SOMMAIRE
CPS N° 65                                                                                         30 NOVEMBRE 1996

PARTI SOCIALISTE :
APRÈS UN AN DE RÉGIME JOSPIN

LA RÉNOVATION DU PS EST EN MARCHE

Lors de la convention nationale du PS.du 14 octobre 1995, LionelJospin a été désigné premier secrétaire en remplacement d’Henri Emmanuelli, suite à une consultation directe des militants, à caractère plébiscitaire. Plus de 94% des exprimés (participation de 66,4% pour 102.299 inscrits - adhérents) ont répondu positivement à la question "Souhaitez-vous que Lionel Jospin devienne Premier secrétaire du Parti Socialiste ?". Fort du score électoral réalisé aux premier (23,3% des exprimés) et second (47,3% des exprimés) tour de l’élection présidentielle, soutenu par la plus grande partie du "pôle rénovateur" de P.Mauroy et de M. Aubry, par M. Rocard et ses partisans, avec l’assentiment de L. Fabius, L. Jospin a décidé de prendre la tête de la "rénovation" du PS.

Après un plus d’un an de régime Jospin, il est nécessaire de se livrer à un état des lieux. L’expression politique du PS depuis un an et les développements de sa vie interne confirment que la "rénovation" s’inscrit dans le processus vers la liquidation du PS en tant que parti ouvrier, au service de la bourgeoisie française et accessoirement des… ambitions personnelles de Jospin. Depuis plus d’un an, la "rénovation" du PS s’est concrétisée par une défense acharnée du gouvernement Chirac-Juppé et de sa politique, et par un engagement sans précédent dans le combat contre la perspective du socialisme, en défense du mode de production capitaliste et de l’impérialisme. Bien entendu, le PS n’a pas encore été liquidé en tant que parti ouvrier. Mais de nouveaux coups importants lui ont été portés. L. Jospin à la direction du PS, aux côtés du PCF, des dirigeants des organisations syndicales s’est engagé autant que possible dans le combat contre le prolétariat et la jeunesse pour leur boucher toute perspective politique sur la ligne du combat pour le socialisme.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1995 :
A LA RESCOUSSE DU GOUVERNEMENT CHIRAC-JUPPÉ

Le 17 octobre 1996, les dirigeants des fédérations de fonctionnaires ont appelé à un grande action contre-feu, visant en fait à interdire le combat réel contre le gouvernement Chirac-Juppé. L. Jospin s’est fendu d’une lettre à leur intention dans laquelle il justifiait l’appel du PS à ses militants de participer aux manifestations prévues le 17 octobre. Il indiquait dans sa lettre :

"Cette démarche exceptionnelle dans la forme est dictée par l’urgence sociale que nous sentons monter de toutes parts dans le pays" (Le Monde du 17/10/96). Il poursuivait : "ce gouvernement "persiste dans une politique qui échoue, au nom de la lutte contre les déficits" (Le Monde du 17/10/96). Le 17 octobre 1996, les dirigeants des appareils syndicaux maîtrisaient totalement la situation sur une orientation de défense du gouvernement Chirac-Juppé. Dans ces conditions, le P.S. pouvait "exceptionnellement" appeler ses militants à participer.

Il en fut autrement en novembre-décembre 1995. Le Monde du 19/12/95 indiquait : "Lionel Jospin n’a pas participé samedi 16 décembre, à la nouvelle manifestation syndicale contre le plan Juppé. Fidèle à sa position depuis le début du mouvement social, il a exprimé sa solidarité aux manifestants mais en veillant à ce que le Parti Socialiste ne soit pas engagé en tant que tel dans les défilés". L. Jospin déclarait "Quelle que soit l’importance d’un mouvement social — et celui-là est considérable — la vocation de la direction d’un grand parti politique de gauche n’est pas de s’y auto-dissoudre" (Le Monde du 19/10/95). Le Conseil National du P.S. du 16 décembre 1995 a approuvé sans opposition cette orientation. Pour arracher le retrait du plan Juppé de réforme-destruction de la Sécurité Sociale les masses étaient prêtes à engager le combat nécessaire pour chasser le gouvernement Chirac-Juppé. Un appel à manifester du PS, aussi édulcoré soit-il, aurait pu être interprété par le prolétariat et la jeunesse comme une possibilité de s’engager dans cette voie.

