Supplément à "Combattre pour le socialisme" n°89 (11 Mai 2002) :


FRONT UNIQUE CONTRE LE GOUVERNEMENT CHIRAC,

GOUVERNEMENT ABSOLUMENT RÉACTIONNAIRE !



Cela était prévisible et prévu: au second tour de l’élection présidentielle, Jacques Chirac, candidat du Medef, l’homme du capital financier, a été massivement réélu, avec 82,2% des suffrages "exprimés": un score inégalé sous la Vème République, un véritable plébiscite digne du caractère bonapartiste de ce régime. (Encore faut-il noter que dans nombre de bureaux de villes ouvrières, l’abstention atteint 25%, voire 30% et plus contre 17% à peine dans les quartiers et villes bourgeois.) Or, le même candidat Chirac, lors du premier tour, n’avait obtenu que 19,8% des suffrages "exprimés" moins de 14% des inscrits: le plus faible score jamais obtenu par un candidat des partis de la Vème République au premier tour d’une présidentielle.

Ce qui a permis un tel retournement, c’est l’élimination de tout candidat de parti ouvrier (en l’occurrence, celui du parti socialiste) au premier tour et le soutien total qu’ont apporté à Chirac, au second tour, les dirigeants de toutes les organisations ouvrières, ceux du PS et du PCF comme ceux des syndicats ouvriers, et ceci au nom du combat contre le fascisme et la nécessité "de faire barrage à Le Pen".

Or, et cela était prévisible et prévu, non seulement Le Pen n’avait aucune possibilité d’être élu, mais ses résultats montrent qu’il n’obtient guère plus de voix que lui-même et Mégret au premier tour. Et, à l’inverse de ce qui fut expliqué, l’appel du PS et du PCF à voter Chirac n’a pas amoindri le caractère réactionnaire de sa politique, ainsi qu’en attestent la composition et le programme du gouvernement installé le 5 mai. Car le vote massif en faveur de Chirac est une victoire de toute la bourgeoisie.

LE GOUVERNEMENT CHIRAC DONT RAFFARIN EST LE MINISTRE.

Quoiqu’ en dise la presse, il n’existe pas de "gouvernement Raffarin". Il n’existe qu’un gouvernement de Chirac, stricte émanation de ce dernier, conformément aux institutions réactionnaires de la Vème République. Lors de la constitution de ce gouvernement, Raffarin explique lui-même : "C’est Chirac qui fait le gouvernement, je n’ai pas forcément la main dessus".

S’appuyant sur la force acquise par sa victoire à l’élection présidentielle Chirac a pu installer un gouvernement de "mission": au premier de ces missionnaires, Raffarin, Chirac a donné sa "feuille de route". Il a instauré de son propre chef un ministère de la "sécurité intérieure" (sic) et des "libertés locales", dont il suivra directement le travail via un "cabinet de sécurité".

UN GOUVERNEMENT DE COMBAT CONTRE LA CLASSE OUVRIÈRE ET LA JEUNESSE.

Ce gouvernement entend satisfaire les demandes immédiates de la bourgeoisie (politique sécuritaire, baisse des impôts et des charges sociales…) et poser les bases d’une offensive d’ensemble.  Ce faisant, il veut créer les conditions d’une victoire aux législatives pour le nouveau parti du Président : l’UMP, parti godillot typique du régime gaulliste. Car dans le cadre de la crise récurrente de la Vème République, il lui faut une forte majorité parlementaire pour mener à bien tous ses projets. Le premier de ses objectifs, c’est de s’attaquer aux retraites : aligner les pensions des fonctionnaires sur les retraites du privé, allonger la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein, développer les fonds de pension…

UNE NÉCESSITÉ : ROMPRE TOUTE ALLIANCE AVEC LA BOURGEOISIE ET SES PARTIS.

Comme les dirigeants du PCF, ceux du PS mettent en avant un programme qui, selon la presse, serait  "rosi", plus "à gauche": en réalité, ils ne font qu’ajouter quelques formules vagues à un programme dont Jospin a dit, au début de sa campagne, qu’il "n’était pas socialiste",ce qui était l’évidence. Ce programme "non socialiste" était dans la continuité de la politique anti-ouvrière menée durant cinq ans par le gouvernement de la gauche plurielle. Là se trouve la raison fondamentale à l’effondrement électoral du PS et du PCF. Bien que majoritaires à l’Assemblée nationale en 1997, ils ont refusé de constituer un gouvernement des seuls PS et PCF, au profit d’une alliance avec le parti radical, parti bourgeois et des forces d’origine bourgeoise (le MDC, les Verts…) Au lieu d’exiger la démission de Chirac en mai-juin 1997, ils l’ont protégé cinq ans durant, y compris contre toute poursuite judiciaire.

Aujourd’hui, dans la suite de l’appel à voter Chirac, les dirigeants du PS et du PCF font tout pour que Chirac puisse gouverner sans entraves, pour que le nombre de députés des partis ouvriers soit réduit. Non seulement, dès le premier tour, ils laissent la place à un grand nombre de candidats bourgeois(tels ceux du parti radical), mais ils se préparent, une fois encore, à des désistements en faveur de candidats UDF ou UMP au nom du combat "contre le danger fasciste". (Or, s’il y avait un vrai danger fasciste aujourd’hui –c’est à dire l’utilisation de la violence contre le mouvement ouvrier- c’est par l’autodéfense que la classe ouvrière et la jeunesse devraient se protéger).

