UNE INDÉNIABLE VOLONTÉ DE COMBATTRE


Moins de six mois après l’élection de Sarkozy, c’est une immense volonté de combattre qui s’est exprimée à partir du 18 octobre : volonté de combattre Sarkozy, sa politique, son gouvernement. Et ce combat est pleinement politique, même s’il s’est d’abord cristallisé sur une revendication précise et limitée : la défense des régimes dits « spéciaux » de retraites. Et c’est parce que ce combat est un combat politique que le dispositif prévu par le gouvernement a été bousculé.

UN DISPOSITIF SOIGNEUSEMENT ÉTABLI

Depuis l’élection de Sarkozy, les travailleurs et la jeunesse sont confrontés à une série d’attaques sans précédent contre leurs acquis sociaux et leurs droits. Cette offensive se mène sur tous les terrains, visant tout à la fois les travailleurs immigrés (avec ou sans papiers), l’Enseignement (réduction massive du nombre d’enseignants) et toute la Fonction publique, la Sécurité sociale avec l’instauration d’une franchise, les CDI, le Code du travail, etc

Mais cette offensive tout azimut n’est pas désordonnée, bien au contraire : en juillet a été menée la première phase de l’offensive, avec notamment le vote de la loi contre le droit de grève dans les transports, préparant la destruction des régimes spéciaux de retraites à l’automne. Le gouvernement a indiqué lui-même que la fin des régimes spéciaux était le préalable pour que se tienne le « rendez vous » prévu début 2008 par la loi Fillon sur les retraites : l’objectif est en particulier de passer à 41 ou 42 le nombre d’annuités de cotisation pour tous les salariés (privé et public) qui veulent une « pleine » retraite. De même, c’est en juillet que la loi Pécresse d’autonomie des universités (LRU) a été votée afin d’éviter qu’une mobilisation des étudiants ne surgisse à l’automne en même temps que celle des cheminots.

L’APPUI INDISPENSABLE DES APPAREILS SYNDICAUX

Pour faire passer, en juillet, ses premières lois, Sarkozy a eu besoin du soutien des dirigeants des syndicats et des partis ouvriers. Dès mai-juin, les dirigeants des confédérations syndicales, ceux de l’Unef et de la FSU, se sont bousculés pour « discuter », se « concerter » avec le gouvernement. … Ainsi la loi contre le droit de grève et la loi pour l’autonomie des universités ont-t-elles pu être votées sans résistance.

Ce soutien apporté à Sarkozy par la concertation découle du refus des dirigeants des syndicats et des partis ouvriers de formuler les vraies revendications. Ainsi la direction de l’Unef n’a pas combattu pour le retrait de la loi Pécresse ; elle a donc accepté de la discuter.

De même, les dirigeants des syndicats ouvriers n’ont-ils combattu ni pour le retrait de la loi contre le droit de grève –ils ont accepté de discuter, d’amender ce projet - ni pour le retrait du projet détruisant les régimes spéciaux. En septembre, le gouvernement pouvait donc être raisonnablement optimiste : la grève du 18 octobre devait être une simple journée d’action, les enseignants et fonctionnaires ne devant faire grève que le 20 novembre.

LE 18 OCTOBRE : UNE INFLEXION DANS LA SITUATION

Or, c’est en défense des régimes « spéciaux » de retraites, notamment à la SNCF et à la RATP, que les travailleurs concernés – dans un mouvement d’une puissance rarement vue – ont fait grève jeudi 18 octobre.

Ce que l’ampleur de cette grève a montré, c’est que les travailleurs étaient prêts à engager le combat pour briser l’offensive de Sarkozy et imposer, par la grève générale de la Sncf, de la Ratp, le retrait du projet gouvernemental.. Il faut remonter à une grève de 1953, déjà en défense des retraites, pour trouver une mobilisation aussi forte. Et à EDF et GDF, officiellement, plus de 50% de grévistes. Et des centaines de milliers de travailleurs ont manifesté.

Plus encore, cette mobilisation n’est absolument pas apparue comme celle de corporations particulières, en défense des derniers régimes spéciaux », mais fut comprise comme le premier combat contre Sarkozy et son gouvernement. Or tout avait été fait, par les appareils syndicaux de la SNCF et par ceux de l’enseignement, pour qu’il n’y ait aucune action commune. Le SNES et la FSU, en accord avec la CGT, refusèrent d’appeler à la grève le 18 octobre.