Pour sauver le gouvernement Chirac-Juppé, le PS, ainsi que le PCF, aux côtés des dirigeants des organisations syndicales ouvrières, se sont acharnés à boucher toute perspective politique. Le 16 décembre 1995, L. Jospin déclarait qu’il fallait "utiliser le temps d’opposition non seulement pour nous opposer — avec ce brin de systématisme qui rassure —, mais pour tirer des leçons du passé et pour préparer l’avenir" . L.Jospin entonnait ce qui allait être son credo : l’échéance c’est 1998, pour les élections législatives. En conséquence, le gouvernement Chirac-Juppé doit rester en place et sa politique réactionnaire s’appliquer, démocratie oblige ! De plus, en novembre-décembre 1995, le PS s’est constamment situé sur le terrain de la nécessité d’un "réforme" de la Sécurité Sociale comme l’avait expliqué L.Jospin lui-même lors de sa campagne électorale pour l’élection présidentielle. Alors que C.Évin approuvait la "réforme" présentée par Juppé, l’Humanité du 18/12/95 commentait ainsi la position de M.Rocard :

"Pour lui, on ne peut "abandonner l’objectif" de réfrme de l’assurance maladie — il ne manque aucune occasion de rappeler qu’il a "commencé cette politique" —, mais il ne faut pas le faire "à la trique". De son côté M. Aubry, toujours selon l’Humanité du 18/12/95 craignait "que la méthode d’Alain Juppé ne "tue l’idée même de réforme" auprès de gens"


L. Jospin n’a pu faire autrement que de rappeler à l’ordre C.Évin. Mais il n’en reste pas moins qu’il s’est engagé à fond pour aider le gouvernement Chirac-Juppé à se sauver du naufrage politique en novembre-décembre 1995. Quelques semaines après sa désignation comme premier secrétaire du PS, L. Jospin avait déjà démontré ce que signifiait pour ce parti la "rénovation" du PS : soutenir le gouvernement Chirac-Juppé, se porter à sa rescousse face au prolétariat et à la jeunesse.

AVEC CONSTANCE, DÉFENSE DU GOUVERNEMENT CHIRAC-JUPPÉ…

Tirant un premier bilan de la première année du septennat de J.Chirac, Vendredi du 10/05/96, l’hebdomadaire du PS, titrait : "Un an de Jacques Chirac à l’Élysée : la grande désillusion". Vendredi ne faisait que reprendre les discours de L. Jospin depuis plusieurs mois : J. Chirac, la majorité RPR-UDF à l’Assemblée Nationale n’ont pas tenu leurs promesses électorales. Passant outre les attaques effectives du gouvernement Chirac-Juppé contre les masses, ce bilan analysait dans les termes suivants la politiques du gouvernement :

"une année de stagnation économique", "des déficits publics toujours élevés", "un politique de l’emploi inefficace", "une politique étrangère contractée", "une politique européenne hésitante", "une politique de défense contestable", "sécurité : une politique improvisée", "l’éducation : une politique de l’illusion", "mouvement social : incompréhension et mépris", etc. Sur chacun des éléments du bilan, le PS se situait sur le terrain de la mauvaise gestion ou des erreurs commises par le gouvernement. Et de poursuivre qu’avec de bons gestionnaires, en 1998, en cas de changement de majorité à l’Assemblée Nationale, une autre politique serait possible. Pour le PS, il n’est pas question de remettre en cause le capitalisme. Les agressions dont les travailleurs et la jeunesse sont l’objet, la remise en cause de tous les acquis sociaux, l’abaissement du pouvoir d’achat, l’aggravation des conditions de travail, le chômage, la remise ne cause des libertés démocratiques n’ont pas pour cause le capitalisme mais seulement les "erreurs" et les "injustices" du gouvernement Chirac-Juppé.