Cette politique de soutien du PS et du PCF à Chirac est relayée par tous les dirigeants syndicaux.

"il faut relancer et promouvoir le dialogue social" (Raffarin)

Raffarin a été chargé de présenter le programme du gouvernement Chirac : davantage de répression et d’opérations coup de poing (le président demeurant quant à lui à l’abri de toute enquête judiciaire) ; une politique économique et financière dictée par le grand patronat, avec la présence de Francis Mer au ministère des finances, "un homme d’action" qui a supprimé 70 000 emplois dans la sidérurgie en 15 ans. Quant à l’Education Nationale, on peut compter sur Luc Ferry pour poursuivre la politique de liquidation de programmes et de développement de l’obscurantisme à laquelle il a contribué sous Bayrou, puis sous Allègre et Lang.

Mais Chirac sait que sur les questions importantes, il ne peut passer en force. Pour éviter toute puissante mobilisation spontanée, il doit d’abord obtenir que les dirigeants syndicaux légitiment, par le dialogue, les projets les plus réactionnaires. C’est ce dont Raffarin est chargé. Aussitôt, tous les dirigeants syndicaux font acte d’allégeance : Blondel pour FO, demande la mise en place d’un  dialogue social  de "bonne foi", après avoir été rassuré par la présence de ministres tels que …Francis Mer ! La direction de la CGT demande au gouvernement de "promouvoir une nouvelle démocratie sociale" et l’UNSA invite ce même gouvernement "à faire du dialogue social sa priorité". Idem la FSU. Sans même parler de la très patronale CFDT.

A l’inverse, résister à cette offensive implique d’imposer aux dirigeants syndicaux qu’ils refusent toute légitimation de ce gouvernement et de ses projets : Non au dialogue social ! Défense des revendications ouvrières !

FRONT UNIQUE CONTRE CE GOUVERNEMENT .

Tous les travailleurs, syndiqués et non syndiqués, sont en droit d’exiger des dirigeants syndicaux qu’ils refusent leur soutien au gouvernement Chirac. Ceci inclut pour les élections législatives un appel de principe à voter classe contre classe : pour les candidats ouvriers de son choix. Encore faut-il que, partout, il y ait une candidature ouvrière. Sur ce plan, les travailleurs, les militants qui souhaitent pouvoir voter pour le candidat d’un parti ouvrier traditionnel sont en droit d’exiger que ces partis présentent partout des candidats.

Une telle exigence serait d’autant plus compréhensible qu’il n’y a pas aujourd’hui de Parti ouvrier révolutionnaire. Et si un certain nombre de travailleurs, par rejet de la politique du PS et du PCF, ont voté pour LO ou la LCR (parfois, pour le PT) il n’en reste pas moins que ces groupes n’ont rien à voir avec des organisations révolutionnaires : en particulier, tout combat pour le Front unique, pour imposer l’unité des organisations ouvrières sur les revendications du prolétariat, leur est étranger. Ainsi, LO, comme la LCR ou le PT se refusèrent à toute mobilisation unie en direction de la majorité PS-PCF qui siégeait à l’Assemblée pour imposer à cette majorité, par la manifestation et la grève unies, le rejet de la loi d’ARTT ; ils préférèrent comme les bureaucrates syndicaux réclamer de "bonnes" 35 heures. Les travailleurs en subissent aujourd’hui les conséquences.

Et aujourd’hui, ils refusent tout combat de Front unique contre le gouvernement Chirac.

ON NE PEUT FAIRE L'ÉCONOMIE DE CONSTRUIRE UN PARTI RÉVOLUTIONNAIRE.

Par sa puissance sociale, par ses mouvements spontanés, le prolétariat est à même de se dresser contre les offensives de la bourgeoisie, en tentant d’utiliser ses organisations. Mais ce ne sont jamais que des coups de boutoir. Conservant le pouvoir, bénéficiant de l’appui constant des dirigeants des organisations ouvrières, la bourgeoisie, pour surmonter sa propre crise, doit reprendre ce qu’elle avait dû concéder antérieurement: ainsi les retraites. Pour desserrer l’étau, pour s’engager sur une autre voie que la soumission au capitalisme, la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire est une nécessité incontournable, un parti qui combatte pour un gouvernement ouvrier.

Ce combat passe aujourd’hui par la  défense inconditionnelle de tous les acquis ouvriers, en particulier : rejet de toutes les mesures et dispositifs "sécuritaires" et répressifs, défense des retraites par répartition exclusivement (et retour aux 37,5 annuités) ; défense des diplômes nationaux, des conventions et statuts nationaux ; abrogation de toutes les lois et mesures réactionnaires (pour le retour en particulier à la stricte définition hebdomadaire du temps de travail)…La défense de ces revendications implique de combattre pour imposer aux organisations ouvrières : aucune participation au "dialogue social" du gouvernement Chirac !