pas les moyens de faire œuvre de charité. Or l’accueil d’un jeune juste sorti du système scolaire a un coût important. Aussi l’Éducation nationale et les entreprises tentent peu à peu d’unir leurs efforts pour réduire ce coût : la première en s’ouvrant davantage aux besoins des entreprises, les secondes en tentant d’aider les jeunes à mieux s’orienter."
Les stages diplômants sont une pièce maîtresse de la réforme de l’Université que Bayrou s’apprête à présenter. Il s’agit d’expulser massivement les étudiants de l’Université : l’organisation de l’année scolaire des 1ers cycles en semestre permet de "réorienter" nombre d’étudiants vers les filières technologiques, l’apprentissage...
J.Barrot, ministre du Travail prépare par ailleurs une réforme de la formation professionnelle afin d’en finir, ainsi que l’exige B.Lacroix président de la Commission formation du CNPF, avec la "confusion entre les diplômes et la qualification professionnelle".
"Accroître la flexibilité"
Au fil des mois, l’arsenal législatif mettant en cause le Code du travail se renforce : la loi de Robien votée le 11 juin précise la loi quinquennale dite pour l’emploi de 1993. Selon la circulaire d’application, elle fait de "l’aménagement et de la réduction du temps de travail" un moyen de favoriser "le dynamisme et les performances de l’entreprise".
Le Monde du 10 janvier donne quelques unes des conclusions du rapport F.Borotra sur l’accroissement de la flexibilité, qui "inspirent en grande partie le discours du gouvernement". Il préconise "de calculer le temps de travail sur une vie professionnelle". La règle du contrat de travail doit intégrer "la polyvalence et la mobilité professionnelle". Qualifications et diplômes sont bannis au profit des compétences.
L’exigence du patronat est "d’assouplir" le CDD, de le remplacer par un "contrat de projet" (le salarié serait embauché pour la durée d’un projet comme sur les chantiers du bâtiment). Il faut faciliter les procédures de licenciements collectifs : "une procédure de gestion prévisionnelle des emplois visant à prévenir économiquement les licenciements" doit permettre d’alléger les procédures de négociations collectives et de consultation des représentants du personnel. Quant à la législation du travail elle est devenue beaucoup trop complexe, il faut la remplacer par "la négociation collective" : les acquis nationaux du prolétariat codifiés par des lois doivent être mis en pièces.
Fonds de pension et loi sur le travail illégal :
La loi votée le 14 janvier instaure les retraites par capitalisation et ampute directement les régimes par répartition : les patrons bénéficieront d’exonérations de cotisations sociales qui réduiront les recettes tant de la Sécurité sociale que les régimes
de retraite complémentaire.
La loi sur le travail illégal, votée par le Sénat le 15 janvier, accentue la traque des travailleurs immigrés.
Réforme de l’État
Les mesures mettant en cause les droits et garanties des fonctionnaires se combinent aux suppressions massives de postes. La diminution de 20% des postes aux concours dans le second degré de l’Enseignement public en est une première concrétisation. Le Conseil des ministres a examiné une loi qui sous couvert d’améliorer les relations entre le public et l’administration implique la polyvalence des services (maison de service public") et donc des personnels, la déréglementation, la flexibilité, le renforcement des pouvoirs des Préfets ( au détriment de ceux des Ministères), bref la mise en cause des statuts nationaux.
À peine la loi de finance de 1997 publiée, le gouvernement annonçait le gel de 20 milliards de crédits budgétaires.
Réforme de la Justice :
La commission Truche installée le 21 janvier doit élaborer un rapport sur la réforme de la Justice. Deux axes se dégagent d’ores et déjà : au nom d’une pseudo-indépendance de la justice il faut en finir avec les poursuites judiciaires dont sont "victimes" les hommes de l’appareil d’État RPR et du grand capital. Cela doit aller de pair avec le "muselage" de la presse et permettre de vider de son contenu la loi de 1881 sur la liberté de la presse ; quant à la "simplification des procédures" elle vise à réduire les coûts, à instaurer une "justice" expéditive et plus efficace contre les masses populaires. Cela va de pair avec le renforcement du caractère policier du régime bonapartiste de la Vème République : renforcement du plan "Vigipirate" qui selon le ministre J.L.Debré serait appelé à "se pérenniser".