Sur cette orientation, présentant une motion de censure à l’Assemblée Nationale le 19 juin 1996, L. Fabius déclarait :

"Vous avez multiplié les erreurs de politique économique en bloquant la croissance, par la lourdeur des prélèvements sociaux" (Vendredi du 19/06/96) après avoir aussi dit, par exemple à propos de la réforme-destruction de la Sécurité Sociale. "assurément il convenait de réformer en profondeur le système et de maîtriser l’évolution des dépenses de santé. Mais votre méthode a été mauvaise, ainsi que plusieurs de ses aspects de fond" (Vendredi du 19/06/96) Lors de l’université du PS, tenue à La Rochelle début septembre 1996, L. Jospin avait menacé "Le malaise est tel que, dans cette rentrée, je devrais m’exprimer avec une voix assez forte" (Libération du 9/09/96). Mais il a tout de suite ajouté : "il faut faire reculer le gouvernement, je vous appelle à ce combat", en poursuivant : "l’alternative commence maintenant. Ce n’est pas à trois mois des élections législatives qu’il faudra poser aux français la question de l’alternative. C’est dès maintenant que cette hypothèse doit pénétrer les esprits" (Vendredi du 6/09/96). L. Jospin précisait : "Je ne sais pas ce que veut dire "l’autre politique". Même si je comprends bien qu’en diabolisant ce terme, on veut interdire tout débat sur la politique économique" (Vendredi du 6/09/96). Pour le PS, il s’agit au mieux de préparer "l’alternance" en 1998 et d’ici là de débattre avec le gouvernement. C’est dans les faits défendre le gouvernement Chirac-Juppé et par la même participer à l’application de sa politique réactionnaire.

… ET SOUTIEN À LA MISE EN OEUVRE DE SA POLITIQUE

Quand il se radicalise, L. Jospin qualifie au plus la politique du gouvernement comme étant "injuste" et dénonce sa "méthode autoritaire". Mais dans les faits, le PS prend en charge toutes les attaques décisives que le gouvernement porte contre le prolétariat et la jeunesse. Il en est ainsi de la réforme-destruction de la Sécurité Sociale. À ce propos, L. Fabius déclarait à l’Assemblée Nationale le 1er octobre 1996 :

"Certes, vous avez engagé une réforme en matière d’assurance-maladie, reprenant d’ailleurs sur plusieurs points des propositions qui avaient été les nôtres et qu’à l’époque nous aviez combattues. Pour être objectif, je crois cependant qu’un changement culturel est en route en ce domaine et qu’il peur à terme donner certains résultats" (Vendredi du 4/10/96). Il en est ainsi de la "réforme" de l’armée vers l’instauration de l’armée de métier, à propos de laquelle, le même L. Fabius déclarait à l’Assemblée Nationale le 19 juin 1996 : "Nous sommes convaincus pour notre part qu’au-delà de la nécessaire évolution de nos armées vers un plus grand professionnalisme, un service national plus court, profondément remanié, contribuerait à une défense moderne" (Vendredi du 21/06/96) . Il en est ainsi aussi de la réforme-destruction de l’enseignement public. A ce propos, L. Jospin reprochait à F. Bayrou son "absence de vision et d’ambition" et de "se cantonner dans une gestion tiède de ce grand chantier" (Libération du 13/09/96).

Concernant la présentation du budget de l’État pour 1997, F.Hollande, porte-parole du PS a déploré :

"C’est le budget d’un gouvernement qui n’atteint pas l’objectif de réduction du déficit, qui bloque la dépense publique au risque d’asphyxier l’économie française, et qui ne procède à des allégements fiscaux que microscopiques et réservés aux plus favorisés". Mais il faut aussi ajouter le refus de L. Jospin de prendre clairement position pour l’abrogation des lois Pasqua, ou encore celui de prendre position sur la visite du pape en France en septembre dernier sous prétexte de ménager les "sensibilités". Comme le constatait Le Monde du 3/09/1996, en parlant du PS : "Dès à présent, cependant, il ne semble guère en passe de trouver les chemins d’une politique économique véritablement différente, non seulement de celle suivie par le gouvernement actuel, mais aussi de celle préconisée, en d’autres temps, par Pierre Bérégovoy… L. Jospin se fait fort de préparer l’alternance, mais il n’en a pas encore défini le contenu". En réalité, il est clair que si le PS revenait au pouvoir suite aux élections législatives de 1998, il ne ferait que se plier aux exigences du capital. Dans tous les domaines il chercherait à poursuivre la politique mise en œuvre par le gouvernement actuel, politique qu’il prend en charge aujourd’hui. Voilà pourquoi L. Jospin tarde à définir le contenu de "l’alternance".

