Supplément à « Combattre pour le socialisme » n°96, 20 mars 2004 :

ESPAGNE : ÉLECTIONS DU 14 MARS 2004

SÉVÈRE DÉFAITE D’AZNAR ET DU PARTI POPULAIRE ; DÉFAITE DE LA BOURGEOISIE.

Les travailleurs espagnols ont voté en masse pour les candidats du Parti socialiste espagnol (PSOE).

L’exigence immédiate : pour un gouvernement du seul PSOE,

sans représentant de partis et organisations bourgeoises, sans représentant des banques espagnoles. .

 

Le 14 mars, les travailleurs espagnols ont tranché : contre le chômage, la précarité du travail, les retraites misérables, pour en finir avec la participation de l’armée espagnole à l’occupation impérialistes de l’Irak, pour que soient satisfaites les revendications immédiates), il fallait commencer par chasser le gouvernement Aznar, la majorité du Parti populaire aux Cortès.

Ils ont défait Aznar.

Ils ont chassé la majorité réactionnaire aux Cortès.

Ils ont pour ce faire, voté massivement pour le Parti socialiste ouvrier espagnol : avec à peu près 11 millions de voix et 42,6% de suffrages exprimés, le PSOE réalise ses meilleurs résultats depuis 1986 (le PP, avec 37,6% recule de 7%). Le PSOE, avec ses 164 députés est en mesure de former à lui seul le gouvernement (Il a presque la majorité absolue, qui est de 175 députés)

Quant à ce qui reste du parti communiste espagnol, il ne profite pas, bien au contraire, de la défaite du parti populaire : regroupé au sein de Izquierda Unida (IU) avec les Verts, il recule une nouvelle fois, perdant quatre de ses députés, passant au-dessous de la barre des 5%.

Ces résultats électoraux sont à mettre en relation avec les puissantes mobilisations des travailleurs et des jeunes d’Espagne, en particulier depuis deux ans, et avec la nécessité apparue comme telle pour la grande masse des travailleurs : il fallait chasser le gouvernement Aznar. Ces résultats ne sont donc pas la conséquence des sanglants attentats du 11 mars à Madrid.

DE PUISSANTES MOBILISATIONS ONT PRÉPARÉ LA DÉFAITE D’AZNAR.

Les dirigeants réactionnaires de la bourgeoisie et les journalistes aux ordres font mine de s’indigner des résultats : « la terreur a renversé le gouvernement espagnol » affirme par exemple un quotidien danois. Et la presse du PCF d’emboîter le pas : « Jusqu’au 11 mars, rien ne laissait penser à ce renversement de situation. La tragédie de Madrid a sans l’ombre d’un doute bouleversé la donne » (L’Humanité du 16 mars)

Mensonge !

Pour truquer ainsi la réalité, ils évoquent les sondages espagnols d’avant les élections, sondages encore plus truqués qu’en France. Ils choisissent d’oublier que déjà, aux élections municipales du 25 mai 2003, le PSOE avait devancé de 200 000 voix le Parti populaire d’Aznar (34,7% des suffrages pour le PSOE, 6% pour IU, 33,8% pour le Parti populaire).

Ce qu’ils cherchent à effacer, ce sont les puissantes mobilisations du prolétariat espagnol, en particulier la puissante grève générale du 20 juin 2002, avec deux millions de manifestants exigeant le retrait du décret s’attaquant aux droits des chômeurs et exigeant le retrait d’un autre texte menaçant les droits des travailleurs agricoles d’Andalousie. Le gouvernement, sans retirer purement et simplement ces deux textes, sera obligé de manœuvrer en recul, renonçant fin janvier 2003 à l’essentiel de ces deux attaques. De même veulent-ils effacer les puissantes manifestations qui, à l’occasion du naufrage du pétrolier « Le Prestige » – naufrage organisé au large des côtes de Galice par le gouvernement lui-même- ont éclaté contre un gouvernement qui cherchait à camoufler ses responsabilités.

Plus encore, ils veulent effacer les puissantes manifestations contre l’intervention impérialiste en Irak, contre la participation de l’armée espagnole à cette guerre : le 15 février, les manifestations sont gigantesques. De même, le 22 mars : dans la seule ville de Barcelone, près d’un million de manifestants. Les manifestants exigeaient la démission d’Aznar, comprenant ainsi que pour empêcher l’intervention militaire de l’impérialisme espagnol –impérialisme décadent- aux côtés de l’armée américaine, il fallait chasser Aznar. .

Mais les dirigeants des organisations syndicales, ceux du PSOE et d’IU ont alors protégé le gouvernement Aznar ; ils ont fermé toute issue politique. Le gouvernement Aznar a pu s’engager dans la guerre, participant à l’écrasement puis à l’occupation de l’Irak. Puis les dirigeants du PSOE (avec l’appui d’IU) ont voté à l’unanimité le renouvellement du pacte de Tolède de 1995 sur les retraites. De même le PSOE avait-il signé un pacte contre le terrorisme avec le Parti populaire et un autre contre les travailleurs immigrés.

Cependant, à la veille des élections, Aznar savait que le Parti populaire était en difficulté.

Le jeudi matin 11 mars, une série d’attentats à Madrid tuait plus de 200 personnes, en blessait 1500, pour la plupart des travailleurs et des jeunes qui se rendaient au travail. L’expérience accumulée par les travailleurs espagnols durant ces années de combat contre le gouvernement Aznar allait alors leur être précieuse.

DES MANIFESTATIONS SPONTANÉES.