SNCF :
La réforme été votée en première lecture par le Sénat. Elle crée un établissement public, le Réseau ferré français (RFR) qui devient propriétaire des infrastructures. La SNCF devient prestataire de service. C’est donc l’éclatement de la société nationale ; comme aux Télécom, c’est la voie qui mène à la privatisation et à la destruction du statut national du personnel garantissant ses acquis.
La liste est loin d’être exhaustive : chaque jour apporte de nouvelles mesures.
Mais qu’est-ce qui donne au gouvernement Chirac-Juppé une telle audace ? Alors qu’il est rejeté par la classe ouvrière et la jeunesse, alors qu’aux plus hauts sommets de la bourgeoise française des divergences ne cessent de s’exprimer ouvertement, comment peut-il se maintenir et poursuivre, jour après jour son offensive contre les masses ?
PACIFIER LE SOCIAL
Toute la presse a relevé le coup de semonce adressé par Chirac le 12 décembre aux organisations ouvrières :
LA CFDT TÊTE DE PONT DE L’ASSOCIATION CAPITAL-TRAVAIL
Le Monde du 17 décembre publiait sur la même page trois articles signés N.Notat, M.Blondel, L.Viannet. Chacun à sa façon, chacun à sa place répondait à l’appel de J.Chirac.
Nicole Notat responsable d’une Confédération dont l’origine et le programme historique se situent dans la droite ligne de l’association capital-travail apportait immédiatement son soutien politique au chef de l’État :
La solution de N.Notat, c’est celle de De Gaulle (que J.Chirac tente de développer) : pour "pacifier" les relations sociales De
Gaulle prônait la "participation", "l’association" :
LES DIRIGEANTS SYNDICAUX, AGENTS DE LA PACIFICATION
Marc Blondel s’insurge :
Marc Blondel sait que l’objectif du gouvernement Chirac-Juppé est de réaliser ce que De Gaulle n’a pu faire : détruire l’essentiel des acquis ouvriers, détruire les organisations ouvrières. Il exprime à la fois son attachement à la défense du système capitaliste et les contradictions de l’appareil de FO : le soutien au gouvernement permet à ce dernier d’avancer dans la voie de la destruction des organisations syndicales ouvrières (donc de l’appareil FO).
Quant à Louis Viannet, il nie vouloir se situer en défense des acquis ouvriers ; il est pour les "réformes". Pire, selon lui, les mouvement spontanés de la classe ouvrière ne surgiraient pas pour défendre les acquis ouvriers :
Chacun à leur manière, les appareils des confédérations ouvrières, FO et CGT se font les agents de la pacification demandée par J.Chirac. Cette orientation donne les moyens au gouvernement Chirac-Juppé d’avancer dans la mise en œuvre du programme de la Vème République : l’élimination des partis, la destruction des syndicats ouvriers, la suppression des principales libertés démocratiques.
LA MOBILISATION DES ROUTIERS PACIFIÉE
Le dernier numéro de CPS a montré comment en septembre et durant le dernier trimestre de l’année 1996, les appareils syndicaux ont disloqué les possibilités de combat de la classe ouvrière alors qu’une nouvelle vague était à l’ordre du jour. Le budget 1997 présenté à l’Assemblée nationale début octobre cristallisait les possibilités d’un combat d’ensemble contre le gouvernement Chirac-Juppé (en particulier dans la Fonction publique). Les appareils ont multiplié les actions de concassage, et sont parvenus à l’interdire. Fin novembre, en dépit du dispositif des fédérations syndicales, le mouvement des routiers a jailli de la base (cf. article spécifique dans ce numéro).
Pour nombre de secteurs de la classe ouvrière, la possibilité que s’engage un mouvement contre le gouvernement Chirac-Juppé, pour le vaincre et le chasser était à nouveau ouverte. Se portant au secours du gouvernement contraint de s’engager directement dans le règlement de ce conflit, les appareils syndicaux ont combattu pour mettre en avant les revendications patronales en les faisant passer pour des revendications ouvrières ; ils ont tout fait pour détourner les chauffeurs routiers de Paris. Après 12 jours de grève, L’Humanité du 30/11/96 titrait : "Ils ont gagné". Une "victoire sur l’intransigeance du patronat et du gouvernement qui ne manquera pas d’avoir un écho dans le monde du travail".