Mais dans nombre de départements et académies, la FSU et le SNES durent appeler à la grève. Aux manifestations participèrent également des étudiants, et des travailleurs de différentes entreprises qui affirmaient leur disposition à combattre la politique de ce gouvernement.

Cette volonté s’est aussi exprimée dans les manifestations du 20 octobre contre la loi Hortefeux contre les immigrés.

LES ÉTUDIANTS ENGAGENT LE COMBAT

Moins de six mois après l’élection de Sarkozy, c’est une immense volonté de combattre qui s’est exprimée à partir du 18 octobre : volonté de combattre Sarkozy, sa politique, son gouvernement. Et ce combat est pleinement politique, même s’il s’est d’abord cristallisé sur une revendication précise et limitée : la défense des régimes dits « spéciaux » de retraites. Et c’est parce que ce combat est un combat politique que le dispositif prévu par le gouvernement a été bousculé.

LES APPAREILS SYNDICAUX EN DIFFICULTÉ

La puissance de la grève à la SNCF et à la Ratp a interdit aux appareils de s’engager alors plus avant dans un accord avec le gouvernement. Ils durent décider d’une nouvelle action en novembre. Or les syndicats de fonctionnaires et de l’enseignement appelaient à la grève le 20 novembre. D’un commun accord, les appareils décidèrent de « saucissonner » l’action. La CFDT menaça de se retirer du 20 novembre s’il y avait « un mélange des mouvements entre les régimes spéciaux, les fonctionnaires et je ne sais quoi encore ”. Ceci est habituel de la part de cette organisation. Mais ce qui est inacceptable pour les travailleurs, c’est que les dirigeants des véritables syndicats suivent la même politique, notamment Le Reste, secrétaire de la CGT-Cheminots. Celui-ci explique : «nous sommes sur une action syndicale de contestation d’une réforme des régimes spéciaux et non d’une action politique pour renverser le gouvernement » ; sur cette base, il est décidé que la grève aura lieu le 14 novembre. Mais les cheminots rejettent une nouvelle grève de 24 heures, ils savent que la situation impose que les organisations syndicales décident la grève générale. Pour Le Reste et pour Thibaut, il n’en est pas question : ce sera donc une grève « reconductible », AG par AG, dont on sait que plusieurs organisations se retireront rapidement. …Les appareils espèrent bien que, avant le 20, la grève sera disloquée dans les transports et la négociation conclue dans ses grandes lignes.

Mais l’imprévu, c’est la montée en puissance de la mobilisation étudiante, bien que celle-ci ne prenne pas la forme d’un raz-de-marée spontané. Ceci exprime la volonté de la jeunesse et de la classe ouvrière d’en finir avec cette politique. A son tour, elle conforte les cheminots. Et elle cherche à se centraliser contre Sarkozy et le gouvernement.

Les appareils vont alors tout mettre en œuvre pour interdire la cristallisation d’un mouvement vers la grève générale. Dans leur combat, les travailleurs et la jeunesse vont donc devoir tenter de surmonter plusieurs obstacles.

LA QUESTION DÉCISIVE : IMPOSER AUX SYNDICATS QU’ILS DÉFENDENT LES VRAIES REVENDICATIONS

La première entrave à la mobilisation, c’est le refus des responsables syndicaux de formuler les revendications qui sont celles des grévistes et manifestants. Bruno Julliard explique ainsi que l’abrogation de la loi Pécresse n’est pas réalisable. La CGT des cheminots comme celle confédérale n’exige pas le retrait pur et simple du projet gouvernemental de destruction des régimes spéciaux ; elle demande au gouvernement de « revoir sa copie ». Il faut donc combattre pour imposer à ces dirigeants qu’ils se soumettent à la volonté exprimée par les travailleurs et les étudiants. La même exigence doit être formulée à l’égard du PCF et du PS qui acceptent la prétendue « nécessité des réformes » : Abrogation de la LRU ! Défense inconditionnelle des « régimes spéciaux » ! Mais aussi : défense des statuts de fonctionnaires, Aucune suppression de postes dans la fonction publique (non régalienne) !

ASSEZ DE NÉGOCIATION ! ASSEZ DE DIALOGUE SOCIAL !

C’est parce qu’ils refusent de combattre sur les vraies revendications que les dirigeants syndicaux répètent en boucle qu’ils veulent négocier.

