Le 29 mai, en votant « non » au référendum, les travailleurs et les
jeunes infligeaient une importante défaite politique à Chirac et à sa
majorité. Mais battu le 29 mai, Chirac est resté en place ; et depuis
juin, Chirac et son gouvernement dirigé par Villepin poursuivent la
politique mise en œuvre jusqu’alors par Raffarin. Cette politique
définie par Chirac est parfaitement réactionnaire et conforme aux
besoins du patronat.
CHIRAC MAINTENU POURSUIT
L’OFFENSIVE ANTI-OUVRIÈRE.
Alors que la hausse des loyers
devient insupportable, le gouvernement multiplie les expulsions au nom
de la lutte contre l’insalubrité en même temps qu’il continue sa
politique de destruction des HLM ; ceux qui sont reconstruits, moins
nombreux, sont plus chers. Cette « crise du logement » est organisée au
profit des promoteurs, investisseurs et détenteurs de capitaux
spéculatifs. L’explosion du coût du logement contribue, avec la hausse
de l’essence et du fuel, à la baisse rapide du pouvoir d’achat des
travailleurs.
Licenciements et fermetures d’entreprises se poursuivent. Le décret
publié début août contraint les chômeurs à accepter n’importe quel
petit boulot sous peine de voir leurs allocations réduites, voire
supprimées. Ceci se combine à l’accroissement de la précarité et de
l’instabilité organisé par le Contrat nouvelle embauche (CNE) créé par
les ordonnances Villepin.
Le budget 2006 concentre cette politique : la nouvelle loi de finance
(LOLF) qui entre en vigueur permet de globaliser les crédits de
fonctionnement, de personnel : la nouvelle diminution des postes – 5300
– s’articule avec la précarisation de l’emploi dans la Fonction
publique et les attaques contre les statuts (ainsi l’obligation faite
aux professeurs de remplacer leurs collègues absents introduit
l’annualisation, la flexibilité et la polyvalence). La LOLF conduit à «
adapter la gestion des ressources humaines », et prépare la
destruction du statut des fonctionnaires.
À ceci s’ajoutent le déremboursement de centaines de médicaments,
l’asphyxie des hôpitaux publics… ainsi que la privatisation des
autoroutes, d’EDF, de la SNCM pour le plus grand bénéfice des trusts et
monopoles.
En un mot, l’objectif est de faire sauter les acquis arrachés lors de
la vague révolutionnaire de l’après guerre et des mobilisations
ultérieures : en finir avec l’ensemble du code du travail (conventions
et statuts collectifs nationaux), avec la Sécurité sociale et les
retraites fondées sur le salaire différé, avec le système
d’hospitalisation publique, avec l’enseignement gratuit pour tous ; les
universités deviennent payantes, l’apprentissage se développe en
livrant une masse de jeunes à l’exploitation patronale, tandis que
s’accentuent les mesures fiscales en faveur de la bourgeoisie.
«LE GOUVERNEMENT NE VEUT PAS
ENTENDRE» ?
À en croire les dirigeants
syndicaux, et les dirigeants du PS et du
PCF, la politique du gouvernement Chirac pourrait être modifiée. À
Lille, le 6 septembre, Thibault s’écrie : « Monsieur le Premier ministre
(…) écoutez [les Français] et cessez de nous prendre pour des
imbéciles ». Le 7 septembre, l’Humanité évoque la « surdité »
gouvernementale. Bien évidement ce gouvernement n’est pas sourd. Il
sait parfaitement que cette politique est insupportable à l’ensemble de
la population laborieuse et de la jeunesse. Mais il agit au compte du
capitalisme.
Alors, qu’est-ce qui lui permet de poursuivre son offensive? Le 29 mai
au soir, la défaite de Chirac était si brutale et si nette qu’il aurait
suffit que les dirigeants des partis ouvriers déclarent « Chirac doit
immédiatement partir », et que les dirigeants PS et PCF se portent
candidats au pouvoir sans attendre 2007 pour que Chirac ne puisse
demeurer en place. Et s’il s’était obstiné, la voie aurait alors été
ouverte à la mobilisation de la classe ouvrière pour le chasser.
Mais si le Non l’a emporté le 29 mai, le Front unique des organisations
ouvrières contre Chirac n’était pas réalisé; et le gouvernement a
parfaitement entendu les interventions des dirigeants du PS et du PCF
le 29 mai au soir. Aucun n’a exigé le départ immédiat de Chirac. Le 30
mai, le bureau confédéral de la CGT déclarait : « Le gouvernement, quel qu’il
soit, et le MEDEF doivent renoncer aux réformes autoritaires […]La CGT
exige l’ouverture rapide d’une grande négociation sociale».
Et avant même la constitution du gouvernement tous les dirigeants
syndicaux rencontraient Villepin sur les bases proposées par Chirac : « agir ensemble, avec à
l’esprit, le seul intérêt national ». Ainsi légitimé
jusqu’en 2007, Chirac pouvait remanier son gouvernement et poursuivre
sa politique.
« NÉGOCIATION » ET « DIALOGUE
SOCIAL » AU SERVICE DU GOUVERNEMENT.