Un article publié par Les Echos du 24/25 janvier 97 montre ce qu’il en est de cette prétendue victoire :
"Un accord gagnant", telle est l’appréciation de la CFDT sur l’accord conclu le 20 décembre par trois organisations patronales (CNPF, CGPME et UPA) et quatre syndicats (CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC), accord sur le renouvellement pour trois ans de la convention d’assurance chômage. En acceptant de discuter de la répartition des excédents de l’UNEDIC, les directions syndicales (qu’elles aient ou non signé) entérinaient l’accord de 1993 qui instaurait une allocation unique dégressive (diminution de 17% de l’indemnité tous les 4 mois). C’est sur la base de l’éviction de milliers de chômeurs de leurs droits aux indemnités chômage que sont réalisés les 11 milliards "d’excédents" de l’UNEDIC en 1996.
La négociation fut menée sur la base des revendications patronales : financer l’emploi, c’est à dire les entreprises par les fonds de l’UNEDIC (en utilisant le salaire différé appartenant aux salariés). Tel est le contenu des six protocoles d’accord :
- baisse des cotisations patronales (0,21 points) en échange d’une augmentation des indemnités (inférieure à 300F par mois) ; la dégressivité des indemnités est maintenue par paliers de six mois.
- reconduction pour 2 ans du dispositif ARPE (Allocation de Remplacement pour l’emploi) ; issu de l’accord interprofessionnel du 6 septembre 1995, ce dispositif permet le paiement de préretraites sur les fonds de l’UNEDIC et il s’accompagne d’une précarisation de l’emploi (si les nouvelles embauches doivent être réalisées sous forme de CDI, le patron n’est tenu de maintenir le volume d’heures de travail que jusqu’à la date du soixantièrme anniversaire du préretraité et il peut le faire en offrant deux temps partiels)
- poursuite du dispositif de "dépense actives pour l’emploi" : utilisation de l’argent destiné aux chômeurs pour payer à la place du patronat des "formations-reclassement" et autres emplois précaires.
FO estime que cet accord "répond aux intérêts de chômeurs et des salariés" se ralliant ainsi à la CFTC pour qui il s’agit "d’un partage équitable". Quant à la CGT qui juge "indécente" la baisse des cotisations patronales, elle s’est pudiquement contentée de signer l’accord ARPE : en faisant de sa reconduction son cheval de bataille, elle a œuvré pour accréditer l’idée que le patronat aurait fait des concessions permettant ainsi la poursuite des négociations et donnant aux autres confédérations les moyens de justifier leur signature.
Dans les faits se sont des milliers de chômeurs supplémentaires qui sont voués à la misère. Selon Le Peuple du 15 janvier, sur 4,5 millions de chômeurs, 1,5 millions sont cantonnés dans les allocations de solidarité et le RMI ; près de 2 millions n’ont aucune ressource, seulement 1,8 millions sont indemnisés par le régime d’assurance-chômage. Or le 1er janvier 1997, nombre d’entre eux vont devoir subir de nouvelles dégradations de leurs ressources : transfert de 1,3 points de cotisations sociales sur la CSG, durcissement des droits et conditions d’accès aux allocations de solidarité.
TRANSPORTS URBAINS : NÉGOCIER LA DESTRUCTION LA CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE
En novembre 1992, les traminots se mobilisaient massivement contre la "Convention collective alternative" proposée par l’UTP (Union des transports urbains) ; les fédérations syndicales rompaient les négociations. Cela fait 4 ans que l’UTP cherche à faire passer autrement, de façon décentralisée le contenu de ses plans : la destruction de la Convention collective nationale qui codifie les droits et acquis des traminots. Ainsi à Marseille en mars 1996 les dirigeants syndicaux signaient un accord dont certaines clauses introduisent la flexibilité du temps de travail ; la semaine de travail est de 36h40 en moyenne avec des pointes de 43h "selon les besoins du service".