CONVENTION SUR LA MONDIALISATION :
DÉFENSE DE L’IMPÉRIALISME, COMBAT CONTRE LE SOCIALISME

La convention nationale du PS du 14 octobre 1995 a décidé de l’organisation de trois conventions thématiques en vue de l’élaboration du programme du PS qui doit être adapté lors du prochain congrès national fixé depuis peu pour novembre 1997. La première de ces trois conventions, intitulée "Europe, Mondialisation, France" s’est tenue les 30 et 31 mars 1996. Il est nécessaire d’en rappeler le contenu. Son objectif politique premier était d’enfoncer le clou sur un seul axe en martelant et en réaffirmant qu’il n’est pas question, dans un avenir proche et même lointain, de remettre en cause le mode de production capitaliste. Dans ce cadre, le PS a proclamé son alignement sur les positions de la bourgeoisie concernant la défense des intérêts de l’impérialisme français dans le monde et en particulier en Europe.

Réunissant les travaux de cette convention, Vendredi du 31 mai 1996 affirmait :

"La mondialisation est la réalité du monde d’aujourd’hui. En elle-même, elle ouvre beaucoup de perspectives positives. Mais la manière dont elle s’opère et dont l’Europe s’y insère inquiète légitimement les peuples de France et d’Europe". Dans le texte d’orientation adopté, le PS reconnaissait dans la mondialisation un "nouvel âge du capitalisme" ouvrant de nouvelles perspectives de développement pour l’humanité et cela pour des dizaines d’années. Il en résulte que pour le PS, objectivement, il n’y a pas d’autre possibilité que de s’inscrire dans ce processus tout en cherchant à le "réguler" face aux dérives du "libéralisme". En claire, cette convention avait pour objectif politique de mettre l’ensemble du PS au pas sur l’orientation : le capitalisme a encore en tant que mode de production un rôle progressiste ; la perspective du socialisme doit être repoussée aux calendes grecques et ne peut même plus être évoquée les dimanches et les jours de fêtes.

Avec cette convention, le PS en tant que tel, a accompli un pas décisif comme participant actif du combat contre les perspective du socialisme. Il s’est engagé ouvertement aux côtés de la bourgeoisie, dans le combat politique en défense de l’impérialisme, en présentant notamment la dislocation de l’URSS et la dislocation de la bureaucratie du Kremlin comme la matérialisation de la faillite du communisme. Par cette convention, L. Jospin a réussi à porter un coup important au PS en tant que parti ouvrier : en son sein, l’utilisation du terme "socialisme" lui-même est devenu tabou. Et c’est l’ensemble du PS qui s’est aligné sur cette orientation.

En effet, lors de la préparation de cette convention, le sénateur Mélanchon, le député Dray et le maire M.N. Lienemann ont présenté un amendement au nom de la Gauche Socialiste qui a recueilli plus de 40% des exprimés. Mais fondamentalement, cet amendement se situait sur la même ligne que celle de la direction du PS Son point de départ était aussi "l’émergence d’une Europe unie peut permettre de valoriser les potentialités de la mondialisation tout en jugulant les tempêtes destructrices que les politiques libérales ont déchaînées sur le marché" (Vendredi du 8/03/96). Au plus, cet amendement mettait un bémol au soutien apporté par le PS dans la mise en œuvre des accords de Maastricht en revendiquant la négociation d’un nouveau traité. Le score honorable réalisé par cet amendement ne s’explique pas par le fait qu’il ouvrait une quelconque perspective aux adhérents, en opposition à la prise en charge par le PS d’une orientation correspondants aux objectifs de la bourgeoisie. Tout simplement, voulant rappeler à L. Jospin qu’ils comptaient encore jouer un rôle au sein du PS, H. Emmanuelli et L. Fabius ont organisé un certain soutien de leurs partisans à l’amendement de la Gauche Socialiste.