À l’inverse, il convient d’imposer aux dirigeants syndicaux la « Rupture des négociations ! », négociations qui encouragent le gouvernement et suscitent le désarroi des travailleurs. C’est sur cette base qu’il peut être exigé : dirigeants des syndicats de la SNCF, de la RATP, appelez à la grève générale de toute la profession ! Dirigeants de l’UNEF et des syndicats d’enseignats-chercheurs et personnels de l’Université, appelez à la grève générale de l’Université !

En refusant de formuler les vraies revendications, en formulant la demande insatiable de « négociation » les appareils syndicaux aident le gouvernement Sarkozy. De même le PS et le PCF. Leur soumission au capitalisme, le refus d’inscrire le combat revendicatif dans la perspective du socialisme, ne peut que conduire à un tel soutien. Aussi les dirigeants syndicaux, avec le PS (et le PCF), ne cessent de réaffirmer, comme Thibaut, que « le Président a une légitimité que personne ne conteste ».

SARKOZY N’AURAIT JAMAIS DU ÊTRE ÉLU

Ce langage est étranger aux travailleurs. Pour eux, ce gouvernement est l’ennemi. Qui plus est, pour l’immense majorité d’entre eux, Sarkozy n’aurait tout simplement jamais dû être élu ; celui-ci, avec Chirac, avait été défait aux élections régionales et cantonales du printemps 2004, puis à celles européennes. Sarkozy et Chirac avaient été battus à plate couture lors du référendum du 29 mai 2005 sur le traité européen ; et ces deux mêmes avaient subi une défaite en rase campagne au printemps 2006, la mobilisation de la jeunesse et des travailleurs les contraignant à abroger le CPE. Sarkozy avec Chirac auraient dû être chassé en 2004 ; ils auraient dû l’être en 2005, et encore en 2006. Chaque fois, les dirigeants du PS et du PCF ont expliqué que Chirac était « légitime », qu’il faudrait attendre 2007 : on a vu le résultat ! PS et PCF ont joué la division, refusant de formuler une perspective politique qui réponde aux attentes des travailleurs ; et le PS choisit la pire des candidates, laquelle accentua le caractère réactionnaire du programme du PS …Sarkozy fut donc élu, et ceux qui permirent son élection sont ceux-là même qui le protègent aujourd’hui.

Car PS et PCF défendent le capitalisme et la bourgeoisie française et chacun sait qu’on ne redressera pas ces deux partis. Et la nécessité de construire un parti qui combatte pour en finir avec le capitalisme, c'est-à-dire qui combatte pour socialisme, est plus grande que jamais.

FRONT UNIQUE CONTRE SARKOZY !

La construction d’un tel parti passe par une politique qui réponde aux nécessités immédiates, s’appuyant sur un programme révolutionnaire (sur ce plan, on pourra relire avec profit le document intitulé Éléments pour un Programme d’action, publié dans le CPS n° 104-105 du 31 mars 2007). Contribuer à définir les vraies revendications, et combattre pour que celles-ci soient prises en comptes par les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier, partis et syndicats, est une nécessité. De même : combattre pour que ces organisations rompent avec leur politique de négociation-concertation est une nécessité.

En l’absence de tout parti révolutionnaire, les travailleurs ne peuvent que chercher à se servir de leurs vieux partis, aussi usés soient-ils. Le combat pour le Front unique est partie intégrante du combat pour en finir avec le capitalisme. La simple « dénonciation » de ces vieilles organisations, le refus de mener tout combat en leur direction, comme le font LO, la LCR et certains courants prétendument « gauches » ou « critiques » au sein du PS et du PCF, cache en général un très grand opportunisme à l’égard des dirigeants syndicaux (quand ces groupes ne sont pas eux-mêmes constitutifs de l’appareil syndical, comme c’est le cas pour la LCR ou tel courant « radical » du PS).

De même, le combat pour le Front unique implique de mettre en avant, à chaque moment, la perspective politique centrale et immédiatement saisissable. Aujourd’hui, il s’agit de combattre pour le Front unique sur les véritables revendications afin que, par la mobilisation, la classe ouvrière, la jeunesse inflige une défaite politique à Sarkozy. Affirmer la nécessité de la grève générale des étudiants et personnels de l’Université (ou de la grève générale des cheminots, des traminots, ou de toute autre catégorie), combattre pour le Front Unique contre Sarkozy, implique d’affirmer d’emblée qu’il s’agit de préparer les conditions politiques de la grève générale de tous les étudiants et salariés, qui est grève politique.