À Toulouse, la direction de la SEMVAT proposait le 26 novembre 1996 une nouvelle organisation du temps de travail développant la flexibilité pour améliorer la productivité : elle demandait aux travailleurs un "effort de solidarité" en "échange" des 35 heures. C’est contre ce plan que les traminots de Toulouse se sont spontanément engagés dans la grève du 2 au 10 décembre. Mais les appareils tentent d’enfermer les travailleurs dans le cadre voulu par la direction. L’Humanité du 12 décembre s’exclamait :
Appuyée sur les accords signés dans certaines ville introduisant de façon plus ou moins importante, la flexibilité du temps de travail, l’UTP proposait d’ouvrir de nouvelles négociations "sur l’emploi et le temps de travail" dans le but de détruire l’actuelle convention : une réunion était fixée au 17 décembre.
Les dirigeants de la CGT appelaient à une journée d’action à la même date. Le Monde du 19 décembre écrivait :
C’est là l’objectif des négociations ouvertes le 17 décembre. Quant à la retraite, pour l’UTP, il est hors de question de généraliser la retraite à 55 ans, elle propose l’extension à toute la branche des dispositifs existants sur les retraites anticipées. Se situant dans le cadre du "protocole d’organisation des discussions" qu’ils ont tous signé le 17 décembre, les appareils syndicaux combattent pour mettre en œuvre, ville après ville, les plans patronaux. Ainsi, L’Humanité du 19 décembre annonce qu’à Rouen "la victoire des traminots est incontestable". En fait, l’accord signé au terme de 16 jours de grève par les appareils syndicaux fait passer la semaine de travail de 38 à 34h12mn. Mais c’est une moyenne calculée sur plusieures semaines et qui introduit une flexibilité accrue des horaires. De plus elle s’accompagne d’une diminution immédiate de l’équivalent d’une heure par semaine de salaire, puis de 2 heures au 1/1/99.
Le gouvernement ayant fait savoir que la loi de Robien ne peut s’appliquer aux transports publics, les Fédérations des transports appellent à une journée d’action nationale le 24 janvier afin de faire pression sur la première réunion de la négociation qui doit se tenir le 28 janvier. Alors que la défense des traminots exige de mettre au centre la défense de la Convention nationale de 1986, le refus de toute flexibilité des horaires, de tous les dispositifs de retraite anticipée qui mettent en cause la retraite pleine et entière fondée sur le système de répartition du salaire différé, les appareils syndicaux se situent dans le cadre de la loi de Robien et des plans patronaux.
Contre les acquis ouvriers, ils mettent en avant les revendications patronales : les 35 heures pour introduire la flexibilité, les préretraites (à 55 ans) contre les retraites. La défense des intérêts ouvriers exige que les traminots imposent aux dirigeants qu’ils rompent immédiatement avec cette politique, qu’ils retirent leur signature du protocole de discussion signé le 17 décembre, qu’ils refusent de participer à toutes les négociations ouvertes par l’UTP "sur l’emploi et le temps de travail" ainsi qu’à toutes les discussions décentralisées mises en place dans chaque réseau de transports urbain.
SNCF : MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFORME
Après avoir liquidé le mouvement de novembre-décembre 1995, combattu contre la grève générale de la Fonction et des Entreprises publiques, affirmant que le mouvement n’avait aucun caractère politique, les dirigeants syndicaux ont participé à toutes les discussions sur la réforme de la SNCF, cautionnant ainsi la réforme "nécessaire" et donnant les moyens politiques au gouvernement pour mettre en œuvre sa loi. L’Humanité du 21 janvier exprime avec un certain cynisme en quoi la collaboration des appareils est le principal point d’appui du gouvernement :
MISE EN CAUSE DES ACQUIS OUVRIERS ET DES ORGANISATIONS SYNDICALES OUVRIÈRES
Les accords introduisant l’aménagement du temps de travail, la flexibilité se multiplient. Au nom de la réduction du temps de travail, ils impliquent l’augmentation de la productivité et de l’intensité du travail.