CONVENTION SUR LES ACTEURS DE LA DÉMOCRATIE :
DÉFENSE DE LA VÈME RÉPUBLIQUE, VERS LE CORPORATISME

J. Lang a été chargé par L. Jospin d’impulser la préparation de la convention sur les "acteurs de la démocratie", la deuxième parmi les trois programmées, qui s’est tenue les 29 et 30 juin 1996. A cette occasion, une "innovation" a été introduite dans la méthode de préparation : "des "assises citoyennes" auront lieu dans tous les départements, le 1er juin, avec la participation de représentants des autres forces de gauche et des écologistes" (Le Monde du 9/04/96). En d’autres termes, l’orientation du pôle rénovateur consistant à rendre le PS "plus poreux" a été appliquée.

Les propositions préparées sous la houlette de J. Lang ont été adoptées par près de 93% des exprimés pour une participation de 42,8% des adhérents. En les présentant, L. Jospin a opposé le "réalisme de gauche" au "modérantisme" (Le Monde du 2/07/96). Sous ce vocabulaire ésotérique se cache une défense sans condition des institutions de la Vème république et un ensemble de propositions réactionnaires s’inscrivant totalement dans le développement de la participation, vers la réalisation des objectifs corporatistes de la bourgeoisie et de son combat contre les libertés démocratiques. Ainsi, parmi les propositions résumées par J. Lang lui-même dans Vendredi du 14/06/96, on trouve :

"éviter les vérifications d’identité abusives et les gardes à vue injustifiées" ; "combattre l’immigration clandestine par une lutte renforcée contre le travail clandestin et des reconduites à la frontière respectant les droits des personnes" ; "renforcer les prérogatives des conseillers du salarié, des délégués du personnel et des comités d’entreprise". L. Jospin résumait ainsi l’objectif du texte adopté : "faire de notre pays une démocratie moderne et vivante" (Vendredi du 5/07/96).
À PROPOS DE L’AUTORISATION ADMINISTRATIVE DE LICENCIEMENT

Selon la presse, l’une des mesures les plus radicales adoptée par cette convention, aura été le rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement, sous l’impulsion de la Gauche Socialiste. Lors de la convention, J. Dray a plaidé pour cette cause dans les termes suivants :

L’autorisation administrative de licenciement, par son existence, est un point d’appui pour les salariés pour pouvoir participer, de manière collective, à la discussion sur la vie de l’entreprise, sur sa stratégie. Elle oblige, à partir de là, le patron, celui qui prend la décision, à engager le dialogue. C’est bien cela que nous voulons, c’est effectivement à l’intérieur de l’entreprise que la démocratie peut exister et elle ne peut exister que par un dialogue social pour les conditions d’un contrat. Sinon nous assistons à ce que l’on a pu voir ces jours-ci : un patron décide, dans le transport aérien, sans qu’il y ait eu concertation, des charrettes de licenciements, des stratégies industrielles. Nous pensons justement qu’il doit y avoir discussion et que les organisations syndicales doivent avoir leur mot à dire." (Vendredi du 5/07/96) Les propos de J. Dray ont le mérite de la clarté. L’autorisation administrative de licenciement, instituée par le gouvernement Giscard-Chirac en 1975 n’est pas une conquête ouvrière. Elle n’a rien à voir avec l’interdiction des licenciements. Pour le PS, l’adaptation de cette mesure "radicale" poursuit un objectif : développer la participation, permettre une plus étroite association des dirigeants syndicaux à la prise en charge des plans de licenciements. Après J. Dray, L. Jospin pouvait alors ajouter, commentant cette proposition du PS : "il leur faut [les patrons - NDLR] cesser d’utiliser les licenciements comme la seule variable d’ajustement possible" (Vendredi du 5/07/96).