Aussitôt, le gouvernement d’Aznar tentait d’utiliser ces attentats, de mettre à profit électoralement le pacte anti-terroriste passé avec le PSOE, et accusait l’ETA. Aznar téléphonait personnellement aux directeurs des journaux pour indiquer « sa conviction absolue que l’ETA est derrière les attentats » Au Même moment, le ministre de l’intérieur accusait l’ETA : « le gouvernement n’a aucun doute », ceci alors que l’ETA avait déjà démenti toute implication dans ce carnage. Mais très vite, la réalité apparaissait, et avec elle, le camouflage de cette réalité par le gouvernement : ces attentats étaient en relation directe avec l’intervention armée contre l’Irak : un groupe lié au réseau Al-Qaida revendiquait ces attentats et des preuves s’accumulaient en ce sens. Le gouvernement appelait, tout en maintenant ses accusations contre l’ETA, à de vastes manifestations d’« union sacrée » le vendredi soir. La foule fut immense à Madrid et dans les grandes villes. Mais des foules réunies surgirent peu à peu cris et banderoles : « Nous voulons savoir la vérité », « Aznar menteur » Le samedi, des manifestations spontanées éclataient alors en direction de locaux du Parti populaire, accusant Aznar d’être le vrai responsable. Les manifestations, illégales durèrent jusqu’à l’aube aux cris de « Demain, on va vous chasser »

Et le 14 mars, les travailleurs et la jeunesse votaient massivement PSOE pour chasser le gouvernement du Parti populaire.

POUR UN GOUVERNEMENT DU SEUL PSOE

SANS REPRÉSANTANT D’ORGANISATION BOURGEOISE, SANS REPRÉSENTANT DES BANQUES.

Les travailleurs ont voté PSOE pour chasser Aznar; ils ont voté clase contre classe. Mais ils n’ont pas voté pour la politique conduite par le PSOE. Zapatero, son dirigeant, a d’ailleurs aussitôt rassuré le patronat comme il s’est montré respectueux de la constitution monarchiste, de cette constitution qui étrangle les droits nationaux, ceux des peuples basques et catalans en particulier. Le gouvernement qu’il envisage de former serait composé de ministres socialistes, à l’exception du ministre de l’économie : ce poste serait confié à Miguel Sebastian, sans parti, mais qui était jusqu’en janvier 2003 économiste en chef de la seconde banque espagnole, le BBVA. « Considéré comme une référence dans les milieux économiques de la péninsule » (La Tribune du 16 mars), cet homme serait de fait le représentant du capital financier au sein du gouvernement, la garantie que les intérêts du capitalisme seront préservés.

Le prolétariat, les peuples d’Espagne, cherchent à imposer la satisfaction de revendications, le retrait immédiat des troupes d’Irak – avec ou sans parapluie de l’ONU- l’abrogation de toutes les mesures réactionnaires.

Inévitablement, les travailleurs d’Espagne vont se trouver confrontés à la politique du gouvernement Zapatero. Ce dernier prévoit ainsi de poursuivre la politique de rigueur budgétaire du précédent gouvernement. De même, concernant les troupes espagnoles en Irak, annonce-t-il qu’il les laissera jusqu’au trente juin, et qu’il ne les retirera pas si c’est l’ONU qui organise l’occupation de l’Irak.

Inévitablement, le prolétariat d’Espagne cherchera à engager le combat pour ses revendications, et donc s’affrontera à la politique de ce gouvernement. Il lui faudra dégager une issue politique, une issue gouvernementale : celle d’un gouvernement sans représentant d’organisations bourgeoises ou des banques espagnoles, un gouvernement qui, compte-tenu des rapports actuels en Espagne ne peut être aujourd’hui qu’un gouvernement du seul PSOE, un gouvernement dont les travailleurs exigeront la satisfaction de leurs revendications.

On mesure bien ainsi quel est l’outil décisif qui manque au prolétariat espagnol : celui-ci a utilisé le PSOE pour chasser Aznar, mais le PSOE n’a aujourd'hui rien de plus pressé que de rassurer la bourgeoisie, de constituer un gouvernement avec l’un de ses représentants, de respecter la constitution monarchique. La classe ouvrière doit construire un Parti ouvrier révolutionnaire, un parti qui combatte pour un véritable gouvernement ouvrier, pour en finir avec le capitalisme, pour une fédération socialiste ibérique, un parti qui combatte sur le programme de la révolution : constitution d’un véritable gouvernement ouvrier pour exproprier le capital.

C’est sur cette perspective qu’un tel Parti ouvrier révolutionnaire doit avancer un mot d’ordre transitoire de gouvernement : un gouvernement du Front unique, c'est-à-dire un gouvernement du seul PSOE, tout en mettant en avant ses propres revendications immédiates:

-          retrait immédiat et sans conditions des troupes espagnoles en Irak ;

-          abrogation des mesures contre l’Enseignement public : suppression de l’enseignement religieux réintroduit par Aznar, abrogation de la réforme de l’Université, de l’enseignement ;

-          suppression  de la précarité du travail (un tiers des travailleurs sont en contrat précaire) ;

-          augmentation massive des salaires et des retraites de misère, etc… .

Ces revendications s’inscrivent dans le combat pour en finir avec la monarchie héritée du franquisme, pour les droits nationaux des peuples d’Espagne. La construction d’un tel parti sera sans doute un processus long et complexe. Mais pour en finir avec la barbarie capitaliste la classe ouvrière doit prendre le pouvoir.