À EDF-GDF, la CFDT, la CFTC et la CGC ont signé le 20 janvier l’accord "Développement, service public, temps de travail, emploi jeune" .La réduction individuelle ou collective du temps de travail s’accompagnera notamment d’une perte de salaire de plus de 10% et de l’allongement des plages horaires (de 6 à 20 heures). L’accord introduit de plus la concurrence entre les agents, entre ceux qui travaillent à temps partiel et les autres, entre les agents EDF-GDF et les 10 000 à 15 000 jeunes qui seront embauchés au rabais d’ici trois ans. En fait, cet accord s’inscrit dans le cadre du contrat de plan qui prévoit 12 milliards de francs de gain de productivité dont 1,5 milliards obtenus sur la masse salariale et la réduction des effectifs (moins de 6000 agents EDF).
À France-Télécom, les décrets d’application des deux lois engageant le processus de privatisation viennent d’être publiés. La participation des dirigeants syndicaux à la mise en œuvre de ces lois, à la destruction du statut du personnel vient de se traduire par la signature d’un accord "social" introduisant la flexibilité :
- France Télécom emploiera un millier de jeunes sous contrat d’apprentissage,
- les agences seront ouvertes le samedi et plus tard le soir ; les syndicats pourront négocier localement des aménagements du temps de travail (temps convenu) en échange d’une réduction de temps de travail (calculée en moyenne) :
- les syndicats seront associés à la gestion des carrières : celles ci seront de plus en plus bâties sur la reconnaissance des compétences et des aptitudes et de moins en moins sur le système des corps et des grades de la Fonction publique.
Ainsi tout un aspect de ces accords est conçu pour soumettre les organisations syndicales à l’État bonapartiste par le biais de leur association au organismes de cogestion.
L’histoire des combats ouvriers pour arracher les accords, contrats collectifs, conventions collectives, Sécurité sociale, est directement liée à l’histoire du mouvement ouvrier, des syndicats. Ainsi, le retard pris par le prolétariat français dans la conquête de la protection sociale, des conventions nationales (en comparaison avec l’Allemagne ou même l’Angleterre) est lié aux échecs subis (en 1848 ; en 1871 : défaite sanglante de la Commune), à la constitution tardive des syndicats (la CGT est proclamée en 1895) puis à la division syndicale (années 20)
Les conventions collectives et les statuts nationaux arrachés par une corporation attestent la capacité du prolétariat organisé comme classe indépendante à travers ses syndicats à imposer à la bourgeoisie d’être reconnu non comme une masse d’individus isolés mais comme une classe affirmant la solidarité collective de ses intérêts. À l’inverse, chaque fois que la bourgeoisie et son État tentent de mettre en cause les acquis ouvriers qui unifient la classe ouvrière (ou une de ses corporations) elle s’en prend directement aux organisations syndicales en tentant de les subordonner à ses intérêts. Ainsi les accords de collaboration de classe signés à EDF-GDF, aux Télécoms lient la mise en cause des acquis ouvriers et la soumission des organisations syndicales à l’État. C’est la raison pour laquelle le combat en défense des organisations syndicales est intimement lié à la défense des acquis économiques du prolétariat.
LE PS, LE PCF EN DÉFENSE DU SYSTÈME CAPITALISTE
Le PS et le PCF se situent l’un et l’autre dans le cadre de la défense du régime capitaliste en crise, de l’impérialisme français décadent, du régime bonapartiste réactionnaire de la Vème République. Affirmant sur tous les tons qu’il entend respecter les échéances électorales de 1998, le PS signifie de ce fait au gouvernement Chirac-Juppé qu’il a toute latitude pour développer son offensive anti-ouvrière. Le PCF renchérit. Présentant ses vœux à la presse R.Hue annonce les raisons qui selon lui feront de 1997 une année importante :
Cette intervention d’un dirigeant du PS à la veille des négociations à EDF-GDF a dû réjouir Gandois qui dans le même temps affirmait :
Dans le rapport de J.P.Magnon au Comité national du PCF, le 19 janvier, on ne trouve pas un mot du combat à mener contre le gouvernement Chirac-Juppé. Il propose "une campagne de très grande ampleur pour un référendum sur la monnaie unique". Cette campagne revêt plusieurs aspects. En martelant l’exigence d’un référendum, avec le soutien de la LCR, du MDC, l’appareil du PCF apporte son soutien à Chirac aux prises avec l’impérialisme allemand, au nom de la défense des intérêts nationaux de la France, c’est à dire des intérêts de la bourgeoisie (ou de certaines de ses fractions.