En juin, l’appareil de la CGT
prônait la « relance
des mouvements sociaux
» pour exhorter Chirac… à faire une autre politique ;
l’appareil de FO clamait «
il faut se donner le temps pour voir »… Et tous
poursuivaient de manière ininterrompue la « concertation » dans les
ministères : ainsi acceptaient-ils d’aller discuter avec de Villepin du
contenu du projet de loi autorisant le gouvernement à procéder par
ordonnances ; ainsi, les dirigeants des syndicats enseignants ont-ils,
le 7 juillet au Conseil Supérieur de l’Éducation, accepté de discuter
des décrets d’application de la loi Fillon. Ce faisant, ils donnaient à
Chirac les moyens de poursuivre sa politique.
Aujourd'hui, cette rentrée, devrait être préparée, selon les termes de
Thibault, « sous le
signe de l’offensive », avec un appel national de toutes
les confédérations «
pour une journée de mobilisation avec des grèves et des manifestations,
pour les salariés du privé et du public ». Ainsi a été
décidée la journée d’action du 4 octobre.
S’agit-il de rassembler toute la classe ouvrière sur des mots d’ordre
ouvrant une véritable perspective : « assez de cette politique ; assez
de ce gouvernement ; assez de Chirac » ?
Absolument pas! Pour Thibault, il s’agit de « contraindre la patronat
et le gouvernement à ouvrir des négociations », notamment « sur les
salaires ». Pour Mailly, il faut
« obliger le gouvernement à faire d’autres choix basés sur une
augmentation du pouvoir d’achat » Pour Aschiéri (FSU), « il s’agit d’une occasion
extrêmement importante de mobiliser pour un changement de politique »…
« il faut
contester globalement cette politique »…
Mais qui peut croire que sous la « pression » Chirac et son
gouvernement pourraient « entendre », et faire une autre politique, une
politique conforme aux intérêts de la classe ouvrière et de la
jeunesse, alors que la mobilisation de 2003 a montré qu’on ne peut
gagner sans combattre pour vaincre et chasser ce gouvernement ? Pas
même la direction du PCF qui dans ces réunions internes (lors du CN du
8 septembre) affirme « Ce gouvernement est illégitime. Oui, Messieurs
Chirac, Villepin, Sarkozy sont illégitimes ! » Mais le PCF se garde
bien de combattre publiquement sur cette ligne : pour MG Buffet comme
pour Hollande, il faudrait garder Chirac jusqu’en 2007 !
Il est vraisemblable que, face au caractère insupportable des attaques
du gouvernement, nombre de travailleurs chercheront à se saisir de la
journée du 4 octobre. Mais pour en finir avec la politique du
gouvernement, il faut commencer par créer les conditions pour battre et
chasser Chirac sans attendre 2007.
FRONT UNIQUE POUR BATTRE ET
CHASSER CHIRAC.
La première exigence, c’est que les
dirigeants syndicaux, ceux du PS et
du PCF formulent les revendications qui sont celles des travailleurs :
abrogation de toutes les lois réactionnaires. Et pour commencer :
- Abrogation des ordonnances Villepin, des lois Borloo, Sarkozy, des
lois Fillon (retraites, assurance maladie, école)…
À cette fin : que cessent toute négociation avec ce gouvernement et
avec le Medef qui appelle à la liquidation du code du travail. Alors
que le gouvernement œuvre à la dislocation du statut de la Fonction
publique, quel travailleur pourrait accepter qu’Aschiéri, dirigeant de
la FSU – de même que les dirigeants des autres fédérations de
fonctionnaires – affirme, le 23 septembre, qu’il faut « réformer » ce
statut ?
La satisfaction de ces revendications implique la mobilisation de la
classe ouvrière, mobilisation pour laquelle il faut une perspective
politique : en finir avec Chirac, sans attendre 2007 !
Les travailleurs n’ont guère d’illusion à l’égard du PS ou du PCF ; ils
gardent en mémoire la politique anti-ouvrière menée par le gouvernement
dit de la « gauche plurielle ». Et en même temps, en l’absence de Parti
ouvrier révolutionnaire, pour battre Chirac et sa majorité, en 2004,
ils ont massivement voté pour les listes dirigées par le PS et le PCF.
Ils ont indiqué par là qu’un autre gouvernement est immédiatement
possible, sans Chirac, sans ministre de partis bourgeois.
Les travailleurs ne veulent pas d’un gouvernement type « union de la
gauche », respectueux de Chirac.
Ils veulent un gouvernement qui satisfasse leurs revendications. Mais
ils savent aussi que tant que Chirac sera là, les attaques contre les
acquis et les conditions d’existence se poursuivront. La perspective
d’un gouvernement des seuls partis ouvriers, d’un gouvernement du PS et
du PCF, ouvrirait la voie à la mobilisation nationale pour en finir
avec Chirac, sa majorité et leur politique, ouvrirait la voie au combat
pour imposer alors à un tel gouvernement des partis ouvriers la
satisfaction des revendications :
- abrogation de toutes les lois anti-ouvrières ;
- un seul contrat de travail : le CDI (avec abrogation des textes le
mettant en cause) ;
- rattrapage du pouvoir d’achat perdu et sa garantie par l’échelle
mobile des salaires.
C’est en combattant sur cette orientation que la classe ouvrière pourra
s’engager dans la voie de la construction d’un Parti révolutionnaire
pour un authentique gouvernement ouvrier, pourra reprendre le combat
pour l’expropriation du capital et pour instaurer un socialisme
authentique.
Le 26 septembre 2005
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