CONVENTION SUR LA REDISTRIBUTION :
SATISFAIRE AUX EXIGENCES DU CAPITALISME FRANÇAIS

La troisième convention thématique sur la "redistribution", chargée de définir la programme économique et social du PS, doit se tenir les 14 et 15 décembre 1996. H. Emmanuelli, qui préside à sa préparation a fixé le cadre lors du Conseil National du PS du 21 septembre 1996. Il a alors déclaré : "Changer de politique, c’est changer la hiérarchie des priorités dans le cadre de l’économie de marché, réaffirmer la nécessité de réguler socialement cette économie de marché" (Vendredi du 27/09/96).

Le message est clair : chacun sait que l’économie de marché, c’est le capitalisme.

Pour préparer cette troisième convention, le PS a décidé de consulter. Parmi les personnalités auditionnées, Jean Gandois, président du CNPF, a été l’un des premiers reçus. Libération du 15/10/96 commente :

"Souriant, d’un commerce agréable, celui qui avait fait de Martine Aubry sa directrice générale-adjointe lorsqu’il était patron de Péchiney, a joué l’ouverture grand angle. Il a reconnu les dégâts sociaux de la mondialisation, s’est montré préoccupé du chômage des jeunes. Et même l’autorisation administrative de licenciement — réinscrite au programme des socialistes — ne l’a pas fait sursauter." Autre invité de marque, Roger Fauroux "qui présida la commission de réflexion sur l’école, fut, parait-il agréablement surpris de voir les socialistes opiner du chef lorsqu’il leur a parlé de déconcentrer le système éducatif "il croyait qu’on était encore à la solde des syndicats enseignants. C’est bien fini tout ça" rigole un socialiste." (Libération du 15/10/96) Lors de la première réunion d’élaboration du projet le 16 octobre 1996 L. Jospin "a recadré les travaux, souhaitant un texte court, clair, politique, centré autour de sept à huit priorités" (Le Monde du 19/10/96) et il ne cesse de rappeler : "Nous ne promettons rien qui ne puisse être tenu" (Libération du 21/10/96). De toute évidence, le programme en matière économique et sociale qui sortira de la convention sur la redistribution sera à l’identique de celui présenté par le candidat L. Jospin lors de l’élection présidentielle. Dans l’éventualité d’une nouvelle cohabitation en 1998, il se résumera à poursuivre contre les masses l’offensive engagée pour le gouvernement Chirac-Juppé, afin de satisfaire aux exigences du capitalisme français.

VERS UNE MISE AU PAS DU PS.…

A l’occasion de la préparation de la convention sur la redistribution, les contributions émanant de différents courants, clans et cliques ou de fédérations ont fleuri. Les rocardiens, la Gauche Socialiste, le groupe Partages composé d’ex-fabiusiens, le poisson pilote de L. Jospin, J.C. Cambadélis, les ex-rocardiens d’Agir en socialiste ont déposé leur contribution. H. Emmanuelli a quant à lui les mains quelque peu liées en tant que grand ordonnateur de cette convention. Courant septembre, la Gauche Socialiste, les rocardiens, les fabiusiens, les partisans de Delors organisés dans les clubs Témoins, ont rassemblé leurs troupes. De toute évidence, les courants, clans et cliques n’ont pas disparu au sein du PS. Lors du Conseil national du 21 septembre 1996, où il a été question de mettre en application pour la désignation des candidats aux élections législatives, la mesure réactionnaire du quota de 30% de femmes candidates, les escarmouches entre les clans se sont multipliées. Mais dans l’immédiat, en s’élevant au-dessus d’eux, L. Jospin a réussi à mettre au pas les courants et les regroupements assimilés en imposant une sorte de trêve.