Il en fait de plus un prétexte à une campagne de division entre le PS et le PCF en vue des élections de 1998. Tenter de faire un barrage à la volonté des masses d’utiliser le PS et le PCF pour infliger une défaite au RPR et à l’UDF lors des législatives de 1998, tel est l’autre axe de cette campagne de division. Mais pire encore, alors que Chirac veut utiliser le caractère plébiscitaire du référendum comme moyen de conforter son régime bonapartiste, la campagne du PCF vise à faire cautionner cette pratique par les organisations ouvrières ouvrant la voie à la subordination totale du mouvement ouvrier à l’État.
Corrélativement le C.N. du PCF a décidé de prendre partout, dans les entreprise, les quartiers des initiatives "pour faire vivre le cours neuf d’une véritable démocratie de participation". Cette orientation cogestionnaire qui vise à impliquer chaque salarié et les syndicats ouvriers dans la gestion du capitalisme c’est le moyen pour briser la résistance de la classe ouvrière aux offensives du patronat. Ainsi la Fédération nationale CGT des travailleurs de l’État (FNTE-CGT) a décidé "de demander officiellement au gouvernement d’organiser une consultation directe et officielle des travailleurs de l’État, des salariés des industries de défense, ceux des monnaies et médailles, préalablement à toute prise de décision engagent leur avenir" (L’Humanité 21/1/97).
Au nécessaire combat de classe imposant l’unité des organisations syndicales, la rupture avec le gouvernement, le PCF et la CGT opposent l’émiettement des salariés de la Fonction publique, de l’ensemble des entreprises publiques. Pour le PCF, dont l’histoire est depuis la "bolchévisation" (c’est à dire la stalinisation) liée à la contre-révolution, cette orientation de cogestion qui mène à la destruction du mouvement ouvrier est d’autant plus affirmée avec cynisme qu’elle est aujourd’hui la condition de la survie de l’ordre bourgeois.
L’IMPÉRIALISME FRANCAIS ACCULÉ
La crise généralisée du système capitaliste avive les rivalités inter-impérialistes. Le capitalisme français est confronté à la lutte pour la survie. L’Expansion du 9 janvier présente ainsi cette "course à la taille" pour survivre :
En Europe, l’impérialisme français est contraint de s’aligner sur les exigences de l’impérialisme allemand. Ainsi, l’accord de Dublin a-t-il été présenté par Le Monde du 17 décembre comme "un compromis à l’arraché". Compromis ? Le même numéro de L’Expansion le présente ainsi :
Quant à la réforme du commandement demandée par Chirac, il y a tout lieu de penser que la bataille est perdue d’avance. L’impérialisme français réclame le commandement régional des forces de l’OTAN du Sud de l’Europe basé à Naples et tenu par un amiral américain. Le nouveau Secrétaire américain à la défense, William Cohen a déjà fait connaître sa réponse : "c’est clair, c’est catégorique, ce n’est vraiment pas négociable".
L’accord de Nuremberg a aussi des implications économiques. Le directeur général de l’armement au ministère de la défense à Bonn a fait connaître aux parlementaires et aux industriels français les nouvelles règles du jeu :
- l’industrie d’armement française ne doit pas menacer l’industrie allemande "les subventions étatiques doivent cesser dès le moment où les entreprises sont privatisées",
- "pour rester dans la compétition face aux américains", il ne faut pas craindre de supprimer des emplois,
- la France doit cesser sa politique "extensive" en matière d’exportation d’armes. D’ores et déjà, l’impérialisme allemand est passé au 3ème rang mondial des vendeurs d’armes (devant la France) et il entend imposer son veto aux exportations des matériels conçus "en coopération".
LA BULLE SPÉCULATIVE : UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS
Plus que ses concurrents encore, compte tenu de ses faiblesses, la bourgeoisie française vit dans l’angoisse d’un krach boursier et bancaire qui pourrait bouleverser le dispositif politique. Selon L’Expansion , Wall Street a enregistré la plus longue période de hausse de son histoire. la capitalisation boursière dépasse 100% du PIB, davantage que les 81% de 1929. Le rendement des dividendes est tombé à 1,9% bien au dessous de sa moyenne (4%), les actions valent 18 fois les bénéfices estimés pour 1997 :
fonds empruntés à Tokyo où le loyer de l’argent est quasi nul. La chute de l’indice Nikkei de 4,26% le 10 janvier a donné des sueurs froides au monde du capital. L’effondrement de la bourse de Tokyo générerait immédiatement un krach à Wall Street.
Fin janvier, la Banque de Corée a dû injecter environ 7 milliards de dollars dans le circuit monétaire pour éviter que la cessation de paiement du conglomérat sud-coréen Hambo Iron and Steel n’engendre des défaillances en chaîne parmi les créanciers. L’ampleur de l’endettement est telle que selon Les Echos du 31 janvier "certains banquiers s’inquiètent d’un risque "systémique".
D’ores et déjà, l’affaiblissement de la croissance en Allemagne menace la conjoncture européenne dans son ensemble. Les répercussions d’un krach boursier à New-York auraient des conséquences catastrophiques en Europe. En conséquence, le gouvernement Chirac-Juppé, gouvernement du capital en crise doit maintenir et accentuer son offensive contre les masses.
1997, LA TÂCHE LA PLUS URGENTE :
COMBATTRE, VAINCRE ET CHASSER LE GOUVERNEMENT CHIRAC-JUPPÉ
Le caractère de plus en plus bonapartiste et policier du gouvernement Chirac-Juppé exprime le fait que la bourgeoisie française ne peut combattre contre le prolétariat et la jeunesse et contre les impérialismes rivaux que corsetée par un État fort qui soumette toutes les couches sociales, mobilise toutes les ressources de l’économie, tende tous les ressorts de la société au profit exclusif du grand capital. mais ce gouvernement est en même temps contraint de faire appel en permanence au soutien direct ouvert, des organisation ouvrières. Il lui faut avancer prudemment. Le fait que moins de 6 mois après sa venue au pouvoir il ait été menacé par le puissant mouvement de novembre-décembre 1995 montre que la classe ouvrière n’est pas écrasée. Les appareils syndicaux, le PS, le PCF sont parvenus à contenir la nouvelle vague qui s’annonçait en septembre 96. Ils élaborent consciemment toute une orientation visant à boucher toute perspective politique, à faire "patienter" jusqu’aux élections de 1998 permettant de ce fait au gouvernement Chirac-Juppé de porter des coups décisifs à la classe ouvrière et à la jeunesse durant l’année 1997.
En dépit de cela, les potentialités de combat de la classe ouvrière et de la jeunesse restent intactes. le gouvernement Chirac-Juppé est un gouvernement de combat, mais la force de la bourgeoisie est relative. Ce gouvernement peut être battu. Il faut pour cela imposer une politique de Front Unique des organisations ouvrières (partis et syndicats) en rupture avec la bourgeoisie. Il faut imposer aux directions des organisations syndicales qu’elles rompent avec le gouvernement et dénoncent les organismes de participation, de cogestion. Il faut leur imposer de défendre les acquis ouvriers (défense de la valeur de la force de travail, des qualifications et des diplômes nationaux, défense du droit au travail, du droit aux études) ; il faut leur imposer de rejeter les revendications patronales et les formules aux apparences ouvrières derrière lesquelles se cachent la flexibilité, la mise en cause des retraites, des conventions collectives et des statuts nationaux. Il faut plus particulièrement exiger du PS et du PCF qu’ils rompent avec la bourgeoisie, qu’ils luttent pour un gouvernement de leurs partis sans ministre bourgeois, s’appuyant sur la population laborieuse.
***
C’est parce qu’ils sont attachés au régime capitaliste que le PS, le PCF, les appareils syndicaux défendent le gouvernement Chirac-Juppé, la Vème République. La crise du régime capitaliste, sa décomposition menace de précipiter la classe ouvrière et la jeunesse dans la misère et la déchéance. Il ne peu y avoir d’issue à la crise du capitalisme et de la société bourgeoise qu’en combattant pour le socialisme. Mais pour imposer des solutions ouvrières à la crise, il faut construire un Parti ouvrier révolutionnaire, une Internationale ouvrière révolutionnaire sur le programme de la Révolution prolétarienne, de l’expropriation du capital. Ce combat est indissolublement lié aux réponses politiques dont le prolétariat est la jeunesse ont besoin au moment présent.