Le processus de "rénovation" tel qu’il s’est matérialisé au travers des conventions thématiques, autant dans leur contenu que dans la forme, a en grande partie satisfait aux exigences du "pole rénovateur" et des rocardiens à la pointe de la dénaturation du PS en tant que parti ouvrier. D’un autre côté, L. Jospin a conclu une paix armée avec son rival L. Fabius en lui laissant les coudées franches à la tête du groupe parlementaire du PS à l’Assemblée Nationale. L. Jospin et L. Fabius se sont mis d’accord pour la convocation du prochain congrès en novembre 1997. Les partisans du maintien du PS en tant que tel sont rassurés. Ils savent que L. Jospin a retenu le dernier message de F. Mitterrand à l’adresse des dirigeants du PS : la liquidation du PS poussée à son terme signifierait l’impossibilité de retrouver le chemin du pouvoir et de retourner aux affaires. A la tête du PS, le pratique de L. Jospin combine son ambition personnelle — devenir un jour président de la Vème République — qui lui impose de ne pas aller jusqu’au bout dans la liquidation même s’il le pouvait et la nécessité de s’engager plus à fond et plus ouvertement dans la défense de l’ordre bourgeois, dans l’immédiat celle du gouvernement Chirac-Juppé, en prenant part activement au combat politique contre la perspective du socialisme. Cette dernière orientation est en tant que telle un facteur considérable d’affaiblissement du PS en même temps qu’elle contribue à accentuer le désarroi politique du prolétariat et de la jeunesse.

Pour l’heure, tous les courants tendent à se rassembler derrière L. Jospin sur la perspective que le PS puisse reconquérir sa place politique lors des élections législatives de 1998, voir sur la possibilité de gagner ces élections. Derrière L. Jospin, ils se situent tous sur la même orientation de défense de l’ordre bourgeois, du capitalisme en crise. Lors de l’élection partielle de Toulon, après l’élimination du candidat du PS dès le premier tour, tous se sont ralliés, au nom de la lutte contre le Front National, à la ligne du Front Républicain, consistant à appeler à voter pour les candidats de "droite" (c’est-à-dire UDF et RPR) "chaque fois qu’il y a opposition au second tour entre droite et extrême droite" (Le Monde du 18/09/96).

… MAIS LES CONTRADICTIONS RESTENT

Placé à la direction du PS, L. Jospin a réussi à lui porter de nouveaux coups. Mais il n’a pas détruit le PS. Malgré son extrême dégénérescence, le PS reste un parti ouvrier-traître. Il reste le principal parti que le prolétariat et la jeunesse chercheront à utiliser, en l’absence d’autre possibilité, en particulier sur le terrain des élections, dans le combat contre la bourgeoisie et ses partis, pour chercher à s’ouvrir une perspective politique. Malgré la bouillie du Front Républicain, les masses savent distinguer entre leurs partis et les partis bourgeois. Avec tous les précautions à prendre en considérant les résultats d’une élection partiel0le, l’exemple de Gardanne est significatif. Une partie importante de l’électorat du PS a refusé de voter pour Bernard Kouchner, candidat bourgeois agent de l’impérialisme français sous couvert du "droit d’ingérence humanitaire", investi par la direction du PS, et s’est portée dès le premier tour sur le candidat du PCF, seul représentant d’un parti ouvrier, bien que traître lui aussi.

Ce que craint par-dessus tout le PS, ce sont les masses elles-mêmes. Quand elles entreront à nouveau en mouvement, après avoir assimilé le bilan de l’échec du mouvement de novembre-décembre 1995, quand se dessineront les contours d’une nouvelle étape de leur combat contre la bourgeoisie, elles chercheront à nouveau à utiliser le PS, à peser sur lui. Dès lors, les contradictions au sein du PS, contenues en période de relative accalmie, s’exprimeront à nouveau. La contradiction fondamentale au sein de ce parti, source des développements de nouvelles crises, restera l’opposition entre partisans de la liquidation et ceux d’un maintien du PS en tant que parti ouvrier.

30 octobre 1996
Depuis que cet article a été écrit s'est tenu le samedi 9 novembre 1996, un Conseil national du P.S. Jospin a fait voter un texte qui exclut plusieurs amendements en les déclarant en opposition! Vendredi du 15 novembre a publié le texte Jospin ainsi que les différents amendements proposés: ceux maintenus, ceux retirés. Les adhérents auront à voter. Finalement, la Convention nationale des 14 et 15 décembre 1996 se prononcera. Le prochain numéro de CPS analysera la "proposition économique et sociale" du P.S., les amendements et les nouveaux développements qui ont lieu dans ce parti.
 


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